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Wednesday, September 23, 2009

Une épine de moins dans le pied de l'Amérique

Le 17 septembre, Barack Obama a enterré le projet d’installation du bouclier antimissile en Europe de l’Est, cher à George W. Bush, provoquant déception en République tchèque et fureur en Pologne. L’enterrement du projet a provoqué également joie et soulagement en Russie, mais aussi en Allemagne, en France, en Grande Bretagne et d’autres membres de l’Union européenne pour qui les relations avec Moscou sont plus importantes que les calculs qui se font à Varsovie et à Prague.
Obama n’a pas pris sa décision sur un coup de tête ou à la suite d’un « chantage russe », comme tentent de le faire croire les défenseurs du projet. La décision a été plutôt prise après qu’Obama ait pris connaissance du dernier rapport du National Intelligence Estimate (un travail commun à toutes les agences de renseignement américaines) et selon lequel, l’Iran est encore loin de pouvoir fabriquer les missiles à longue portée de nature à menacer le territoire des Etats-Unis. Et comme le système en question n’a pas été conçu pour les beaux yeux des Polonais ou des Tchèques, mais pour détruire les missiles de longue portée que « lancerait l’Iran vers New York ou Washington », l’inexistence d’une telle menace, selon le dernier National Intelligence Estimate, rend superflu le déploiement du système de défense antimissile en Europe de l’Est.
Peut-être Barack Obama a-t-il été influencé aussi par l’avis de l’ancien conseiller de Jimmy Carter à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, qui, bien que d’origine polonaise et soucieux des intérêts de son pays d’origine, estime que « le système de Bush d’un bouclier antimissile est basé sur une technologie de défense inexistante et conçu contre une menace inexistante. »
Brzezinski n’a pas tort, car l’idée de Bush rappelle un peu l’idée de Reagan des années 1980, la fameuse guerre des étoiles. En effet, la « Star Wars » désignait le programme américain de défense antimissile que Reagan avait lancé en mars 1983 sous le nom d’ « Initiative de défense stratégique » (IDS). L’idée était de construire un réseau de satellites qui auraient pour fonction de détecter et de détruire dans l’espace les missiles balistiques lancés contre le territoire américain.
Le projet d’IDS de Reagan était mort-né parce qu’il consistait en une idée imaginaire sans rapport avec les moyens technologiques existants. Un quart de siècle plus tard, Bush reprend la même idée de Reagan qui est toujours basée sur « une technologie inexistante ». La seule différence entre les deux présidents est que le premier a conçu son idée contre une menace réelle (les missiles balistiques soviétiques dotés d’ogives nucléaires). Quant au second, il copié l’idée de son prédécesseur pour contrer une menace inexistante : l’Iran qui n’a ni missiles balistiques ni ogives nucléaires.
Mais si l’IDS de Reagan était compréhensible compte tenu du contexte de la guerre froide qui prévalait alors, l’idée de Bush est totalement hors sujet à l’aube du XXIe siècle où l’Amérique, étrangement, pouvait être atteinte au cœur par dix neufs terroristes armés de cutters et déterminés à mourir, mais est entièrement immunisée contre les menaces étatiques, y compris celles de la Chine et de la Russie qui ont des choses beaucoup plus importantes à faire chez elles que de comploter contre les Etats-Unis.
Le plus grand dommage infligé par George Bush aux intérêts de son pays est qu’il a renforcé la menace réelle qui guette l’Amérique en tournant le dos à l’Afghanistan, vivier du terrorisme, et en s’attaquant gratuitement à l’Irak, barrage contre le terrorisme. De plus, il a provoqué inutilement la Russie en voulant faire de la Pologne un désert des tartares moderne où seraient installées une technologie d’une fiabilité douteuse et des troupes chargées de contrer une menace dont elles ne savent ni de qui ni de quel côté elle viendrait.
Le projet de bouclier antimissile de George Bush a rempli d’aise la Pologne et la République tchèque, deux pays toujours prêts à applaudir n’importe quelle décision américaine de nature à renforcer leur conviction ou leur illusion qu’ils sont les alliés et les protégés de l’Occident. Mais il a réveillé les vieilles peurs de la Russie qui, rien que dans les deux derniers siècles, a souffert de trois invasions dévastatrices. Les troupes napoléoniennes en 1812, les forces étrangères intervenues en 1917 à côté des Ruuses blancs et les troupes nazies en 1941 avaient toutes utilisé le territoire polonais pour atteindre la Russie.
De là à penser que l’installation de troupes américaines en Pologne, c'est-à-dire à un jet de pierre de la Russie, est le prélude à une quatrième invasion, il y a un pas que beaucoup de Russes, Poutine et Medvedev les premiers, ont franchi. On imagine donc le soulagement de la Russie et on comprend sa prompte décision de permettre aux Etats-Unis d’utiliser le territoire russe pour acheminer matériel et provisions en Afghanistan, et d’annuler le déploiement de missiles balistiques à Kaliningrad, un avant poste situé dans la partie la plus occidentale de la Russie, et donc le plus proche de la Pologne.
L’enterrement du projet de bouclier antimissile par Obama s’apparente à la réparation d’une erreur parmi celles, innombrables, commises par son prédécesseur. Une épine de moins dans le pied de l’Amérique qui voit d’un coup ses relations avec la Russie se détendre. Quant à la Pologne et la Tchéquie, elles finiront par dépasser leur déception et par se convaincre que le projet de Bush ne répondait en rien à leur sécurité. Celle-ci est mieux assurée par une détente avec le grand voisin russe plutôt qu’avec des missiles balistiques installés en Pologne d’un côté et à Kaliningrad de l’autre.

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