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Monday, October 19, 2009

Terrorisme nucléaire

L’une des raisons avancées pour justifier l’octroi du prix Nobel de la paix au président américain est « l’importance particulière » qu’attache le Comité d’Oslo « à la vision et au travail d’Obama pour un monde sans armes nucléaires ». Il est vrai que l’homme paraît sincèrement préoccupé par la prolifération nucléaire et semble déterminé à déployer des efforts pour réduire son ampleur, même si son administration a osé une seule fois aborder explicitement la question du nucléaire israélien, avant de revenir à la position classique américaine, c'est-à-dire un silence assourdissant.
Il va sans dire que Barack Obama terminera les trois ans qui lui restent à la Maison blanche (ou sept dans le cas où il remportera un second mandat en 2012), sans qu’il y ait une percée significative dans la réduction du nombre des ogives nucléaires dans le monde qui se comptent par dizaines de milliers. Il n’est pas magicien pour qu’il les fasse disparaître d’un coup de baguette, et aucun pays nucléaire ne semble pressé de donner l’exemple en envoyant son arsenal à la casse, les Etats-Unis et Israël moins que d’autres.
Il faut dire que depuis le lancement de la bombe à base d’uranium sur Hiroshima et d’une autre à base de plutonium sur Nagasaki en août 1945, avec les conséquences terrifiantes que l’on sait, les pays qui maîtrisent la technologie nucléaire à des fins militaires se sont contentés d’accumuler les milliers d’ogives sans qu’aucun n’ose les utiliser contre un ennemi, fût-il non détenteur de la bombe. Il y a eu certes en pleine guerre froide des fous aux Etats-Unis qui conseillaient la Maison blanche de charger quelques ogives nucléaires sur des missiles intercontinentaux et de les envoyer sur Moscou ou Saint Petersbourg dans le cadre d’une « guerre préventive » contre l’Union soviétique. Si la guerre froide s’est terminée sans dégâts majeurs, c’est parce que les décideurs américains n’avaient pas suivi les conseils de ces apprentis sorciers aveuglés par la haine qu’ils ressentaient envers l’idéologie communiste.
On croyait que l’idée saugrenue de « guerre nucléaire préventive » s’est éteinte avec la fin de la guerre froide. Mais la haine est toujours là. Tenace, aveuglante, provoquant chez certains le désir irrépressible de voir le pays détesté brûlé par le feu nucléaire.
Le 9 octobre donc, le président Obama reçoit le prix Nobel de la paix pour, entre autres, sa « vision » et son « travail » pour « un monde sans armes nucléaires ». Cinq jours après, le 14 octobre plus exactement, un ancien responsable de l’administration américaine, John Bolton, appelle indirectement Israël à utiliser ses armes nucléaires contre l’Iran. Un double pied de nez fait par Bolton à Obama : il appelle à une guerre nucléaire contre l’Iran cinq jours après l’obtention par celui-ci du prix Nobel de la paix. Et l’appel est adressé de Chicago, la ville d’Obama.
Le mardi 14 octobre, une manifestation de soutien à Israël a été organisée à l’université de Chicago par des gens qui se font appeler « les jeunes républicains » et « les amis d’Israël à Chicago ». John Bolton, l’ancien représentant de Bush à l’ONU, était l’invité vedette. Il a prononcé un discours intitulé : « Assurer la paix », un titre qui relève peut-être d’un humour douteux, mais ne reflète nullement le contenu du message boltonien : « Les négociations ont échoué. Les sanctions aussi. Nous nous trouvons dans une situation très malheureuse où l’Iran aura ses armes nucléaires dans un très proche avenir, à moins qu’Israël n’utilise ses armes nucléaires contre le programme iranien. »
Ce qui est incroyable, c’est que cet appel, implicite mais terrifiant, lancé par Bolton de Chicago à Israël pour l’inciter à engager ses armes nucléaires contre l’Iran passe inaperçu. La gravité ne réside pas dans ce qu’a dit Bolton. Celui-ci est connu par la haine inextinguible qui l’habite contre le monde arabe et musulman et ses vociférations enragées pour la défense des causes injustes et immorales n’étonnent plus personne. Ce qui étonne, en revanche, c’est le silence assourdissant observé aux Etats-Unis, y compris par le président fraîchement récompensé par le prix Nobel de la paix, face à des appels de cette nature.
La gravité de ce silence réside dans le fait qu’il établisse une distinction entre les deux genres de discours terroristes qui menacent la paix mondiale : le discours terroriste d’Al Qaida qui appelle à s’en prendre par tous les moyens aux pays occidentaux, et le discours terroriste boltonien qui appelle à s’en prendre par tous les moyens aux ennemis d’Israël, y compris en recourant à l’arme nucléaire.
On est habitué à la règle des deux poids et deux mesures appliquée par une sorte de réflexe pavlovien dès qu’il s’agit de juger par exemple un incident ou un drame découlant du conflit israélo-arabe. Mais on est moins habitué à l’application de cette règle aux discours terroristes en fonction de leur origine. Maintenant on est édifié.
Obama, lui-même l’a reconnu, a eu le prix Nobel de la paix non pour ce qu’il a fait mais pour ce qu’il est appelé à faire. Et la première chose à faire pour un Nobel de la paix est de refuser toute distinction entre les discours terroristes en fonction de leur origine. S’il a tout à fait raison de dénoncer le discours terroriste nihiliste d’Al Qaida, il a tout a fait tort de passer sous silence le terrorisme nucléaire de Bolton.

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