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Monday, June 08, 2009

USA-Israël: le tournant

Chaque jour qui passe apporte son lot de révélations sur la politique hautement dommageable suivie par le prédécesseur de Barack Obama. On sait qu’au cours des huit années passées par George Bush à la Maison blanche, la crise que vit le processus de paix au Moyen-Orient depuis la signature des accords d’Oslo en 1993 s’est énormément approfondie. Comment pouvait-il en être autrement quand le président de la plus grande puissance du monde, censée jouer les intermédiaires impartiaux, encourageait les Israéliens à garder les territoires occupés palestiniens en affirmant qu’ « il est irréaliste de demander à Israël de revenir aux frontières de 1967 » et qu’ « il faut tenir compte des faits accomplis sur le terrain. »
Maintenant on vient d’apprendre l’existence d’ « un accord secret » entre Israël et les Etats-Unis en 2003, suivant lequel les Israéliens « peuvent ignorer les clauses de la feuille de route » et donc continuer l’extension à volonté des colonies à Jérusalem-est et en Cisjordanie. Ce feu vert donné aux Israéliens d’agir comme bon leur semble aurait été donné par deux hauts fonctionnaires de l’administration Bush, Elliot Abrams et Stephen Hadley, deux pro-israéliens notoires connus non seulement pour leur soutien aveugle à Israël, mais aussi pour leur alignement sur les positions les plus extrémistes de la classe politique israélienne. A titre d’exemple, les positions d’Elliot Abrams concernant le conflit israélo-arabe étaient si extrémistes que, par comparaison, celles d’Ariel Sharon paraissaient modérées…
Mais le plus étonnant est qu’aujourd’hui les collaborateurs de Netanyahu, frustrés de l’intransigeance d’Obama, lui reprochent publiquement de ne pas reconnaître cet « accord secret » et de se soucier comme d’une guigne du feu vert donné par Abrams et Hadley à la poursuite de la colonisation.
Des deux choses l’une. Ou bien Netanyahu et ses collaborateurs sont d’une naïveté si infantile qu’ils n’hésitent pas à sortir cette histoire d’ « accord secret » dans l’espoir de la faire avaler à Obama et l’amener à accepter au moins l’extension des colonies pour cause de « croissance naturelle ». Ou alors ils sont si désespérés face à ce changement « brutal » de la politique américaine à leur égard qu’ils fouillent furieusement dans leurs archives, n’hésitant pas à y puiser n’importe quel argument, y compris les plus ridicules.
Le plus désespéré des Israéliens est sans doute Netanyahu qui doit se rappeler avec amertume le bon vieux temps des années 1990 et son premier mandat de Premier ministre (1996-1999) au cours duquel, faisant face à une administration Clinton complaisante pour ne pas dire complice, avait carte blanche et pouvait construire autant de colonies qu’il voulait, tuer autant de Palestiniens qu’il pouvait, le tout avec l’aide inconditionnelle, financière et militaire, du contribuable américain et la bénédiction du tout puissant lobby.
Pris de panique, Ehud Barak a fait le voyage à Washington pour expliquer à la nouvelle équipe de la Maison blanche le plus sérieusement du monde que les intérêts israéliens et américains sont indissociables, que la sécurité d’Israël dépend de l’occupation des territoires palestiniens et qu’il est illogique de condamner les pauvres colons à la promiscuité en leur interdisant de construire de nouvelles maisons alors qu’ils se reproduisent à un rythme assez soutenu.
D’après l’homme politique et commentateur américain Patrick Buchanan, au moment où Ehud Barak tentait de convaincre le conseiller à la sécurité nationale, le général Jim Jones, Barack Obama fit irruption dans le bureau du général Jones pour dire deux mots au ministre israélien de la défense : le gouvernement Netanyahu doit préparer un plan de paix d’ici juillet. Buchanan n’a pas dit quel était l’état d’esprit de Barak lorsque le président américain lui a transmis ce qu’il faut bien appeler un ultimatum. Mais on peut facilement imaginer l’état désespéré dans lequel il se trouvait. Il était venu demander le permis de construire pour les colons de Cisjordanie, il est rentré avec un ultimatum en poche.
Le plus grand désastre qui puisse frapper la classe politique israélienne est que les Américains prennent conscience de l’évidence longtemps ignorée que leurs intérêts et ceux d’Israël ne coïncident pas forcément, ne se rencontrent pas à tous les coups et peuvent même diverger et être contradictoires. Et cette évidence est de moins en moins ignorée grâce à l’excellent livre de John Mearsheimer et Stephen Walt (*) ; grâce aussi aux guerres d’une violence inouïe contre les Libanais et les Palestiniens et qui ont fini par choquer bon nombre d’Américains ; grâce enfin aux excès et abus du Lobby pro-israélien qui agit aux Etats-Unis comme en pays conquis et qui, pour la première fois de son existence, se trouve sur la défensive. La preuve est que ses dirigeants n’ont pas émis la moindre critique contre le discours d’Obama au Caire, bien qu’ils fussent estomaqués par son contenu.
La classe politique israélienne vit donc un désastre. Mais un désastre salvateur qui pourrait être une chance pour Israël dont les intérêts réels à long terme sont enfin reconnus par la Maison blanche. Tout le monde sait, sauf les politiciens qui ont gouverné Israël depuis 1967, le Lobby et les administrations américaines précédentes, que les intérêts à long terme d’Israël ne sont ni dans la colonisation, ni dans la militarisation à outrance de la société israélienne, mais dans l’intégration dans l’environnement moyen-oriental. Et cette intégration ne se fera jamais tant que la colonisation rampante se poursuit, tant que l’armée israélienne s’arroge le droit de tuer et d’infliger des destructions quand bon lui semble aux peuples qui l’entourent.
Depuis le déclenchement du conflit israélo-arabe, les conditions n’ont jamais été aussi favorables qu’aujourd’hui pour que Washington tienne enfin le taureau par les cornes, libère Israël du joug des extrémistes orthodoxes et des colons et force la classe politique israélienne à prendre en considération les intérêts réels et à long terme de leur pays, plutôt que celui des illuminés perchés sur les collines de Cisjordanie et qui attendent avec impatience le retour du messie.

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(*) « Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine » a été publié en 2007 simultanément par les éditions Farrar Strauss & Giroux (Etats-Unis), Campus (Allemagne), Kodansha (Japon), Atlas (Hollande), Penguin (Royaume-Uni), Mondadori (Italie) et La Découverte (France).

1 Comments:

Blogger Hatim said...

"Nous voulons donner la parole à la majorité de la communauté juive américaine libérale et ouverte et qui est contre la guerre d’Irak et s’oppose à une guerre contre l’Iran".
C'est ce qu'a déclaré Jeremy Ben-Ami, le directeur exécutif de J Street ( http://www.gnet.tn/revue-de-presse-internationale/lobby-juif-aux-usa-j-street-menace-laipac/id-menu-957.html); le nouveau lobby juif aux USA; un lobby qui compte équilibrer la donne quant à l'influence de l'AIPAC. A priori ce nouveau lobby aurait pas mal de relations dans l'entourage de OBAMA. Reste a voir dans le futur ce qu'il en serait. Pour l'instant des paroles...

12:34 AM  

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