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Saturday, November 07, 2009

Le bon vieux temps de la Guerre froide

Il est communément admis que les premiers germes de la Guerre froide ont commencé à se développer lors de la Conférence de Yalta à laquelle avaient participé le président américain, Franklin Roosevelt, le Premier ministre britannique, Winston Churchill, et le Secrétaire général de Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), Joseph Staline.
Si l’on accepte cette idée, on pourra dire que la Guerre froide est née le 4 février 1945, le jour de l’ouverture de la Conférence de Yalta, même si, en pratique, elle s’était manifestée plus tard. Et si l’on considère que onze heures du matin est une heure raisonnable pour l’ouverture d’une Conférence qui allait façonner la configuration du monde pour les décennies à venir, on aura une idée plus précise du moment où les germes de la future confrontation est-ouest ont commencé à infecter la politique internationale.
Quand on sait, par ailleurs, que l’officier est-allemand, Harald Jaeger, avait ouvert le poste-frontière berlinois de Bornholmer Strasse le 9 novembre 1989 à 11 heures du soir, acte par lequel il a été mis brusquement fin à la Guerre froide, on peut dire que celle-ci a duré, si mes calculs sont bons, 44 ans 9 mois 3 jours et 12 heures, période de gestation comprise.
Au regard de la longue Histoire de l’humanité, ce laps de temps est insignifiant, mais son impact sur l’ensemble de la planète est phénoménal. En effet, pendant près de 45 ans, la planète a été divisée en deux blocs ennemis et dont la rivalité idéologique et nucléaire a, à maintes reprises, mis le monde au bord de la catastrophe. C’est dire le soupir de soulagement planétaire poussé il y a vingt ans, le 9 novembre 1989.
Le soulagement n’a pas duré longtemps, car le principal vainqueur de la Guerre froide, les Etats-Unis d’Amérique, s’est révélé mauvais joueur. Au lieu de la magnanimité, de la grandeur d’âme et de l’humilité qui caractérisent les grands hommes et les grandes nations dans les moments historiques, les vainqueurs se sont comportés avec une arrogance mesquine et un acharnement incompréhensible contre les vaincus, l’Union soviétique et leurs alliés, perdant un temps et une énergie précieux dans une conduite vengeresse visant à humilier jusqu’à l’absurde les anciens ennemis.
Les Russes gardent jusqu’à ce jour une amertume au souvenir des premières années qui ont suivi l’effondrement de l’URSS. Il n’était pas facile en effet pour les citoyens de l’ex-deuxième superpuissance mondiale de sombrer du jour au lendemain dans le chaos politique et l’anarchie économique avec, en face, des vainqueurs qui se frottaient les mains avec une délectation qui frisait le sadisme. Il n’est pas facile aujourd’hui pour les Russes de voir leur pays soumis à ce qu’il faut bien appeler une stratégie d’encerclement de la part de l’Otan, en dépit du ferme engagement pris par George Herbert Bush auprès de Mikhaïl Gorbatchev que l’Organisation atlantique ne chercherait pas à s’élargir au dépens de l’ex-Union soviétique en cherchant à intégrer ses anciens alliés est-européens.
La chute du Mur de Berlin n’a pas provoqué le chaos seulement en Russie, mais aussi un peu partout dans le monde. La première guerre chaude résultant directement de la fin de la Guerre froide n’a pas tardé à se déclencher. Le premier signe majeur de la déréglementation généralisée qui allait suivre la fin de la bipolarisation du monde est l’occupation du Koweït par l’Irak. Avec la perte de repères qui caractérisaient le monde bipolaire chancelant du début des années 1990, Saddam Hussein s’était retrouvé dangereusement seul avec un ego démesurément gonflé. Personne n’était là pour l’empêcher de commettre son erreur fatale. Personne n’était là non plus pour le défendre après l’avoir commise.
Mais la fin de la Guerre froide n’a pas eu des conséquences désastreuses seulement pour les Russes ou les Arabes ou les millions d’Est-européens nostalgiques du Mur de Berlin. Les conséquences sont aussi désastreuses pour le principal vainqueur : les Etats-Unis. Les victoires avec des conséquences catastrophiques sont assez courantes dans l’Histoire. Si le Japon, par exemple, n’avait pas remporté une victoire militaire contre la Russie en 1905, il n’aurait sûrement pas été atteint par cette folie des grandeurs qui l’avait poussé à entreprendre des aventures militaires dramatiques en Asie et à commettre une série d’erreurs stratégiques fatales ayant conduits aux bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.
En sortant victorieuse de la Guerre froide, l’Amérique s’est trouvée avec la même suffisance agressive que le Japon en 1905, et la même étourderie fatale que Saddam Hussein en 1990. Elle a perdu ce que les philosophes appellent le doute salvateur, cette barrière de protection qui incite à la réflexion et à la raison avant d’entreprendre des actions qui mettent en danger la vie et les moyens de subsistance de millions d’êtres humains. Etant convaincue d’être sur le droit chemin et d’avoir absolument raison dans tout ce qu’elle entreprend, l’Amérique s’est retrouvée embourbée dans deux guerres dont elle ne sait trop comment en sortir, une armée à bout de souffle et des soldats si stressés qu’ils se tirent dessus. Le drame de la base de Fort Hood au Texas de jeudi dernier n’étonne que ceux qui veulent bien s’étonner.
Mais ce n’est pas tant la victoire qui est en cause que la manière dont elle est gérée. Quand elle cueillie par des hommes d’Etat qui concentrent en eux le cocktail explosif de l’incompétence, l’arrogance et la suffisance, alors la victoire devient bien pire que la défaite. Aujourd’hui, notre planète est nettement plus dangereuse qu’au bon vieux temps de la Guerre froide. On en fait l’expérience tous les jours un peu partout dans le monde.

1 Comments:

Blogger Khaldoun said...

En parallèle à l'arrogance des USA il y avait aussi un complexe d'infériorité des soviétiques qui n'a fait qu'accentuer la fierté américaine.

4:37 PM  

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