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Monday, May 25, 2009

Séismes

Deux événements tragiques ont eu lieu à quelques semaines d’intervalle et qui ont eu à peu près les mêmes effets : des milliers d’habitations, écoles, hôpitaux et administrations totalement ou partiellement détruites, des centaines de morts et des milliers de blessés, des images insoutenables de secouristes s’activant au milieu des gravats à la recherche de personnes ensevelies et encore en vie, des milliers de survivants entassés dans des tentes dans des conditions sanitaires effrayantes, bref deux événements que tout unit, sauf l’essentiel.
La première catastrophe a eu lieu du 28 décembre 2008 au 18 janvier 2009. La seconde a eu lieu dans la nuit du 5 au 6 avril 2009. La première a été un désastre pour des centaines de milliers de Palestiniens qui ont le malheur de vivre à un jet de pierre d’Israël. La seconde a été un désastre pour des centaines de milliers d’Italiens qui ont la malchance de vivre dans la région sismique des Abruzzes, et principalement dans la ville historique de L’Aquila. Ceci pour les similitudes.
Les différences tournent autour d’un point essentiel. La première catastrophe est d’origine humaine. La seconde est d’origine naturelle. La première a été provoquée par une classe politique israélienne instable politiquement et psychologiquement, refusant depuis un demi siècle la notion même de frontière qui constitue le pilier central des relations internationales. La seconde a été provoquée par des plaques tectoniques instables et qui, ignorant elles aussi le principe des frontières, se poussent et se bousculent mutuellement dans les entrailles de la terre, avec des conséquences désastreuses à la surface.
Seulement, l’expérience démontre qu’il est moins grave d’être victime de l’instabilité géologique de la planète Terre que de l’instabilité politique et psychologique d’Israël. L’expérience démontre aussi que, catastrophe pour catastrophe, celle provoquée par le mouvement des plaques tectoniques est, de loin, préférable à celle provoquée par le mouvement des troupes israéliennes.
D’abord, parce que le séisme géologique ne dure que quelques dizaines de secondes, alors que le séisme militaire israélien dure des dizaines de jours, voire des semaines, comme dans le cas des bombardements aveugles, intensifs et ininterrompus subis par le Liban durant l’été de l’année 2006.
Ensuite, quand on est frappé par un séisme géologique, le monde entier compatit, vole au secours des victimes et se montre généreux. Il arrive que des nuées de C130 venant d’un peu partout attendent leur tour dans le ciel pour atterrir et décharger leurs cargaisons de tentes, de nourriture et de médicaments. En revanche si vous êtes victimes de séisme militaire israélien, les puissances européennes et américaine, pourtant « allergiques » à toutes espèces d’injustices et promptes à les dénoncer et à demander des comptes à leur auteur, regardent ailleurs, car l’auteur de l’injustice ici est israélien. Du coup, les vociférateurs professionnels se font discrets et fixent leurs chaussures pour ne pas avoir à regarder la honteuse réalité en face.
Enfin, quand on est victime d’un séisme géologique, la reconstruction est entreprise dans les jours qui suivent la catastrophe. En revanche, si vous êtes victimes des bombardements de l’armée israélienne, et, pire encore, si vous êtes des Palestiniens et habitez la bande de Gaza, l’entreprise de reconstruction est renvoyée aux calendes grecques.
La catastrophe des Abruzzes est intervenue près de deux mois et demi après celle de Gaza. Pourtant en Italie, on travaille d’arrache-pied pour reconstruire ce que le séisme a détruit. A Gaza, la majorité de ceux qui ont perdu leur logement vivent encore sous les tentes, et les plus chanceux d’entre eux ont reconstruit des abris plutôt que des maisons au vrai sens du terme. Des abris fait de terre cuite. Une technique rudimentaire, utilisée par les ruraux indigents des pays pauvres et consistant à mélanger de la terre avec de l’eau pour construire un taudis.
Pourquoi les Palestiniens ont-ils recours à ce qu’il faut bien appeler de la boue pour se construire des abris afin de mieux se protéger du froid l’hiver et de la chaleur l’été ? Parce que jusqu’à ce jour, quatre mois et demi après la fin de la guerre, Israël n’a pas permis l’entrée à Gaza d’un seul sac de ciment, d’une seule barre de fer, d’un seul mètre cube de bois, d’une seule plaque de verre. Bref, ce pays interdit jusqu’à ce jour l’importation par les Palestiniens ou par l’UNRWA du moindre matériau et du moindre produit pouvant servir à la reconstruction de ce que son armée a détruit.
C’est un cas unique dans l’histoire qu’un pays détruit les infrastructures, les logements et les administrations d’un peuple et, dans le même temps, l’empêche par un strict blocus, d’importer ce qui est nécessaire à la reconstruction de ce que son armée a détruit. Mais est-ce si étonnant de la part d’un pays qui autorise son armée à tirer sur les ambulances pour empêcher les secouristes de sauver la vie des blessés qui se vident de leur sang ?
Le droit international humanitaire sanctionne une série de crimes de guerre, dont le bombardement de concentrations civiles et la destruction de leurs biens mobiliers et immobiliers. Mais il n’a pas prévu le cas où le pays qui détruit les biens immobiliers des civils les empêche après la guerre de se procurer les matériaux nécessaires à la reconstruction. Et c’est normal, parce qu’il ne viendrait jamais à l’idée du législateur le plus imaginatif de prévoir un cas aussi incroyable.
Mais si ce n’est pas étonnant de la part d’Israël, comment expliquer le silence assourdissant des puissances européennes et américaine face au sort terrible des Palestiniens qui, après avoir vu leurs maisons détruites dans l’indifférence, se voient, dans la même indifférence, refuser les matériaux pour les reconstruire. Pourquoi ce silence assourdissant à Washington, à Bruxelles, à Paris, à Londres et à Berlin ? Peut-être redoutent-ils de se faire traiter d’antisémites s’ils exigent qu’Israël ne laisse pas passer le ciment, le fer et le bois seulement pour la reconstruction illégale de colonies.

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