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Monday, June 01, 2009

Quand Israël accuse Washington de ...partialité

On savait que les Israéliens étaient très mal à l’aise face à cette intransigeance américaine à laquelle ils ne sont pas habitués, mais on était à mille lieux de penser qu’un jour ils iront jusqu’à accuser les Etats-Unis d’être « injustes » à leur égard et de « prendre le parti des Palestiniens »
Oui, ils l’ont dit, et on imagine les efforts qu’ils ont dû déployer pour se retenir d’accuser d’ « antisémitisme » l’équipe de négociateurs envoyés mardi dernier à Londres par le président Obama. Ceux-ci avaient pour mission de signifier à leurs homologues israéliens qu’ils doivent arrêter toute espèce de construction dans les colonies.
Les deux équipes qui s’étaient rencontrées à Londres étaient composées de négociateurs de haut rang qui, visiblement, avaient des instructions précises de ne pas céder aux pressions. Côté américain, outre le principal négociateurs, George Mitchell, il y avait son adjoint, David Hale, le chef du desk Moyen-Orient au Conseil National de sécurité, Daniel Shapiro, et le conseiller juridique du département d’Etat, Jonathan Schwartz. Quant à l’équipe israélienne, elle était composée du conseiller à la sécurité nationale, Uzi Arad, de l’envoyé diplomatique de Netanyahu, Yitzhak Molcho, du représentant du Ministère de la Défense, Mike Herzog et du vice Premier ministre, Dan Meridor.
La composition des deux équipes prouve la détermination de Washington et de Tel Aviv de remporter la partie de négociations de mardi dernier à Londres. Les Israéliens ont faussé le jeu dès le départ puisque, pour une fois que l’arbitre américain montre des signes d’impartialité, il a été accusé de …partialité.
Cela n’étonne personne, car le monde n’a pas seulement un problème politique avec Israël, mais aussi un problème psychologique. Le comportement de ce pays peut être éclairé par celui de l’enfant gâté qui, habitué depuis sa naissance à avoir tout ce qu’il demande, ne comprend pas qu’on puisse un jour lui refuser le moindre de ses caprices. Et quand ça arrive, il pleure, crie, proteste et se plaint de l’injustice qu’on lui inflige en le privant de son droit à avoir tout ce qu’il veut.
Israël, c’est cet enfant gâté qui, habitué pendant si longtemps à la complaisance, la partialité et la collusion même des administrations américaines successives, ne comprend pas qu’aujourd’hui l’administration de Barack Obama puisse tenir bon sérieusement sur cette question de colonisation et exiger l’arrêt total des constructions.
A ce niveau, les administrations américaines successives sont au moins autant coupables que les gouvernements israéliens successifs de ce désastre de grande ampleur qu’est la colonisation à outrance de la Cisjordanie. Le président Jimmy Carter devrait maintenant se mordre les doigts de ne s’être pas opposé sérieusement au projet de colonisation, initié par Menahem Begin dès la victoire du Likoud en 1977. Pendant trente deux ans de construction non stop de colonies et d’encouragement des colons à s’installer en Cisjordanie, les Etats-Unis et l’Europe regardaient ailleurs et laissaient se développer ce qui est aujourd’hui le plus grand obstacle à la paix dans la région du Moyen-Orient. Pendant un tiers de siècle donc, les Israéliens étaient non seulement habitués à la complaisance ou, dans le pire des cas, aux protestations très théoriques des Etats-Unis et de l’Europe, mais l’argent provenant de l’aide annuelle américaine a servi pendant tout ce temps à la construction d’une bonne partie des colonies de Cisjordanie. Mieux encore, ou pire, l’armement américain, livré aussi dans le cadre de l’aide annuelle, a servi à mater les protestations massives palestiniennes contre la colonisation durant les intifadas de 1987 et de 2000. Comment après tout cela, les Israéliens ne ressentent-ils pas ce sentiment d’ « injustice » qui déstabilise l’enfant gâté qui se voit refuser pour la première fois un caprice ?
Et de fait, l’équipe de négociateurs dépêchée par Netanyahu à Londres a été déstabilisée par l’intransigeance inhabituelle des représentants de l’administration américaine. Voici quelques uns des commentaires amers des négociateurs israéliens rapportés par la presse : « Nous sommes déçus, car tous les accords que nous avons eus avec l’administration Bush ne servent plus à rien ». « Les Etats-Unis veulent obtenir des concessions en faveur des Palestiniens, ce qui est injuste envers Israël ». « Ils nous demandent à nous d’arrêter la construction de colonies et ne demandent pas aux Palestiniens de démanteler les réseaux terroristes. Il n’y a pas de réciprocité, c’est injuste ». Enfin, et là c’est le comble : « Nous voulons atteindre un accord avec les Etats-Unis de manière à faire avancer le processus de paix. Mais cette position américaine est en train d’entraver ce processus et d’engendrer tension et stagnation, ce qui est dommageable à la fois pour Israël et pour les Etats-Unis ».
Le conseil des ministres israéliens, réuni dimanche dernier, a répondu à l’intransigeance américaine par l’arrogance : rejet total de la demande américaine de geler les travaux de construction dans les colonies de Cisjordanie. Le monde entier attend avec un rare suspense la réaction d’Obama face à ce qu’il faut bien appeler une rebuffade israélienne infligée à la Maison blanche.
En 1990, Bush père et son secrétaire d’Etat, James Baker, avaient échoué face à une rebuffade similaire de la part du Premier ministre israélien d’alors, Itzhak Shamir. Bush père et Baker avaient alors cédé face à l’intraitable Shamir. Obama et sa secrétaire d’Etat Clinton ne peuvent pas ne pas avoir ce précédent en tête. Si, face à l’arrogance du gouvernement Netanyahu, ils décident eux aussi de baisser la tête, personne ne les prendra au sérieux ni n’accordera plus le moindre crédit à leur discours, et la région entrera dans de nouvelles turbulences aux conséquences imprévisibles.

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