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Monday, November 02, 2009

Les raisons d'un virage à 180°

C’est une incroyable sérénité qui se dégage de l’expression des visages de Benyamin Netanyahu et de Hillary Clinton lors de la « pose-photo » qui précédait ou suivait la conférence de presse que l’Israélien et l’Américaine ont tenu samedi dernier à Jérusalem. Une sérénité presque vulgaire, en tout cas déplacée, au vu du blocage persistant d’un processus de paix moribond qui a toutes les caractéristiques d’une coquille vide rejetée sur le sable par une mer houleuse.
Une sérénité incroyable qui reflète l’époustouflant retournement de la position américaine, retournement visiblement très apprécié aussi bien par Netanyahu que Clinton. Il y a quelques semaines, la secrétaire d’Etat Clinton déclarait avec force que l’arrêt de la colonisation est une condition sine qua non pour la reprise des négociations, et que cet arrêt doit concerner tous les territoires occupés, y compris Jérusalem.
Dans la conférence de presse de samedi dernier en compagnie du Premier ministre d’Israël, Mme Clinton a consterné le monde en affirmant que « ce que le Premier ministre a offert en termes de retenue dans la politique de colonisation est sans précédant », ajoutant que « le gel de la colonisation n’a jamais été une condition pour négocier dans le passé ». Pire encore, dans une interview accordée le même jour à la BBC, la secrétaire d’Etat est allée jusqu’à dire : « Nous comprenons que, dans une large mesure, la colonisation est liée à la peur des Israéliens et à leurs besoins de sécurité consistant à s’assurer un périmètre défendable autour d’Israël. »
Imaginons que quelque responsable international de quelque nationalité que ce soit ait dit en août 1990 : « Nous comprenons que, dans une large mesure, la colonisation du Koweït est liée à la peur des Irakiens et à leur besoins de sécurité consistant à s’assurer un périmètre défendable autour de l’Irak ». Il aurait été sans aucun doute, et à juste titre, traîné dans la boue, mis an ban des nations avec le statut de paria mondial pour le restant de ses jours.
Il est bien évident que pour les personnes honnêtes, détachées et objectives, il n’y aucune différence de nature entre l’occupation de Jérusalem, de la Cisjordanie, de Gaza et du plateau du Golan en juin 1967 et l’occupation du Koweït en août 1990. Les deux occupations sont illégales au regard du droit international, toutes deux ont violé le droit des deux peuples à une vie libre et digne, et toutes deux ont commis des abus impardonnables.
Mais, heureusement pour le peuple koweïtien, son occupation n’a duré que quelques mois, grâce à un consensus international sur la nécessité de libérer le Koweït et à une volonté internationale de concrétiser cette nécessité.
Le peuple palestinien n’a pas eu la même chance que le peuple koweïtien dans la mesure où, plus de 42 ans après son occupation, le calvaire persiste toujours, empirant d’année en année. Sans doute les conditions des conflits israélo-arabe et irako-koweïtien sont politiquement et historiquement très différentes, mais, on le répète et on insiste, il n’y a pas de différence de nature au regard du droit international entre les deux occupations.
En dépit de cette similitude, l’Irak est aujourd’hui un pays détruit, et Dieu sait combien de générations lui faudrait-il pour retrouver son niveau d’avant l’occupation du Koweït, alors qu’Israël, après 42 ans d’occupation et plusieurs guerres, et bien qu’il soit plus puissant et plus riche que jamais, est toujours aidé, financé, armé, sans parler de l’impunité dont il bénéficie toujours et qui ne fait sûrement pas honneur à ceux qui la lui assurent.
N’est-il pas choquant d’écouter Mme Clinton, après avoir fait un virage de 180° en quelques semaines, justifier l’une des plus graves violations du droit international de l’Histoire par « les peurs et les besoins de sécurité » du peuple israélien ?
Pour comprendre les raisons du virage de 180°, on a tendance à aller fouiller du côté du Lobby. Sans doute ses pressions sont-elles efficaces, mais pour cette fois, les vraies raisons se trouvent ailleurs. Dans un article publié dans le New York Times le 1er novembre, on nous informe que l’administration américaine est « très soucieuse » de la « baisse record » de popularité du président Obama en Israël et qui se situe « entre 6 et 10% » d’opinions favorables. Toujours selon le journal new yorkais, « les conseillers du président américain sont à la recherche de moyens pour rassurer le public israélien de l’amitié d’Obama et de son engagement envers la sécurité d’Israël ».
Du coup, non seulement on enterre les exigences formulées précédemment par Obama au Premier ministre israélien pour la reprise des négociations de paix, mais « Clinton est chargée de relayer ce message au peuple israélien pendant sa visite, et Mitchell se voit confier la mission de faire des efforts similaires pendant ses très fréquentes visites à Jérusalem. » La panique provoquée par cette baisse de popularité est telle que « la Maison blanche est en train de battre un nouveau record en nombre de messages et de salutations par vidéo adressés au peuple israélien et aux organisations juives aux Etats-Unis, et que les plans d’une visite d’Obama à Jérusalem sont en discussion. »
On peut se poser légitimement la question pourquoi Obama tient-il tant à être populaire en Israël ? Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans le souci d’Obama d’accroître ses chances de réélection en 2012. Mais, d’après le New York Times, le souci est ailleurs : « les conseillers du président craignent que l’hostilité des Israéliens à Obama n’entrave ses efforts de paix. » C’est une crainte injustifiée, car ces conseillers ne peuvent ignorer que l’extrême popularité de George W. Bush en Israël et l’amour inconsidéré que lui témoignaient les Israéliens ne l’avaient pas aidé à mener à bien ses propres efforts de paix et à concrétiser sa promesse d’un Etat palestinien en 2005 au plus tard…

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