airelibre

Monday, September 14, 2009

Mauvais film, vieille rengaine

Il y a des obsessions qui ont la peau dure. Elles hantent jour et nuit ceux qui en sont atteints, les empêchent de penser à autre chose, de voir autre chose, de faire autre chose avant que le désastre ne les submerge. L’exemple qui vient tout de suite en tête est celui de l’obsession fatale qui s’était emparée de George W. Bush, Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et quelques autres qui, en 2002-2003, ne pensaient qu’à l’Irak, ne voyaient que Saddam Hussein et ne rêvaient que des armes de destruction massive. Cette obsession a coûté et continue de coûter très cher aux Etats-Unis en sang, argent et réputation, même si ceux qui sont responsables du désastre continuent de vaquer tranquillement à leurs occupations quotidiennes. Certains d’entre eux, comme l’ex-vice président Dick Cheney, se permettent même de critiquer de temps en temps ceux qui s’efforcent de réparer les dégâts et même de leur donner des conseils sur la manière de mieux servir les intérêts de l’Amérique…
Tout le monde sait que la presse américaine porte une grande responsabilité dans la diffusion de l’obsession anti-irakienne au sein de l’opinion de manière à saper d’avance toute éventuelle opposition à la guerre que Bush et son équipe étaient décidés à mener. Mais en dépit de son mea culpa, il semble que cette presse s’efforce de remettre ça en entretenant une autre obsession, contre l’Iran cette fois, et en donnant l’impression qu’elle voudrait bien préparer l’opinion à une éventuelle attaque des installations nucléaires de ce pays.
On a l’impression de revoir un mauvais film avec les mêmes acteurs, le même sujet (armes de destruction massive) et la même rengaine (Israël est en danger, il faut le sauver). Seule la cible change : l’Iran remplace l’Irak. Le Wall Street Journal, par exemple, qui menait la croisade avec des éditoriaux incendiaires contre Bagdad, se déchaîne aujourd’hui contre Téhéran tout en multipliant les mises en garde au président Obama que « s’il ne mettait pas rapidement un terme au programme nucléaire iranien, Israël bombarderait les installations en question ».
Toutefois, le mauvais film qui se déroule à nouveau sous nos yeux comporte une différence fondamentale : la frustration semble avoir changé de camp. En 2002, c’est l’opinion mondiale qui était frustrée parce que la Maison blanche était le porte-étendard de la croisade anti-irakienne. Aujourd’hui, à Washington, ce sont les éditorialistes et les politiciens boutefeux qui cachent mal leur frustration parce que la Maison blanche a mis beaucoup d’eau dans son vin et appelle tous ceux qui s’agitent autour d’elle au calme. C’est le premier motif de soulagement.
Le second motif de soulagement est que, selon le quotidien « Haaretz », tous les officiels israéliens qui ont visité récemment Washington, sont rentrés avec l’impression que « le président Obama est en train de renoncer graduellement à la principale demande de l’administration Bush qui exigeait que l’Iran cessât tout enrichissement d’uranium avant de commencer le dialogue. » Les visiteurs israéliens rentraient chez eux l’air abattu, car, toujours selon le « Haaretz », « les Etats-Unis s’apprêtent à proposer le compromis suivant : l’Iran sera autorisé à enrichir l’uranium à des fins pacifiques (sous contrôle international strict), les sanctions imposées à l’Iran seront levées et les deux parties arriveront à des arrangements concernant les intérêts iraniens dans un certain nombre de domaines, notamment en Irak, à la lumière du retrait planifié des troupes américaines. »
Si un tel compromis venait à voir le jour, cela signifierait un changement radical de la politique de la Maison blanche et un affranchissement spectaculaire des décideurs américains du joug du lobby pro-israélien aux Etats-Unis. Cela voudrait dire aussi que les jérémiades d’Israël qui voie des ennemis partout sont désormais considérées à leur juste valeur, c'est-à-dire qu’on ne leur accorde pas plus d’importance qu’à celles du soldat israélien armé jusqu’aux dents et qui jure ses grands dieux que sa vie est mise en danger par le gamin palestinien qui lui fait face avec une pierre à la main.
Si un tel compromis venait à voir le jour, cela signifierait que les Etats-Unis ont enfin commencé à comprendre que leurs intérêts sont plus importants que les lubies d’un « allié stratégique » qui, de toute évidence, ils traînent comme un boulet au pied depuis des décennies. On n’a pas besoin d’être un stratège chevronné pour comprendre que l’urgence de conclure au plus vite les drames irakien et afghan sont mille fois plus importants pour les Etats-Unis que les craintes irrationnelles d’une classe de politiciens israéliens fanatiques qui crient aujourd’hui au loup iranien après avoir crié hier au loup irakien.
Le président Obama a tout intérêt à arriver à un compromis avec l’Iran, car, il est suffisamment intelligent pour savoir que pour sortir son pays des guêpiers irakien et afghan, il a besoin beaucoup plus de la bonne volonté et de la coopération de l’Iran que des jérémiades ridicules d’Israël.

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