airelibre

Wednesday, April 08, 2009

Une autre image de l'Amérique

Le premier grand voyage effectué à l’étranger par Barack Obama s’est révélé être un véritable marathon : réunion du G 20 à Londres, sommet de l’Otan à Strasbourg, sommet USA-Union européenne à Prague, sommet avec les dirigeants turcs à Ankara et un programme trop chargé à Istanbul, sans parler de la visite impromptue à Bagdad effectuée mardi dernier avant de rentrer à Washington.
Sur la route du retour, le président américain a dû ruminer l’amère impression qu’au vu des résultats des sommets du G 20 et de l’Otan, l’Amérique n’est plus cette puissance qui obtient ce qu’elle veut des ses partenaires européens et que des sommets peuvent désormais être clôturées au désavantage de Washington.
Au G 20, l’Amérique avait souhaité convaincre l’Allemagne, premier exportateur mondial, de stimuler sa demande intérieure et de ne pas attendre la reprise économique américaine pour reprendre massivement ses exportations outre Atlantique. Mme Merkel était restée intraitable et M. Obama a compris qu’il est inutile d’insister.
Sur un autre sujet, M. Obama a souhaité que l’Union européenne finance le système bancaire en déshérence de l’Europe de l’Est. Là aussi, Mme Merkel a dit non, ce n’est pas le travail de l’UE mais du FMI. Et là aussi, M. Obama a compris qu’il est inutile d’insister et a fait machine arrière.
Au sommet de l’Otan, le président américain avait espéré que la situation de plus en plus grave en Afghanistan pousse ses partenaires européens à être mieux disposés à partager le fardeau. Après d’épuisants conciliabules, les Européens ont consenti à mobiliser 5000 soldats qui iront en Afghanistan non pas pour guerroyer contre les talibans, mais pour sécuriser les élections législatives et présidentielle prévues au mois d’août.
A Prague, le sommet USA-UE a été dominé par les divergences entre la France et les Etats-Unis sur la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. M. Obama a pris fait et cause pour Ankara et a exhorté les pays européens à accepter la deuxième puissance militaire de l’Otan comme membre à part entière de l’UE. Le président français a aussitôt répondu à son « ami Obama » qu’il respecte son avis, mais c’est là « une question qui doit être résolue par les Européens. » Le président américain a répondu du tac au tac : ce n’est pas parce que les Etats-Unis ne sont pas membres de l’UE qu’ils se privent de donner leur avis.
Cela ne veut pas dire que le périple européen d’Obama est globalement négatif, loin de là. Le plus important, c’est qu’il a réussi à redonner une nouvelle virginité à l’Amérique, si l’on peut dire, aux yeux du public européen, et même aux yeux des dirigeants de l’UE qui ne cachaient pas leur soulagement de la fin des années cauchemardesques de George W. Bush. Avec son sourire charmeur, sa démarche décontractée, son éloquence et son discours dépourvu de l’arrogance et de l’obsession sécuritaire de son prédécesseur, Obama, comme par un coup de baguette magique, a donné une autre image de l’Amérique. Une Amérique jeune, souriante, décontractée et qui tend la main avec sincérité et bonne volonté à ceux qui, il n’y a pas longtemps, elle traitait avec condescendance, voire avec mépris. Entre Strasbourg et Prague, « la frontière » érigée par les bushistes entre « vieille » et « nouvelle » Europe s’est écroulée sous le charme d’Obama.
Mais, stratégiquement parlant, l’étape la plus importante du long périple du président américain n’est ni Londres, ni Strasbourg, ni Prague. C’est Ankara. Le discours d’Obama devant le parlement turc visait au moins autant le monde arabe et musulman que le peuple turc. En atterrissant à Ankara, le président américain visait au moins autant à rétablir la confiance avec un allié stratégique de haute importance qu’avec le monde arabe et musulman. Et là, on peut dire qu’il a pleinement réussi. Rarement un président américain a accumulé autant de réactions positives dans le monde arabe et musulman. D’Ankara à Khartoum, de Djakarta à Damas et de Bagdad à Rabat, on a salué unanimement le nouveau visage de l’Amérique. Et il ne s’agit pas seulement de réactions officielles. Les sociétés civiles et même les organisations politiques connues par leur opposition virulente à l’Amérique ont applaudi le nouveau discours et la nouvelle diplomatie de Washington, débarrassés de toute référence à la guerre préventive ou à la guerre globale contre le terrorisme.
La majorité des forces vives du monde arabe et musulman a donc pris acte de la nouvelle orientation de la diplomatie américaine. Mais prendre acte d’un changement de politique à travers un discours est une chose. Vérifier ce changement dans la pratique en est une autre. Et cette majorité des forces vives du monde arabe et musulman attend avec impatience que ce nouveau discours se traduise dans les faits, se concrétise dans la nouvelle diplomatie promise.
Obama est un président assez intelligent pour comprendre que le plus grand danger qui menace les relations Orient-Occident provient de la non résolution du conflit israélo-arabe. Il est assez honnête pour reconnaître que pratiquement tous ses prédécesseurs ont reconnu la nécessité de la création d’un Etat palestinien et qu’aucun d’eux n’a paris la peine de saisir sérieusement le taureau par les cornes.
Lui aussi, à l’instar de ses prédécesseurs, il a dit et redit son désir de voir un Etat palestinien érigé à côté de l’Etat israélien. Il est déjà assuré d’une place dans l’histoire en tant que premier président noir des Etats-Unis. S’assurera-t-il une autre place en aidant à résoudre le conflit le plus complexe de l’histoire moderne ? Le temps presse. Il lui reste un peu plus de trois ans et demi (un peu plus de sept ans et demi s’il est réélu en 2012). Le temps presse et l’Amérique traîne toujours cette réputation paradoxale qui fait d’elle un pays capable de conquérir la lune, mais impuissant à résoudre un conflit qui empoisonne la planète Terre depuis 60 ans.

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