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Monday, November 09, 2009

L’espoir vient de l’Extrême-Orient

Depuis le lancement du Forum de coopération Chine-Afrique en 2000 jusqu’à la quatrième conférence de ce Forum tenue à Charm el Cheikh les 8 et 9 novembre 2009, les relations sino-africaines ont connu un développement spectaculaire. Cette décennie de coopération intensive entre la Chine et l’Afrique contraste singulièrement avec le passé douloureux de l’exploitation outrancière des ressources minières africaines par les puissances européennes, du régime de l’échange inégal imposé au continent noir et du transfert net et continu de richesses aux dépens des pauvres d’Afrique et en faveur des riches d’Europe.
Depuis un demi siècle, les rapports Nord-Sud n’ont jamais été bénéfiques pour les pays africains qui, en dépit de la vague des indépendances du début des années 60 du siècle dernier, ont été contraints à continuer sur la voie de l’échange qui avait toutes les caractéristiques de l’échange prévalant durant la période coloniale. Depuis un demis siècle, la nature de l’échange imposé a fait que plus l’Europe prospère plus l’Afrique sombre dans la misère.
Sans doute la mauvaise gouvernance, la corruption, la multiplication des coups d’état, les guerres civiles, les pandémies sont pour beaucoup dans la perpétuation du sous- développement en Afrique, mais la nature de l’échange post-colonial est l’abcès initial autour duquel ont germé d’autres abcès qui continuent de gangrener le continent noir.
Durant des décennies, les Africains attendaient que le soulagement vienne du Nord riche et industrialisé. Attente vaine évidemment, car même l’agriculture africaine n’a pas échappé aux ravages de la cupidité nordique. Les subventions des agricultures européennes à coups de milliards d’euros ont détruit les structures de l’agriculture africaine et jeté des millions de paysans dans l’enfer des bidonvilles, alimentant la pauvreté, les maladies et l’instabilité politique. Certes des dirigeants européens, comme l’ancien président français Jacques Chirac, ont exprimé à plusieurs reprises leur colère contre les ravages causés à l’Afrique par ces subventions, mais ils n’ont rien pu faire contre la voracité des lobbies agricoles et agro-alimentaires qui, pour faire des pressions et obtenir plus de subventions encore, n’hésitent pas à arroser les champs avec des millions de litres de lait, comme on l’a vu récemment dans certains pays européens.
L’espoir est venu de là où on ne l’attendait pas. De l’Extrême-Orient. De la Chine. Ou, pour paraphraser le titre de l’essai du chercheur Sénégalais, Adama Gaye, de la rencontre de l’Autruche africaine et du Dragon chinois. La chance réside désormais non pas dans l’impossible « coopération Nord-Sud », à la promotion de laquelle tant d’énergies intellectuelles et politiques ont été gaspillées, mais de la rencontre entre « l’Autruche africaine qui patine en queue de peloton du développement » et « cette Chine, dragon rugissant du XXIe siècle », pour reprendre les expressions du chercheur sénégalais.
Dans les forums Nord-Sud des années 1980 et 1990, les discours des dirigeants africains étaient souvent teintés de déception et d’amertume engendrées par les promesses non tenues. Maintenant, dans les forums Chine-Afrique, les discours des dirigeants africains sont différents. On y lit ni déception ni amertume. Bien au contraire, tous chantent les louanges de la Chine et de ses « nombreux efforts pour réaliser ses promesses vis-à-vis des pays africains. » En déclarant à l’ouverture dimanche de la Conférence de Charm el Cheikh que « la Chine a pleinement tenu ses promesses d'aide aux pays africains dans les domaines de l'énergie, des routes et des infrastructures de base », le président soudanais, Omar al Bachir n’a pas exprimé seulement sa propre opinion, mais celle de la plupart de ses collègues africains.
Sans doute, la Chine n’est pas une organisation humanitaire géante dont le but dans la vie est de soulager les souffrances et la misère des Africains. C’est un pays comme les autres qui a ses intérêts économiques et stratégiques et dont les penchants pour l’Afrique ne sont pas motivés par des sentiments philanthropiques. Toutefois, la Chine a su instaurer avec l’Afrique le genre de relations mutuellement bénéfiques que les Européens n’ont jamais voulu établir.
La différence entre les rapports Nord-Sud d’une part et Chine-Afrique d’autre part est qualitative. Les Européens achètent les matières premières africaines en fixant eux-mêmes les prix et en sachant pertinemment, sans jamais s’y opposer, que l’argent versé retournera vers les banques européennes alimenter les comptes privés de décideurs peu scrupuleux et se souciant de l’intérêt de leurs pays comme d’une guigne. En revanche, la Chine achète les matières premières africaines, mais construit des ponts, des routes, des chemins de fer, des logements, des conduites d’eau, des centrales électriques etc…
L’Europe envoie des hommes d’affaires en Afrique négocier des contrats où ne figurent nul intérêt pour l’Afrique et les Africains. La Chine envoie des hommes d’affaires aussi, certes, mais envoie en même temps un million de Chinois, ingénieurs, techniciens et ouvriers spécialisés, pour prendre en charge les centaines de chantiers dans plusieurs pays d’Afrique.
L’espoir qui vient de l’Extrême-Orient est d’autant plus grand que la Chine n’est pas la seule à investir massivement pour le développement des infrastructures en Afrique. Le Japon aussi a son propre programme pour l’Afrique dans le cadre de la série de TICAD (Tokyo International Conference for African Development) qui, depuis près d’une décennie, réunit régulièrement les responsables japonais et africains. Le Japon lui aussi ne donne pas d’aide financière directe, de peur qu’elle ne se retrouve dans des comptes suisses, mais envoie ses ingénieurs et ses techniciens bâtir des écoles, des hôpitaux et autres infrastructures qui manquent terriblement à l’Afrique.
Le continent noir et ses centaines de millions d’habitants seraient dans de bien meilleures conditions si les pays du nord avaient agi dans les décennies qui avaient suivi les indépendances comme le font les deux géants de l’Extrême-Orient depuis le début du XXIe siècle. Mais avec des « si », on mettrait Paris en bouteille comme on dit.

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