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Tuesday, May 12, 2009

"Incidents" inhabituels entre Washington et Tel Aviv

C’était si inhabituel que quand cela arriva, les Israéliens ne trouvèrent rien d’autre pour le qualifier que le mot « incident ». Et puisque plusieurs choses sont arrivées à la fois, le journal israélien « Haaretz », les a citées toutes et, du coup, on s’est trouvé face à une série d’ « incidents ».
Premier « incident » : il y’a quelques jours, Dennis Ross, chargé des affaires iraniennes, a été envoyé par Obama dans le Golfe pour parler de l’Iran avec les pays arabes de la région. Avant la mission, aucune coordination ni aucune consultation entre Washington et Tel Aviv n’a eu lieu avant le voyage de Ross, et celui-ci n’a pas fait d’escale en Israël ni à l’aller, ni au retour.
Deuxième « incident » : l’ouverture américaine sur la Syrie et les négociations directes entre Washington et Damas sont faites sans coordination avec Israël. Par exemple, les Israéliens n’ont pas été briefés sur le dernier voyage effectué par un diplomate américain de haut rang à Damas.
Troisième « incident » : plusieurs détails sur le plan de dialogue américain avec l’Iran n’ont pu être obtenus par Israël qu’à « travers les canaux européens ».
Quatrième « incident » : la sous-secrétaire d’Etat américaine, Rose Gottemoeller, parlant mardi dernier à une conférence sur le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP) a dit ceci : « L’adhésion universelle au TNP, y compris par l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du nord demeure un objectif fondamental des Etats-Unis ». Cet « incident » est le plus grave pour les Israéliens, puisque Mme Gottemoeller a inclus Israël sans qu’il y’ait eu la moindre coordination avec les responsables de la question nucléaire à Tel Aviv qui, se lamentent-ils, l’ont « appris dans les médias ».
C’est la première fois, en effet, depuis l’administration Kennedy au début des années 60 du siècle dernier, que le département d’Etat se réfère à Israël en tant que pays nucléaire qui doit adhérer au traité de non prolifération, et donc s’ouvrir à l’inspection de l’AIEA à laquelle sont soumis 189 pays signataires du traité de 1970.
Depuis l’administration Johnson jusqu’à celle Bush fils, Washington a aidé Israël à maintenir l’ambiguïté sur ses armes nucléaires. Cette ambiguïté faisait partie de la stratégie anti-soviétique de Washington, initiée par le personnage central de la diplomatie américaine d’alors, Henry Kissinger, qui estimait que la transparence en matière d’armes nucléaires israéliennes pousserait les pays arabes dans les bras de l’Union Soviétique et aiderait celui-ci à leur vendre massivement des armes.
Mauvaises nouvelles pour Israël, ces « incidents » sont autant de bonnes nouvelles pour les Arabes dans la mesure où ils constituent des indices sérieux que l’administration américaine actuelle se propose de réviser la nature des relations qui la lient à leur « allié stratégique » du Moyen-Orient dans le sens de la normalisation.
Appliqué aux relations internationales, le mot « normalisation » évoque la résolution d’un contentieux et un rapprochement entre deux pays ou plus, débouchant sur le rétablissement des échanges diplomatiques, politiques, économiques, culturels etc.
Mais, appliqué aux relations israélo-américaines, le mot normalisation évoque au contraire une certaine distanciation dans l’intérêt des deux pays.
L’extraordinaire étreinte à laquelle se prêtent Israël et les Etats-Unis depuis plus de quatre décennies est devenue si dommageable pour les deux pays que, si elle se poursuit encore, elle risquera de les étouffer tous les deux. D’où la nécessité pour Washington et Tel Aviv de prendre une certaine distance, ce qui leur permettra de mieux respirer, de s’oxygéner le cerveau et, par conséquent, de voir les choses plus rationnellement et moins passionnellement.
Visiblement, Obama est le premier président américain à se rendre compte du danger que constitue l’étouffante étreinte israélo-américaine pour les intérêts des deux pays. Les « incidents » évoqués plus haut rassurent sur sa détermination à prendre ses distances pour mieux respirer et pour élargir sa marge de manœuvre qu’Israël et son Lobby à Washington ont, au fil des ans, pris soin de réduire pour tous les présidents américains qui ont succédé à John Kennedy, de Lyndon Johnson à George Bush.
Le rétrécissement de la marge de manœuvre des présidents américains vis-à-vis d’Israël a atteint des sommets hallucinants avec Bush fils qui a poussé la servilité à un degré tel, qu’il n’hésitait pas à interrompre une activité publique pour aller parler au téléphone à Ehud Olmert qui refusait de rappeler plus tard, à envoyer le texte de ses discours à Tel Aviv avant de les prononcer et à exiger de sa secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, d’informer son homologue israélien du contenu de ses déclarations avant de les rendre publiques.
La volonté d’Obama de reprendre le terrain perdu par la Maison blanche en termes de pouvoir de décision de la politique moyen-orientale américaine inquiète en Israël. Le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, et son ministre des Affaires étrangères, le Moldave Avigdor Lieberman, ont bien des raisons de perdre le sommeil. L’actuel locataire de la Maison blanche a l’air non seulement de prendre ses distances avec ces deux extrémistes, mais même à les traiter avec une certaine condescendance. En effet, jusqu’à ce jour, aucune « procédure de travail » entre les administrations israélienne et américaine n’a encore été mise en place, et aucun « canal de communication directe » n’a encore été établi entre le bras droit de Netanyahu, Uzi Arad, et le conseiller d’Obama à la sécurité nationale, le général James Jones.
Aujourd’hui, mardi 12 mai, Uzi Arad arrive à Washington pour préparer la visite de Netanyahu aux Etats-Unis, prévue le 18 mai prochain. Des responsables israéliens, cités par « Haaretz » ne sont au courant que d’une seule chose qui sera soulignée au visiteur israélien : l’Amérique ne veut plus entendre parler de construction de colonies dans les territoires palestiniens occupés. La paix ou la guerre au Moyen-Orient dépendront de l’issue du bras de fer qui se prépare entre Washington et Tel Aviv.

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