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Monday, October 05, 2009

Le traité de Lisbonne et la politique politicienne

Le 12 juin 2008 était une journée stressante pour l’Union européenne. Les Irlandais, qui ne comptent pas plus d’un pour cent de la population des 27, avaient alors voté « non » au traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 et destiné à réviser en profondeur les institutions européennes dans le sens d’une « plus grande visibilité » et d’une « plus grande stabilité ».
Le vote négatif des Irlandais avait mis ce jour là l’Union européenne entre deux feux. D’une part, la règle de l’unanimité est sacrée pour tout ce qui touche aux grands changements institutionnels au sein de l’UE, et, d’autre part, il est difficile d’accepter l’idée que 53,4% du 1% de la population de l’Union puissent à eux seuls enterrer un traité d’une importance vitale pour le développement de l’Union, et peut-être même pour sa survie. Il a fallu plus d’un an de négociations et de pressions pour convaincre le gouvernement irlandais d’organiser un autre référendum dans l’espoir de débloquer la situation.
Dublin a accepté d’organiser un nouveau référendum seulement après avoir reçu les assurances que certaines spécificités irlandaises seraient préservées : l’interdiction de l’avortement, la neutralité militaire et un faible taux d’imposition. C’est à ces conditions que les Irlandais ont voté à nouveau vendredi dernier. Ils ont cette fois dit « oui » au traité de Lisbonne à une majorité confortable de 67,13%.
Le soulagement était prédominant vendredi dans la plupart des grandes capitales européennes. 24 d’entre elles ont déjà terminé le processus de ratification du traité de Lisbonne, avant d’être rejoints par Dublin. Seuls deux pays n’ont pas encore ratifié le traité : la Pologne et la République tchèque.
Il est pour le moins insolite que ces deux pays, considérés comme marginaux au sein de l’Union, s’efforcent de bloquer le processus de ratification du traité de Lisbonne. C’est d’autant plus singulier qu’aussi bien la Pologne que la Tchéquie sont encore une charge économique et financière qui reçoivent de l’Union beaucoup plus qu’ils ne lui donnent et, par conséquent, ont un intérêt évident dans le développement de ses institutions plutôt que dans leur blocage.
L’autre singularité de ces deux pays est que les populations soutiennent majoritairement le traité de Lisbonne, mais leurs dirigeants s’y opposent. Le vote négatif des Irlandais le 12 juin 2008 a été un pain béni pour les dirigeants tchèques et polonais qui ont cru un moment que leur rêve d’enterrer le traité de Lisbonne a été réalisé à peu de frais par Irlandais interposés. Il n’est pas étonnant dès lors que la déception soit le sentiment prédominant à Prague et à Varsovie après l’annonce samedi dernier par Dublin des résultats largement positifs du référendum.
A Varsovie, le président Lech Kaczynski avait refusé de ratifier le traité avant les résultats du deuxième référendum irlandais. Il s’accrochait sans doute à l’espoir d’un deuxième « non » qui le tirerait d’embarras. Il avait toutefois promis de le ratifier en cas de vote positif en Irlande. Il lui est difficile de se dédire.
A Prague, les choses sont plus compliquées. Le groupe d’opposants au traité, à la tête
duquel se trouve le président Vaclav Klaus, est plus actif et plus déterminé que le groupe de Varsovie. Bien que le parlement tchèque ait ratifié le traité, le président Klaus refuse toujours de signer le document en question pour rendre cette ratification effective. Et, pour compliquer encore les choses, des partisans eurosceptiques du président tchèque ont déposé devant la Cour suprême un recours contre la ratification du traité par le parlement. Si ce recours est accepté, il faudrait à la Cour entre trois et six mois pour rendre son jugement. Un bon prétexte pour Vaclav Klaus pour retarder encore la ratification.
Il y a le risque que les choses ne s’arrêtent pas à Prague, mais débordent à Londres. En effet, les Britanniques voteront pour un nouveau parlement au printemps prochain, c'est-à-dire dans six mois environ. Les conservateurs, d’après tous les sondages, caracolent en tête avec 12% d’avance sur le parti travailliste qui redoute une défaite historique. Le chef des tories, David Cameron, sûr de sa prochaine victoire, menace de remettre en cause la ratification britannique du traité de Lisbonne au cas où il resterait un seul pays qui ne l’aurait pas ratifié. Si l’on en croit le quotidien britannique The Daily Mail, David Cameron a même écrit une lettre dans ce sens au président tchèque Vaclav Klaus.
Si l’information du Daily Mail est vraie, il ne sera pas difficile d’imaginer le contenu de la lettre du chef de l’opposition britannique. Elle consisterait selon toute vraisemblance à inciter le président tchèque à traîner encore les pieds pendant quelques mois le temps que David Cameron prend remplace Gordon Brown…
L’Union européenne est consciente de ce scénario-catastrophe et elle s’emploiera sans doute à l’éviter à tout prix. Une institution de la taille et de l’importance de l’UE ne peut pas se permettre d’hypothéquer son avenir par le jeu de politique politicienne auquel semblent se livrer le président tchèque et le chef de l’opposition britannique.

1 Comments:

Blogger Jaafar said...

Salut si Hmida,
je suivais avec plaisir vos articles dans La Presse (edition papier) quand j'etais encore en Tunisie et c'est avec plaisir que je peux vous relire mainetannt sur votre blog. J'adore vos analyses et je vous encourage vivement a continuer cette experience. merci

3:03 AM  

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