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Tuesday, August 18, 2009

Le Pakistan a évité le pire

Les talibans pakistanais de la région du Swat doivent se mordre les doigts et maudire l’heure où ils ont décidé de pousser encore loin leur sphère d’influence au point qu’ils n’étaient plus qu’à une centaine de kilomètres de la capitale Islamabad. La soumission du gouvernement pakistanais à leur exigence d’appliquer la Charia dans la région touristique du Swat leur a fait tourner la tête et leur a fait oublier leur promesse faite au gouvernement d’assurer la paix civile dans cette région.
Depuis le mois d’avril dernier, le gouvernement pakistanais est en guerre contre les talibans. Après les avoir écrasés et détruit leurs réseaux et infrastructures dans la région du Swat, il se tourne maintenant vers le sud Waziristan où il vient de remporter une grande victoire avec la mort quasi-certaine du chef taliban, Baitullah Mehsud, même si ce n’est pas l’armée pakistanaise qui l’a tué, mais un missile lancé par un drone américain.
Beaucoup d’observateurs et d’analystes avaient perdu espoir qu’un jour le gouvernement pakistanais prendrait le taureau par les cornes et mettrait un terme à la menace existentielle que faisait peser les groupes intégristes sur le pakistan. Le désir d’en finir avec eux une fois pour toutes a sans doute toujours existé chez une partie au moins du gouvernement pakistanais. Mais une partie de l’armée, et surtout l’ISI (Inter Service Intelligence) a toujours bloqué toute initiative gouvernementale d’attaquer militairement les réseaux terroristes. Et ce blocage continuait en dépit des innombrables attentats meurtriers, dont celui perpétré le 27 décembre 2007 et qui avait emporté celle qui se préparait alors à un troisième mandat de Premier ministre, Benazir Bhutto.
Que c’est-il donc passé pour que le gouvernement pakistanais puisse enfin surmonter le blocage qui le paralysait et passer à l’offensive ?
Tout d’abord, il faut dire que l’arrivée d’un nouveau chef d’état major, le général Ashfaq Kayani, à la tête de l’armée pakistanaise s’est révélé être d’une grande importance psychologique pour une armée inhibée et impuissante face au développement dangereux du terrorisme dans le pays. Et ici, il ne faut pas perdre de vue le fait que, pendant longtemps, l’armée pakistanaise a tenu en laisse les groupes jihadistes et les a utilisés comme un atout de taille dans la stratégie pakistanaise vis-à-vis de l’Afghanistan, mais aussi vis-à-vis de l’Inde. Dès son arrivée donc, le général Kayani est allé droit au but. Il a changé en septembre 2008 le directeur de la puissante ISI et poussé à la retraite anticipée des dizaines de ses hommes qui ont été remplacés par de nouveaux cadres sans relation ni sympathie particulière avec les talibans. Du coup les renseignements militaires pakistanais, qui étaient un corps protecteur des talibans, sont devenus un corps hostile.
Ensuite les attentats de Bombay qui, en novembre 2008, ont fait des centaines de victimes entre morts et blessés et gravement endommagé plusieurs cibles dans la capitale économique indienne. Quand l’enquête a démontré que les terroristes étaient partis de Karachi et avaient des liens avec l’organisation pakistanaise Lashkar-e-Taiba, la tension entre New Delhi et Islamabad avait atteint un niveau inquiétant. Le gouvernement indien était soumis à une pression populaire intense et la guerre contre le Pakistan était exigée non seulement par les milieux politiques extrémistes de l’Inde, mais aussi par les manifestations populaires qui s’étaient déclenchées dans plusieurs villes indiennes.
Enfin, le non respect par les talibans de Swat de l’accord Charia contre paix civile, conclu avec le gouvernement pakistanais. Faisant une appréciation erronée de leur force et de la faiblesse du gouvernement, les talibans du Swat ont commis la faute qui devait leur être fatale : exiger l’application de la Charia dans tout le Pakistan. Et cette faute était d’autant plus fatale que le soutien dont bénéficiaient les talibans au sein de la société pakistanaise se réduisait au rythme de leurs attentats sanglants et de leur indifférence à l’égard des victimes innocentes.
Il ne faut pas oublier aussi les pressions américaines constantes sur les gouvernements pakistanais successifs pour les pousser à faire preuve de plus d’audace et d’agressivité dans l’affrontement de la menace terroriste.
Toutes ces raisons combinées ont convaincu le gouvernement et l’armée pakistanais que ce qui est jeu n’est plus tel ou tel choix politique, mais tout simplement la survie du Pakistan. En se lançant dans une guerre à outrance contre les groupes terroristes, les autorités pakistanaises ont éloigné deux dangers majeurs qui guettaient leur pays : la guerre contre l’Inde que, de toute manière, l’économie chancelante du Pakistan n’aurait pas pu soutenir, et l’ « afghanisation » du pays avec des conséquences imprévisibles non seulement pour l’Asie du sud, mais pour le monde entier.
Reste à savoir si l’action militaire seule est suffisante pour venir à bout des groupes terroristes pakistanais ? La réponse est négative si l’on se réfère à l’Afghanistan. Cent mille soldats étrangers sont aujourd’hui à l’œuvre dans ce pays, sans parler des forces militaires et de sécurité locales. En dépit de cela, le pays est toujours mis à feu et à sang.
Si la confrontation militaire avec ces groupes terroristes est inévitable, le retour aux sources qui les alimentent pour les assécher est indispensable. Dans le court terme, les autorités pakistanaises doivent se pencher sur les programmes des medersas et les réviser de fond en comble. Des mesures législatives sont aussi nécessaires pour interdire la transformation des prières du Vendredi en forums politiques où les appels à la violence et au meurtre des « infidèles » sont désormais la règle. Mais les groupes terroristes ne seront jamais vaincus sans une réforme économique en profondeur de nature à ouvrir aux jeunes les portes de l’espoir. Le pire ennemi des terroristes, ce ne sont pas les armées, aussi puissantes soient-elles, mais l’espoir des jeunes.

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