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Wednesday, November 04, 2009

Obama face au casse-tête afghan

Décidément l’année 2009 en Afghanistan est, sur tous les plans, la pire depuis 2001 aussi bien pour le gouvernement local que pour la coalition étrangère. On est très loin de l’équilibre politique visé par la conférence de Berlin fin 2001 ; on est loin aussi des espoirs qu’à soulevés la première élection au suffrage universel pendant laquelle les Afghans avaient élu Hamid Karzai en 2004.
Normalement, les scrutins sont organisés pour asseoir la légitimité de ceux qui s’apprêtent à gérer les affaires publiques. Cette règle n’a pu s’appliquer pour le scrutin afghan compte tenu de la situation chaotique que vit le pays depuis des années. Le gouvernement du président Hamid Karzai, gangrené par la corruption et mis à l’index par les Afghans et par les puissances étrangères, voit sa légitimité gravement détériorée à la suite de l’élection présidentielle du 20 août dernier et des fraudes massives qui l’ont entachée. Plus d’un million de bulletins de vote sont douteux, et le chiffre est loin d’être exagéré quand on sait le nombre de bureaux de vote qui n’avaient pas ouvert leurs portes le jour du scrutin, mais qui ont envoyé au centre de collecte des urnes pleines à craquer.
Après d’intenses pressions venues de Washington et des capitales européennes, Karzai a finalement accepté un second tour qui devait l’opposer à son principal rival et son ancien ministre des affaires étrangères, Abdullah Abdullah. Mais celui-ci a dû se retirer de la compétition après le refus de Karzai de changer la composition du comité électoral, accusé d’avoir validé les fraudes du premier tour. Du coup, le second tour, qui aurait pu coûter très cher en argent et en vies humaines, n’avait plus beaucoup de sens et le comité électoral a fini par l’annuler et par déclarer le 2 novembre Hamid Karzai vainqueur de l’élection du 20 août…
Après douze semaines de discussions byzantines et de cafouillages autour d’un scrutin hautement contesté, Karzai reste donc le président d’un pays déchiré par la guerre, soutenu par une coalition dont les dirigeants, même s’ils s’étaient bousculés pour le féliciter, ne lui témoignent visiblement pas une grande estime. En effet, les chaleureuses félicitations en provenance de Washington, de Londres, de Berlin et de Paris traduisent plus le soulagement face à l’annulation d’un deuxième tour, potentiellement dangereux pour leurs troupes, que la joie de voir réélire un homme qui a largement fait la preuve de son inefficacité, pour ne pas dire plus.
Réélu par défaut, Karzai va se retrouver à la tête d’un gouvernement en mal de légitimité et avec des défis dont l’ampleur est sans commune mesure avec les moyens humains et matériels disponibles pour les relever. Surtout si Karzai continue à distribuer les postes clés en fonction de la loyauté plutôt que de la compétence et de l’efficacité.
L’année 2009 est la pire pour la coalition aussi. Plus de 500 de ses soldats sont morts jusqu’à présent contre moins de 300 pour l’année 2008. L’intensification de l’insurrection entraînant une intensification des actions armées de la coalition, ce sont les civils afghans qui payent le plus lourd tribut du face à face sanglant qui oppose depuis des années les talibans aux forces étrangères.
Le fait que celles-ci n’aient pu empêcher les pertes civiles à grande échelle est pour beaucoup dans l’intensification de l’insurrection, celle-ci s’alimentant de celles-là. Et si les forces étrangères sont aujourd’hui saisies par le doute sur l’issue de la guerre, c’est parce qu’elles n’ont pu éviter l’enclenchement du cycle infernal consistant au fait que plus les pertes de civils s’amplifient, plus l’impopularité de la coalition augmente, moins les recruteurs trouvent de difficultés à embrigader les jeunes Afghans et plus l’insurrection gagne du terrain.
Les difficultés rencontrées par les 20.000 soldats de la coalition dans la province de Helmand sont à cet égard significatives. Si autant de soldats fortement armés n’ont pu pacifier les quelques districts de la province, cela veut dire qu’une symbiose s’est déjà établie entre la population et les insurgés. Et c’est là que réside l’erreur stratégique monumentale de la coalition qui, par le mépris qu’elle témoigne pour la vie des civils et à force de bombarder aveuglément et sans la moindre discrimination, a fini par pousser une large partie de la population afghane dans les bras des talibans.
On ne sait pas au juste si la Maison blanche, en qualifiant d’ « historique » la réélection de Hamid Karzai, le pensait sérieusement ou faisait preuve d’humour. A moins qu’elle ne veuille faire amende honorable en établissant à nouveau de bonnes relations avec le président élu après avoir favorisé son rival Abdullah Abdullah. Mais quoiqu’il en soit, Obama, face au déficit de légitimité, est au mois aussi embarrassé que Karzai lui-même. Il se trouve dans la délicate situation où il lui est impossible de savoir au juste s’il est plus avantageux d’envoyer des renforts, comme le demande avec insistance le général Mc Crystal, ou de s’abstenir de le faire. Ceci d’une part. D’autre part, l’issue chaotique de l’élection du 20 août place Obama dans la situation tout aussi délicate de devoir soutenir un gouvernement impopulaire qui, si l’on en juge par le précédent mandat (2004-2009), est plus un fardeau pour la coalition qu’une force d’appoint pour les soldats étrangers dans leur guerre contre les talibans.
Ne sachant trop quelles décisions prendre pour améliorer la situation dans le bourbier afghan, Obama est réduit à prier pour la victoire de l’armée pakistanaise au Waziristan. L’issue de cette guerre qu’Islamabad a finalement décidé d’engager contre les talibans pakistanais est de la plus haute importance pour l’avenir de l’Afghanistan. Si l’armée pakistanaise réussit à écraser ses ennemis au Waziristan, ce sera aussi une catastrophe pour les talibans afghans qui seront brutalement privés de leur profondeur stratégique dans le territoire pakistanais. Dans le cas contraire, Dieu seul sait où s’arrêtera la déferlante obscurantiste.

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