airelibre

Wednesday, June 17, 2009

Une bonne question au président Obama

Il y a un cliché largement répandu en Occident selon lequel les Arabes sont des peuples amers, sous développés et jouissant de peu de droits. Par conséquent leur attitude envers les pays développés est déterminée par la jalousie, et ils détestent l’Amérique parce qu’ils envient sa richesse et la liberté dont jouissent ses citoyens. Les huit ans de règne de George Bush étaient pour beaucoup dans la consolidation de ce cliché.
On ne peut pas nier qu’il y a de l’amertume et de la frustration dans le monde arabe. Mais elles ne sont pas dues à la jalousie et à l’envie, mais au sentiment déstabilisant d’injustice que les Arabes éprouvent jour après jour et année après année à cause de la politique occidentale en général et américaine en particulier à l’égard du monde arabe. Une politique trop déséquilibrée, trop biaisée, systématiquement anti-arabe et obstinément pro-israélienne.
Au temps de Bush, la Maison blanche, qui ne brillait pas alors par les analyses sérieuses et percutantes, expliquait l’anti-américanisme du public arabe par l’ « incompétence » des responsables des relations publiques (public relations) qui ne savaient comment s’y prendre avec ce public pour lui expliquer les efforts titanesques que déploient les Etats-Unis pour le bien et la prospérité du monde, et donc du monde arabe aussi. On ne sait pas si c’était par naïveté ou par machiavélisme, mais Bush croyait à cette histoire de père Noël puisqu’il n’arrêtait pas de changer les responsables des relations publiques.
Cette histoire d’incompétence attribuée à de hauts fonctionnaires chargés des relations publiques était commode dans la mesure où elle évitait aux administrations américaines successives d’aller aux racines du problème qui sont l’injustice, le soutien systématique apporté à Israël, la mort de milliers d’innocents en Palestine, au Liban et ailleurs par des mains israéliennes utilisant des armes, des munitions, des hélicoptères et des bombardiers made in USA. C’est là où se trouve le nœud du problème.
L’Amérique sait parfaitement bien qu’une simple condamnation faite par un fonctionnaire subalterne de la Maison blanche ou du département d’Etat condamnant la destruction de maisons palestiniennes par des soldats israéliens à l’aide de bulldozers américains, aurait plus d’impact sur le public arabe qu’une armée d’experts en relations publiques.
Tous ceux qui dans le monde arabe ont suivi mardi dernier la visite de l’ancien président Jimmy Carter à Gaza, auraient certainement apprécié sa remarque sur « la part de responsabilité » qu’il ressent face à l’ampleur des destructions résultant de la guerre de décembre 2008-janvier 2009, du fait de l’utilisation par les Israéliens de l’armement américain.
Mais le problème, c’est que cette reconnaissance d’une part de responsabilité par le citoyen Carter ne va rien changer sur le terrain parce qu’il n’a aucune influence ni sur les décisions prises en Israël ni sur celles prises aux Etats-Unis. Quand il était président (1976-1980) il n’avait rien fait pour arrêter l’élan expansionniste du gouvernement de Menahem Begin, alors chef du gouvernement le plus à droite qu’ait connu Israël, et qui était arrivé au pouvoir en 1977.
C’est à croire qu’il y a une règle politique non écrite aux Etats-Unis qui veut que celui qui détient le pouvoir doit se mettre au service d’Israël, et celui qui le perd peut se permettre quelques gentillesses vis-à-vis des Arabes. A un certain moment on a cru qu’Obama allait transgresser cette règle, car dès son entrée à la Maison blanche, il a donné son premier coup de téléphone à Mahmoud Abbas, sa première interview à la chaîne « Al Arabya », et a même esquissé tout récemment une attitude objective dans le traitement du dossier israélo-arabe, en exigeant un gel total des constructions dans les colonies. Mais visiblement cette règle semble difficile à transgresser.
D’après des diplomates occidentaux non identifiés, cités mardi par les agences de presse, « Washington a fait preuve de compréhension à l’égard de l’argumentation israélienne sur les colonies ». Netanyahu a, semble-t-il, changé de musique en envoyant ses collaborateurs expliquer aux Américains que, en fait, ce n’est pas que le gouvernement israélien ne veut pas, mais ne peut pas geler les colonies. La raison est simple comme bonjour d’après les démagogues d’Israël : les colonies ne sont pas un problème politique, mais un problème d’appel d’offres et de contrats signés entre promoteurs et acheteurs face auxquels le gouvernement Netanyahu se tient impuissant. Et à supposer que ce gouvernement prenne la décision de s’opposer à ces appels d’offres et à ces contrats signés, il aurait été traîné en justice par les colons devant la Cour suprême israélienne qui l’aurait débouté pour abus de pouvoir…
Quand la Maison blanche se tait face à de telles absurdités qui transforment le plus grand problème politique du Moyen-Orient en une simple question d’appel d’offres et de contrats de vente, quand elle juge positivement le discours de Netanyahu qui ne fait qu’enfoncer encore plus toute la région dans l’impasse, on se demande ce que signifie la main tendue d’Obama au monde musulman et de quelle crédibilité ses discours d’Istanbul et du Caire peuvent se prévaloir ?
En 1960, le président John Kennedy a promis aux Américains la lune en une décennie. Beaucoup à l’époque avaient arboré un sourire incrédule. Ils avaient tort. En moins d’une décennie, la bannière étoilée était plantée par Neil Armstrong sur le sol lunaire.
Depuis des décennies, pratiquement les présidents américains successifs ne cessent de promettre leur aide à la création d’un Etat palestinien, et même de fixer des échéances pour cela, la dernière étant fixée pour 2005 par la feuille de route…
Une bonne question à méditer par le président Obama : pourquoi est-il plus facile pour les Etats-Unis de conquérir la lune que de résoudre une injustice commise à l’aide d’armes américaines contre un peuple sans défense ?

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