airelibre

Saturday, May 16, 2009

L'alibi de la "menace existentielle"

Dans son édition électronique du 2 mai dernier, le magazine français « L’Express » a publié l’information suivante : « Des avions de l’armée de l’air israélienne auraient procédé à des exercices de ravitaillement en l’air entre l’Etat hébreu et Gibraltar. L’amplitude -3800 kilomètres- de ce champ de manœuvres confirmerait que l’armée d’Israël se préparerait concrètement à des frappes aériennes sur l’Iran. »
Le 14 mai dernier, le journaliste américain Jason Ditz a publié un article dans le site antiwar.com dans lequel on apprend que « le directeur de la CIA, Leon Panetta, a été envoyé en mission secrète il y a deux semaines en Israël pour s’assurer que Netanyahu et son ministre de la défense Ehud Barak ne lanceraient pas d’attaques contre l’Iran sans alerter les Etats Unis. » Peut-être Obama a-t-il envoyé son espion en chef en Israël après avoir pris connaissance de l’exercice de ravitaillement en l’air rapporté par « L’Express ».
Mais peut-être aussi que le président américain a-t-il d’autres informations qui l’ont poussé à envoyer un autre message à Netanyahu pour l’avertir qu’il doit s’abstenir de lancer ses bombardiers contre l’Iran et mettre les Etats-Unis devant un fait accompli aux conséquences désastreuses. Il serait pour le moins étrange qu’à trois ou quatre jours de sa rencontre avec Netanyahu à la Maison blanche, le président Obama éprouve le besoin de lui envoyer un autre avertissement, s’il n’avait pas de raisons sérieuses de le faire. Autrement, il aurait pu attendre le 18 mai pour le mettre en garde de vive voix.
La Maison blanche est visiblement inquiète qu’Israël ne réédite le coup qu’il avait fait 28 ans auparavant, en juin 1981 plus précisément, quand il avait envoyé ses bombardiers en Irak détruire le réacteur nucléaire Osirak. Apparemment, les Israéliens avaient frappé sans informer l’administration Reagan qui soutenait alors le régime de Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran. Ronald Reagan était hors de lui et, se confiant à son conseiller à la sécurité nationale, Richard Allen, il lui avait dit : « les enfants resteront toujours des enfants ». Il parlait des Israéliens bien sûr. Des enfants dangereux qui jouaient et jouent toujours avec des allumettes à proximité d’un dépôt de carburant.
Obama ne peut pas ne pas avoir en tête le précédent d’Osirak et le commentaire de Ronald Reagan qui, rappelons le, avait ordonné alors à son ambassadeur aux Nations-Unies de voter pour la résolution du conseil de sécurité qui condamnait à l’unanimité l’attaque israélienne contre l’Irak.
Obama ne peut pas ignorer non plus qu’au temps de Reagan, l’Amérique ne se trouvait pas dans une situation aussi dangereuse. Le coup israélien contre Osirak avait certes embarrassé la Maison blanche qui avait réagi avec agacement, mais n’avait pas mis en danger les intérêts nationaux américains. Aujourd’hui, la situation est autrement plus grave et dangereuse, et les Etats-Unis ne peuvent donc pas se permettre de se retrouver face un incendie gigantesque que déclencherait une attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes.
Une éventualité d’autant plus intolérable qu’Obama sait pertinemment que le monde entier tiendrait les Américains pour complices, même si les Israéliens faisaient cavalier seul et maintenaient Washington dans l’ignorance.
Concernant la question nucléaire iranienne, tout le monde sait qu’Israël se livre à un tintamarre assourdissant depuis trois ou quatre ans. Il est vrai qu’à un certain moment, surtout pendant les deux dernières années du mandat de George Bush, les Etats-Unis et l’Europe avaient suivi Israël dans sa campagne anti-iranienne, mais, il faut le dire, sans trop de conviction. La preuve est que après la disparition de Bush et des néoconservateurs de la scène, les israéliens se sont retrouvés seuls à pointer le doigt avec autant de virulence du côté de l’Iran. Leur insistance est telle que la chose devient suspecte.
Nul besoin d’être un grand stratège pour savoir que la « menace existentielle » qu’Israël prétend subir de la part de l’Iran relève de la pure propagande, car tout le monde sait, et les Israéliens les premiers, que l’Iran ne prendra jamais le risque de se faire rayer de la carte pour le simple plaisir d’envoyer une arme de destruction massive sur Israël. Cela dit, cette histoire de « menace existentielle » vient à point nommé remplir une précieuse fonction de diversion dont Israël a un besoin évident.
Tout d’abord cela aide énormément les propagandistes israéliens dans leur effort consistant à perpétuer la fiction du monopole de la souffrance du peuple juif, en rappelant à tout bout de champ l’holocauste passé et en agitant constamment la menace d’un autre holocauste qui prépareraient les ennemis d’Israël.
Ensuite, cette histoire de « menace existentielle » est un alibi parfait que la classe politique israélienne met en avant pour signifier à l’Europe et aux Etats-Unis que l’urgence ne consiste pas à se pencher sur le processus de paix, mais de sauver Israël du « danger mortel » qui le guette.
Enfin la « menace existentielle » est l’épouvantail qu’Israël s’est fabriqué sur mesure pour être agité chaque fois que cela s’avère nécessaire, le but étant d’ajourner ad vitam aeternam l’évacuation des territoires palestiniens et du Golan syrien.
Lundi 18 mai, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu sera reçu à la Maison blanche par le président américain Barack Obama. Les deux hommes risquent de se retrouver sur deux ondes différentes, l’un parlant de « menace existentielle », l’autre de processus de paix israélo-arabe. Le monde entier aura les yeux braqués sur cette rencontre qui risque de se transformer en une partie de bras de fer dont l’issue est d’une importance capitale pour la paix ou la guerre dans la région. Obama tiendra-t-il bon ou succombera-t-il, comme bon nombre de ses prédécesseurs, à l’intense pression des lobbies pro-israéliens ?

0 Comments:

Post a Comment

<< Home