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Monday, June 29, 2009

Israël et l'opinion publique américaine

L’un des motifs principaux qui expliquent l’alignement inconditionnel sur la politique israélienne des administrations américaines successives est …l’alignement tout aussi inconditionnel de l’opinion publique aux Etats-Unis et son approbation de toutes les initiatives agressives et violentes qu’entreprend Israël contre les Arabes. Il est donc logique que tout candidat qui vise la Maison blanche, le Congrès ou même un simple poste de gouverneur cherche à se positionner dans le sens du courant s’il veut accroître ses chances. D’où la surenchère entre les candidats qui, sous l’œil vigilant, et sans doute amusé, du Lobby, rivalisent de louanges obséquieuses envers Israël, frisant parfois le ridicule.
Ce n’est sûrement pas par amour pour Israël ni par conviction que la plupart des candidats à des postes politiques aux Etats-Unis développent un discours pro-israélien, mais par simple opportunisme. Israël joue ici le rôle de monture à enfourcher par quiconque voulant arriver à destination, c'est-à-dire à la Maison blanche ou au Congrès ou à quelque autre poste important aux Etats-Unis. L’exemple le plus édifiant à cet égard est celui de Barack Obama qui, en tant que candidat, n’a pas hésité à qualifier Jérusalem de « capitale indivisible » d’Israël, et, une fois à la Maison blanche, ne cesse d’exiger l’arrêt total de la construction dans les colonies, y compris à Jérusalem-Est.
Généralement on a une idée négative de l’opportunisme politique. Mais dans le cas de Barack Obama, c’est un opportunisme positif, et nul n’est en droit de lui jeter la pierre. Il a utilisé une formule contestée par les Arabes dans le but d’éloigner l’obstacle AIPAC de son chemin. Il a réussi haut la main et c’est tant mieux.
Contrairement à la classe politique, l’opinion publique américaine, elle, n’a ni une ambition affichée ni une compétition et des concurrents à affronter , et donc n’a aucune raison de craindre le Lobby ou de le ménager. Contrairement à la classe politique aussi qui, elle, ne peut ignorer la réalité douloureuse et fondamentalement injuste du conflit israélo-palestinien, l’opinion publique, séparée par d’immenses distances géographiques et culturelles de ce conflit, ne connaît de sa réalité que ce que les médias américains veulent bien qu’elle sache. Et comme les médias eux-mêmes ne peuvent publier que ce qui plaît au Lobby, l’opinion publique américaine a fini par intérioriser le cliché façonné à coups de matraquage médiatique.
Ce cliché se résume en peu de mots : Israël est une démocratie fragile entourée d’ennemis violents qui veulent sa mort. Toutes les guerres qu’il a menées lui ont été imposées par ses ennemis et il a dû s’y engager pour survivre. La classe politique américaine sait que ce cliché n’a aucun rapport ni de près ni de loin avec la réalité, mais feint d’y croire pour les raisons détaillées ci-dessus. En revanche, l’opinion publique, de par son incapacité de recourir à d’autres sources d’information, de par les obstacles infranchissables interdisant au point de vue arabe sur le conflit de parvenir aux citoyens américains, ceux-ci croient de bonne foi à la version tronquée des événements sur la longue période conflictuelle qui a ensanglanté les rapports israélo-arabes.
L’opinion publique américaine n’est pas butée et semble prête à changer d’avis pour peu qu’on lui serve la bonne information, ou qu’on lui corrige la version erronée des événements qui secouent le Moyen-Orient et à laquelle elle croit naïvement, mais de bonne foi.
Le discours de Barack Obama prononcé au Caire le 4 juin dernier a été l’une des très rares occasions qui se présentent au peuple américain pour qu’il prenne connaissance d’informations sensiblement différentes de celles auxquelles l’ont habitué le New York Times, le Washington Post, CNN ou encore Fox News. Obama a certes parlé d’Israël en des termes familiers pour l’oreille américaine, mais a parlé aussi des Palestiniens et de leur calvaire en des termes inhabituels pour le citoyen américain.
Mais déjà deux jours avant le discours d’Obama, un changement intéressant était remarqué au niveau de l’attitude de l’opinion publique américaine envers Israël. Si vous googlez « The Israel Project », vous aurez l’explication suivante : « The Israel Project est une organisation internationale à but non lucratif, oeuvrant à informer la presse et le grand public au sujet d’Israël et du Moyen-Orient ». The Israel Project donc a commandé début juin un sondage à Stanley Greenberg (*) visant à tester l’opinion publique américaine sur le conflit du Moyen-Orient. La surprise était grande.
Le résultat de ce sondage effectué les 2 et 3 juin 2009 est inquiétant pour Israël et pour le Lobby qui le défend aux Etats-Unis. En septembre 2008, ils étaient 69% à se considérer comme pro-israéliens. Aujourd’hui, ils sont 49%. Les mêmes 69% estimaient l’année dernière que les Etats-Unis doivent soutenir Israël. Ils ne sont plus que 44% aujourd’hui.
Il est important de noter que ce sondage a été effectué 24 heures seulement avant le discours d’Obama au Caire, très suivi dans le monde entier, et qui a eu sans aucun doute un effet amplificateur du changement enregistré depuis la guerre de Gaza dans l’attitude de l’opinion américaine vis-à-vis de la question palestinienne. Il y a tout lieu de croire que le pourcentage des Américains qui veulent que leur pays soutienne aujourd’hui Israël est au dessous de 44%.
En toute logique, la classe politique américaine devrait tirer les conclusions qui s’imposent en changeant elle aussi d’attitude. Elle a de moins en moins de raisons de prendre cet air effarouché vis-à-vis du Lobby et de soutenir inconditionnellement Israël.

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(*) http://jta.org/news/article/2009/06/15/1005902/poll-american-voters-suport-of-israel-drops

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