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Wednesday, August 26, 2009

D'un apartheid, l'autre

Soixante ans après l’édification de l’Etat d’Israël, la population de ce pays a eu largement le temps de se rendre à l’évidence que les rivières qui sillonnent la « terre promise » ne sont pas faites de lait et de miel mais de sang et de larmes. Tout le monde sait, y compris ceux qui le nient hypocritement, que les tragédies innombrables qui ne cessent d’ensanglanter depuis six décennies cette portion de terre moyen-orientale comprise entre le Jourdain et la Méditerranée, sont dues à l’idéologie expansionniste du sionisme. Celui-ci a dépoussiéré pour les besoins de la cause les mythes de la « terre promise » et du « don de Dieu au peuple élu » pour justifier la judaïsation, depuis 1967, de la ville sainte de Jérusalem, d’une bonne partie de la ville d’Hébron, et la colonisation du peu qui reste aux Palestiniens, c'est-à-dire 22% de la Palestine historique.
Maintenant l’impasse est totale parce qu’Israël refuse depuis 42 ans les deux seules solutions qui existent à cette tragédie historique : Un Etat binational réunissant Israéliens et Palestiniens au sein d’une même structure gouvernementale et administrative, ou deux Etats côte à côte gérant indépendamment l’un de l’autre les affaires des deux peuples.
Le statu quo étant par définition provisoire, Israël a toujours cherché à le perpétuer à travers la diversion, c'est-à-dire en s’attaquant régulièrement à ses voisins et en s’inventant des dangers (« terrorisme », Iran, menace nucléaire) pour justifier l’agressivité et l’armement excessifs de son armée.
Les deux dernières diversions qui visaient à donner un nouveau souffle au statu quo étaient les guerres contre le Liban (été 2006) et contre les Palestiniens de Gaza (fin 2008-début 2009). Dans sa guerre contre l’ « ennemi du nord », Israël visait, outre le renforcement du statu quo, l’affaiblissement du Hezbollah. Celui-ci est aujourd’hui plus fort et plus armé qu’en 2006, mais ceci n’a pas l’air de déprimer Israël dont les stratèges affichent toujours une mine de « gagnant » quel que soit le résultat. En d’autres termes, si le Hezbollah était détruit ou affaibli, Israël serait naturellement gagnant. Mais maintenant que le Hezbollah est renforcé, Israël a « gagné » un ennemi plus dangereux, et donc plus d’aide, plus de sympathie et moins d’opposition à sa politique anti-arabe et anti-palestinienne. Nous ne sommes pas là en présence d’une nouveauté. Depuis qu’il existe, Israël a toujours opté pour ce jeu truqué « gagnant-gagnant » qui lui permet de tirer avantage, selon les circonstances, de l’affaiblissement ou du renforcement de ses ennemis.
Mais trucage ou pas, aucun jeu n’assure des gains en permanence. Diversion ou pas, aucun statu quo ne peut être permanent et Israël ne peut indéfiniment bénéficier des avantages de la supériorité militaire, de la complicité des milieux influents américains et de la complaisance de l’Europe.
C’est que le statu quo qu’Israël tente désespérément de perpétuer est en train de tourner, en l’absence de solution, en un véritable apartheid qui rappelle en tous points la défunte Afrique du sud des Boers racistes. Certains analystes vont plus loin encore et suggèrent l’idée que l’apartheid sud africain était « moins inhumain » que l’apartheid israélien. De fait, les habitants des bantoustans sud africains avaient eux au moins la possibilité de sortir pour travailler et ne subissaient pas de bombardements massifs, pou un oui ou pour un non, de la part de l’aviation sud africaine.
Les Palestiniens d’aujourd’hui sont bien moins lotis que les Sud-Africains d’hier. Le cas de Gaza est éloquent à cet égard. Qualifiée souvent de prison en plein air, Gaza, par les guerres destructrices et les blocus étouffants a été réduite à un bantoustan comportant une différence majeure par rapport aux anciens bantoustans sud-africains : ses habitants palestiniens ne peuvent ni sortir pour travailler ni même recevoir les matériaux de construction pour reconstruire ce que la guerre a détruit. Et cette asphyxie à petit feu, les plus extrémistes du régime raciste d’Afrique du sud ne l’avaient jamais fait subir à aucun de leurs bantoustans. N’est-il donc pas clair que l’apartheid israélien est pire que celui institué par les colons néerlandais en Afrique du sud ?
L’histoire récente démontre que le monde peut venir à bout de l’apartheid en le boycottant, en l’étouffant par des sanctions strictes. L’universitaire israélien Neve Gordon de l’université Ben Gourion du Neguev ne voit aucune autre solution pour venir à bout de l’apartheid israélien. Neve Gordon appelle à des sanctions contre son pays pour « sauver Israël de lui-même », comme il dit. Mais aussi parce qu’il est inquiet pour l’avenir de ses enfants.
Dans un article publié le 24 août par le site américain Conterpunch.com, intitulé « Arrêtons l’apartheid d’Etat, boycottons Israël », Neve Gordon écrit : « Il est clair pour moi que des pressions internationales massives sont le seul moyen de contrer l’apartheid en Israël. Les mots et les condamnations de la part de l’administration Obama et de l’Union européenne n’ont eu aucun résultat, pas même un gel de la colonisation, sans parler du retrait des territoires occupés. (…) En conséquence, j’ai décidé de soutenir le mouvement qui appelle au boycottage. (…) Imposer des sanctions internationales massives contre Israël est le seul moyen d’assurer que la prochaine génération d’Israéliens et de Palestiniens- y compris mes deux enfants- ne vive pas dans un régime d’apartheid. »
Sans doute la voix de Neve Gordon est loin d’être majoritaire en Israël où il est classé dans la catégorie des Juifs « traîtres qui versent de l’eau au moulin des antisémites ». Une raison supplémentaire pour l’aider à diffuser son message le plus loin possible.

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