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Wednesday, December 16, 2009

L'ultime déception de Fidel Castro

Si l’on en croit la déclaration finale du sommet de l’Alba, les Etats-Unis « ont soutenu » le coup d’état de juin dernier au Honduras contre le président Manuel Zelaya. L’Alba (Alliance bolivarienne pour les Amériques) est un groupement « anti-libéral » lancé en avril 2005, par la signature d'un « traité commercial des peuples » entre Cuba et le Venezuela. La Bolivie, le Nicaragua et la Dominique ont rejoint progressivement l’alliance, qui se voulait un contre-poids à la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques) promue par les Etats-Unis. Le président du Honduras Manuel Zelaya a signé l’accord de l’Alba en 2008. Enfin, Saint Vincent, les Grenadines, Antigua-et-Barbuda et l'Equateur ont rejoint en 2009.
Tout ce beau monde s’est donc réuni en sommet les 14 et 15 décembre 2009 à la Havane, sauf que le Honduras était représenté non pas par le gouvernement issu des élections du 29 novembre dernier, mais par une ministre déchue de l’ancien gouvernement du président Manuel Zelaya, chassé du pouvoir en juin 2009 par un coup d’état militaire. Les participants au sommet n’ont pas encore digéré le coup de force qui a transformé radicalement la nature du gouvernement au Honduras, et ils ont accusé clairement Washington d’être « impliqué » dans le coup d’état.
On se rappelle pourtant qu’en juin dernier, le président Obama a condamné le putsch, et a même exigé que le président légitime reprenne ses fonctions à la tête de l’Etat du Honduras. Mais on se rappelle aussi que c’était une réaction de pure forme dans la mesure où les Etats-Unis n’ont pas entrepris la moindre action, diplomatique ou autre, en faveur du retour du président légitime.
Nul besoin de préciser que Washington aurait remué ciel et terre pour le retour de la légitimité au Honduras, si le putsch était perpétré par des forces de gauche contre un président de droite. C’est dans la nature des choses, dirions-nous, la légitimité, comme beaucoup d’autres concepts, n’est pas une valeur absolue, mais un principe élastique apprécié en fonction de plusieurs considérations, la justice et l’équité n’étant pas, tant s’en faut, les premières à être prises en compte.
La signature par le président Manuel Zelaya du « traité commercial des peuples » et l’entrée du Honduras dans le club de l’Alba sont sans doute pour beaucoup dans le coup de force par lequel les militaires honduriens ont bloqué l’ancrage du pays dans le club de la gauche latino-américaine, dont les principaux acteurs sont Cuba, le Venezuela et la Bolivie. Ce n’est pas un hasard si ces trois pays ont été les plus virulents dans leurs attaques contre les Etats-Unis au sommet de l’Alba à la Havane. Pour prouver leurs accusations de « visées impériales » qu’ils attribuent à Washington, Raul Castro, Hugo Chavez et Evo Morales ont largement évoqué au cours du sommet les « sept bases militaires américaines » en Colombie et « le coup de force » au Honduras.
Les développements en Colombie et au Honduras ont eu lieu en 2009, c'est-à-dire sous l’administration Obama, d’où les attaques en règle contre ce dernier, en particulier de la part de Hugo Chavez et de Fidel Castro, tout deux ayant exprimé au début de cette année un certain espoir dans le changement de la politique américaine vis-à-vis de l’Amérique latine. Maintenant, rien ne va plus, et les deux icônes du militantisme latino-américain tirent à boulets rouges sur le président américain, qualifié par son homologue vénézuélien de « Monsieur le prix Nobel de la guerre ».
Le plus amer est Fidel Castro. Depuis un demi siècle, le dirigeant cubain a dépensé des tonnes d’énergie dans sa lutte implacable contre « l’empire ». Il a tenu tête à une multitude de présidents américains. Il a croisé le fer avec John Kennedy, Lyndon Johnson, Richard Nixon, Gerald Ford, Jimmy Carter, Ronald Reagan, George Bush père, Bill Clinton et George Bush fils. Il y a de quoi être épuisé vraiment.
Avec l’arrivée d’Obama à la Maison blanche, le Lider Maximo, vieilli et fatigué, a peut-être souhaité qu’à la fin de sa vie il ait au moins une petite bonne relation avec un président américain avant de mourir, et pourquoi pas normaliser la relation de Cuba avec son grand voisin du nord après un demi siècle d’inimitié cordiale ? Même si avec sa longue expérience, il ne peut sans doute ignorer qu’un homme ne peut changer un empire. Pendant quelques mois, il s’est accroché à l’espoir de voir cet homme « sympathique » changer un tant soit peu le comportement de la grande puissance qui, pendant cinquante ans, a tout fait pour l’isoler dans son île cubaine et pour faire de lui un paria. Il a accordé un préjugé favorable au nouveau président et s’est mis à attendre.
Le sommet de l’Alba a été l’occasion pour le vieux dirigeant d’exprimer son amertume et sa déception. Pour le Lider Maximo, les choses sont maintenant claires : Obama n’est pas différent de ses prédécesseurs. Dans une lettre adressée au sommet de l’Alba et lue en son nom par Hugo Chavez, Fidel Castro constate que « le coup d'Etat au Honduras et l'établissement de sept bases militaires en Colombie sont des faits récents qui se sont déroulés après l'entrée en fonction du nouveau président des Etats-Unis. Les intentions réelles de l'Empire sont évidentes, cette fois avec le sourire aimable et le visage afro-américain de Barack Obama. »
On ne sait pas si cela pourrait consoler Castro de savoir qu’il n’est pas le seul à ruminer son amertume et sa déception. Mahmoud Abbas, toutes proportions gardées, rumine la même déception et la même amertume que le vieux dirigeant cubain. L’un et l’autre savent mieux que quiconque que « le sourire aimable » d’Obama n’a pas séduit les lobbies israélien et cubain aux Etats-Unis qui, étant les plus puissants du pays, refusent de lâcher prise et interdisent toujours à la diplomatie américaine de changer de cap et d’adopter la juste politique vis-à-vis des questions palestinienne et cubaine.

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