airelibre

Monday, June 15, 2009

Retour à la case départ

Beaucoup de ceux qui ont pris la peine de suivre en direct le chef du Likoud développer ses vues sur l’avenir des relations israélo-palestiniennes, regrettent d’avoir perdu leur temps à écouter des propositions dont on ne sait trop si on doit en rire ou en pleurer.
A écouter le Premier ministre israélien parler, on ne peut s’empêcher d’être frappé par le paradoxe effarant entre le caractère dramatique du conflit israélo-arabe et les propositions comiques faites pour le résoudre. La mine grave et sérieuse qu’affichait Netanyahu n’affectait en rien le caractère comique de son discours.
Après plus de 60 ans de conflit larvé, après plus de 40 ans d’occupation, de répression et de souffrances bibliques endurées par les Palestiniens, Benyamin Netanyahu a trouvé la parade : Un Etat palestinien sans frontières définies et qui ne contrôle ni son espace aérien ni ses eaux territoriales ; il sera démilitarisé (« Le territoire alloué aux Palestiniens sera sans armée, sans contrôle de l'espace aérien, sans entrée d'armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l'Iran ou le Hezbollah », dit-il en substance) ; les Palestiniens doivent reconnaître la caractère juif de l’Etat israélien ; la question des réfugiés doit être résolue en dehors d’Israël ; Jérusalem, est et ouest réunis, sera la capitale d’Israël ; last but not least, il n’y aura pas de gel de la construction dans les colonies, car « les colons ont le droit de vivre normalement », c'est-à-dire d’étendre leurs colonies avec de nouvelles constructions chaque fois que la « progression démographique » l’impose.
Plus comique encore, Netanyahu s’est dit « prêt à aller à Ryadh, Beyrouth ou Damas pour discuter de paix ». Si c’est pour répéter les inepties contenues dans son discours de dimanche, il y a peu de chance de voir les Saoudiens, les Libanais ou les Syriens se ruer vers le bureau de poste le plus proche pour lui envoyer une invitation sous pli recommandé.
En fait, ce discours netanyahuesque ne peut décevoir que ceux qui imaginaient que l’actuel Premier ministre israélien puisse un jour se transformer en homme politique sérieux, capable de faire la paix. L’homme est connu pour son fanatisme, son étroitesse d’esprit et son incapacité congénitale à proposer une politique constructive. Au cours de son premier mandat à la tête du gouvernement israélien (1996-1999), il s’était employé pendant ces trois années à détruire systématiquement les accords d’Oslo, conclus en septembre 1993 après de longues et laborieuses négociations. Et il avait largement réussi sa mission destructrice.
Après une décennie de traversée de désert, Netanyahu s’est trouvé à nouveau à la tête du gouvernement israélien. Sa mission était claire dès le départ : perpétuer le statu quo. Toutefois, s’étant trouvé sous une pression intense de la part de l’actuel président américain, il a eu l’idée de faire un discours dans lequel il donnerait l’impression d’accéder à la principale demande d’Obama, la reconnaissance de la solution de deux Etats, mais en posant toutes les conditions inacceptables par les Arabes, de manière à vider aussitôt cette reconnaissance de toute substance.
En apprenant par le journal israélien « Haaretz » qu’Obama jouait au golf au moment où Netanyahu prononçait son discours, il y en a qui ont interprété cela comme une position en elle-même exprimant le mécontentement de la Maison blanche face aux propositions du Premier ministre israélien. Mais c’était une erreur, car, aussi étonnant que cela puisse paraître, la Maison blanche a bien réagi, décrivant les absurdités débitées par Netanyahu comme « un pas important en avant ».
On se demande ici s’il ne s’agit pas plutôt d’un pas en arrière de la part de la Maison blanche qui, après avoir donné l’impression d’exercer des pressions sérieuses sur Israël, semble maintenant prête à prendre la monnaie de singe de Netanyahu pour moyen de paiement acceptable. La Maison blanche et le département d’Etat ne peuvent pas être naïfs au point de ne voir dans le discours de Netanyahu ni ses positions racistes sur le caractère juif d’Israël, ni son refus de partager Jérusalem, ni sa détermination à poursuivre l’élargissement des colonies, ni son mépris du dossier des réfugiés, mais seulement sa prononciation du mot « Etat palestinien ».
La Maison blanche feint de croire qu’il suffit que Netanyahu prononce le terme « Etat palestinien » pour qu’on ait entre les mains ce mot magique, ce sésame qui ouvrirait les portes du paradis et fermerait celles de l’enfer palestinien. Dans sa précipitation de réagir positivement à cette fausse concession de Netanyahu, la Maison blanche n’a même pas pris le soin d’écouter attentivement la suite : « un Etat palestinien sans armée, sans contrôle de l'espace aérien, sans entrée d'armes, sans la possibilité de nouer des alliances... »
Mais Netanyahu ne peut pas être naïf non plus au point d’imaginer un seul instant que ses propositions puissent être acceptées par la partie palestinienne. Il sait d’avance que ses propositions seront rejetées par l’ensemble du monde arabe et, visiblement, il a pris trop de précautions pour qu’elles le soient. Car en fait, ce qui intéresse Netanyahu, ce n’est pas d’œuvrer pour une paix à laquelle il n’a jamais cru, mais d’assurer la pérennité du statu quo tout en jetant un os en direction de la Maison blanche.
Mustapha Barghouthi, un député palestinien mesuré et raisonnable a eu le mot juste : « Netanyahu n’a pas endossé un Etat palestinien, mais un ghetto. Il a endossé un Etat qui serait soumis au contrôle israélien. Il a prouvé qu’il n’y a pas de partenaire pour la paix en Israël. Tout son discours concernait la consolidation de l’apartheid. Ceci ne mènera pas à la paix. » Gageons que cette réaction palestinienne ainsi que celle de la Maison blanche sont de nature à remplir d’aise Netanyahu. Il les utilisera comme argument pour confronter sa droite furieuse que son chef ait blasphémé en prononçant le mot tabou. Il pourra répondre à ceux qui, en Israël, l’accusent d’ « essayer de manger du cochon après l’avoir égorgé de manière casher », qu’il n’en est rien, qu’il a amorcé le retour à la case départ et que le statu quo a encore de beaux jours devant lui.

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