airelibre

Wednesday, June 10, 2009

La maison de verre israélienne

Cela fait penser à un trafiquant de drogue notoire qui peste contre la police et l’accuse de ne pas faire son travail en laissant la bride sur le cou aux vendeurs de cigarettes qui mettent en danger la santé des citoyens. Absurde ? Incroyable ? Tragi-comique ? On peut aligner tous les adjectifs qu’on veut. Cela ne change rien au fait qu’un tel comportement existe sur la scène internationale et que la communauté des nations ne semble pas s’en offusquer outre mesure.
Tout le monde sait qu’il y a pléonasme quand on dit qu’Israël est un pays arrogant. Depuis sa création, ce pays s’est révélé être atteint d’une incapacité congénitale à respecter les lois internationales, les normes morales, le droit de propriété, les règles de bon voisinage et autres civilités dont la classe politique israélienne ignore l’existence. Ce pays s’est toujours comporté vis-à-vis des Arabes en général et des Palestiniens en particulier avec une arrogance telle que quoi qu’il fasse, il lui est impossible de pouvoir nous étonner.
Pourtant, cette semaine il a réussi l’exploit de nous ébahir. Ce pays qui a toujours refusé de signer le traité de non prolifération nucléaire (TNP) et qui croule sous des centaines de bombes atomiques, s’en prend au « laxisme » de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA) et lui intime l’ordre de demander des comptes à l’Iran et à la Syrie dont « les programmes nucléaires comportent plusieurs questions restées sans réponse ».
Ici l’arrogance ou la mauvaise foi deviennent impropres pour qualifier le comportement de l’Etat israélien. Inutile de chercher dans le dictionnaire, cela n’existe pas. Car, Pierre Larousse et Claude Augé, même avec une imagination débordante, n’auraient jamais imaginé le scénario du trafiquant de drogue qui, soucieux de la bonne santé des citoyens, appelle la police à arrêter les vendeurs de cigarettes.
C’est peut-être par devoir de réserve que les fonctionnaires de l’AIEA n’ont pas commenté la « sortie » israélienne. Mais il est certain que derrière les portes closes des locaux de l’Agence à Vienne, le sujet a dû être commenté en long et en large. Peut-être a-t-il suscité colère et sarcasme. Peut-être le directeur général Mohamed Elbradei, dont Israël attend avec impatience la fin du mandat, a-t-il puisé dans le réservoir humoristique égyptien pour commenter la demande israélienne à sa manière et susciter quelques éclats de rire chez ses collaborateurs.
Mais à supposer que les gens de l’AIEA aient ri de cette incongruité israélienne, ils n’auraient sûrement pas ri de bon cœur. Le rire, dans ces conditions ne peut être que jaune, couleur du « yellowcake », ce concentré d’uranium qui, traité dans une centrifugeuse, devient de l’uranium enrichi, propre à la production d’armes nucléaires.
Voici une occasion de rappeler encore une fois le secret de polichinelle de la bombe atomique israélienne qui remonte à près d’un demi siècle. La décision de se doter de la bombe nucléaire a été prise par David Ben Gourion lui-même en 1952. Les physiciens nucléaires israéliens avaient alors développé une nouvelle méthode d’extraire l’eau lourde de l’eau ordinaire, une méthode qui leur avait permis de transformer l’uranium solide en uranium gazeux et de l’enrichir.
De leur côté, les politiciens israéliens avaient réussi à intéresser la France à leur projet nucléaire. Une véritable coopération s’est alors engagée. Des physiciens nucléaires israéliens, dirigés par le plus célèbre d’entre eux, Amos de Shalit, avaient séjourné pendant des mois au centre du programme nucléaire français à Saclay, en banlieue parisienne.
Vers la fin des années 1950, Israël, avec l’assistance de la France, a lancé la construction d’un grand réacteur nucléaire dans le désert du Néguev, et plus précisément dans la localité de Dimona. En 1959, De Gaulle devint Président. Il lia aussitôt la continuation de l’assistance nucléaire française à une promesse publique de Ben Gourion que le réacteur de Dimona servirait seulement «les objectifs pacifiques».
Evidemment, le premier Premier ministre d’Israël ne trouva aucun scrupule à faire la promesse exigée par De Gaulle, tout en sachant pertinemment que le réacteur de Dimona était conçu pour fabriquer les armes nucléaires. En 1963, les travaux à Dimona étaient achevés et le réacteur avait commencé à fonctionner non pour produire l’électricité, comme Ben Gourion l’avait promis à De Gaulle, mais les bombes nucléaires qu’Israël avait commencé à entreposer dans ses dépôts depuis le début des années 1960, c’est-à-dire il y a près d’un demi siècle. Maintenant, on parle de 150 à 200 bombes atomiques entreposées quelque part en Israël, les seules qui existent au moyen-Orient.
Imaginions un autre pays dans la même situation qu’Israël et faisant les mêmes demandes incongrues à l’AIEA, sans toutefois bénéficier du soutien et de la complaisance de l’Amérique et de l’Europe. Le déchaînement des médias et des cercles politiques et intellectuels occidentaux aurait été tel que le monde serait mis sens dessus dessous. On aurait protesté, écumé, fulminé contre l’insolence, l’arrogance, le cynisme, le banditisme nucléaire. On aurait voté résolution sur résolution au Conseil de sécurité, intimant l’ordre au pays insolent d’ouvrir immédiatement ses propres installations nucléaires aux inspecteurs de l’AIEA avant de les envoyer chez les autres. On aurait…mais bon, puisqu’il s’agit d’Israël et non d’un autre pays, tout le monde regarde ailleurs.
Les amis américains et européens d’Israël, tout en regardant ailleurs, pourraient tout de même lui chuchoter à l’oreille le proverbe universel selon lequel la décence la plus élémentaire veut que celui qui habite une maison de verre s’abstienne de bombarder de pierres celles des autres.

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