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Saturday, April 04, 2009

Le bateau ivre israélien

Il y a quelque chose de définitivement pourri dans la classe politique israélienne. Si l’on en juge par les procès et les enquêtes policières auxquels sont soumis certains dirigeants israéliens, la course vers l’enrichissement illicite, la satisfaction des désirs bassement matériels et des instincts les plus primaires sont devenus les priorités de ceux qui sont choisis par les électeurs pour gérer les affaires publiques. Tout se passe en Israël comme si les électeurs, dans un accès de masochisme (inconscient ou conscient, peu importe), choisissent les incompétents et les escrocs et leur donnent le gouvernail de ce qu’il faut bien appeler le bateau ivre israélien. Ils ont même eu un président pervers en la personne de Moshé Katsav, traîné en justice par plusieurs femmes israéliennes qui l’accusaient de harcèlement et même de viol.
Si l’on remonte seulement quelques années en arrière, on constatera que les deux principaux traits de ceux qui président aux destinées d’Israël sont l’incompétence et la corruption.
Ariel Sharon a dû user de son influence pour étouffer une affaire de pots de vins dont il a bénéficié ainsi que son fils Gilad. Ceci pour la corruption. En matière d’incompétence, il a joué un rôle déterminant sur plusieurs décennies dans le déclenchement des violences à grande échelle contre les Palestiniens et les Libanais et, par conséquent, dans l’exacerbation de la haine envers Israël et la destruction de sa réputation.
Son successeur Ehud Olmert s’est beaucoup occupé de ses propres affaires pendant la période où il était en charge de la gestion des affaires publiques. Il a fait preuve d’une cupidité peu commune allant jusqu’à se faire rembourser plusieurs fois le même billet d’avion par différents services ministériels. Sans parler des pots de vin qu’il empochait avec voracité, ce qu’il lui a valu une inculpation et une démission humiliante. Ceci pour la corruption.
En matière d’incompétence, il a brillé lui aussi. La désastreuse guerre du Liban de l’été 2006, c’est lui. La catastrophique guerre de Gaza, c’est lui aussi. Et quand il n’a pas de guerre à mener, il faisait semblant de négocier la paix avec les Palestiniens tout en élargissant les colonies. Il faisait l’apologie de Mahmoud Abbas qu’il considérait comme son « partenaire pour la paix », et il l’invitait même chez lui pour diner tout en oeuvrant à miner la position du président palestinien et à l’affaiblir vis-à-vis de ses rivaux du Hamas.
En plus de l’incompétence et de la corruption, Olmert s’est distingué par un autre trait : l’hypocrisie et la mauvaise foi. Alors que pendant sa longue carrière politique il avait œuvré à bloquer tout progrès du processus de paix israélo-palestinien, le jour où il a démissionné, il est subitement devenu le théoricien de la paix, affirmant qu’Israël n’a d’autre choix que d’évacuer les territoires occupés, y compris Jérusalem-est…
La nouvelle équipe mise en place par Benyamin Netanyahu n’est pas exempte de corrompus. Le jour où le nouveau ministre des affaires étrangères, le Moldave Avigdor Lieberman, prenait possession de sa nouvelle fonction, il n’a pas passé ses premières heures au siège du ministère pour faire la connaissance de ses collaborateurs, mais dans les locaux de la police pour répondre aux questions des enquêteurs sur les malversations auxquelles il s’est livré et les services, petits et grands, qu’il a rendus à la mafia russe.
En effet, le premier jour de sa nouvelle fonction de patron de la diplomatie israélienne, Lieberman a passé pas moins de sept heures et demi au poste de police comme un vulgaire malfrat, répondant aux accusations de corruption, de blanchiment d’argent sale, de création de sociétés fictives au nom des représentants de la mafia russe, ainsi que d’enrichissement sans cause, puisque la fortune de ce ministre et son train de vie n’ont rien à voir avec ses revenus de commis de l’Etat. Ceci pour la corruption.
En matière d’incompétence, la réputation du Moldave Lieberman était déjà établie avant même qu’il ne soit nommé au poste de Tzipi Livni, puisqu’aussi bien à Washington que dans les capitales européennes on s’inquiétait de l’arrivée sur scène de cet homme sans qualités diplomatiques particulières et sans talents politiques notables. On s’inquiétait de la nomination de Lieberman au poste de ministre des affaires étrangères avec, pour tout programme politique, le reniement du processus d’Annapolis et une double obsession qu’il nourrit depuis longtemps contre l’Egypte et les Palestiniens d’Israël. Lieberman ne cache pas son désir pathologique de « punir l’Egypte » en envoyant les bombardiers israéliens « détruire le barrage d’Assouan », pas moins. Quant aux Palestiniens d’Israël, qui représentent le cinquième de la population, il leur a donné le choix entre se faire expulser ou s’incliner devant les principes du sionisme et la bannière frappée de l’étoile de David.
Question incompétence toujours, Lieberman ne dépasse pas de beaucoup son patron Netanyahu. Le mauvais souvenir des années 1996-99, pendant lesquelles il avait servi au poste de Premier ministre, est encore très présent dans la mémoire de beaucoup d’Israéliens et de nombreuses chancelleries étrangères qui n’ont pas oublié l’obstination, la rigidité et l’inflexibilité de Netanyahu, et surtout sa détermination à détruire les accords d’Oslo, signés en septembre 1993.
Aujourd’hui, Netanyahu revient avec les mêmes réflexes et les mêmes obsessions avec en plus une aigreur qui s’est développée pendant la décennie de sa traversée du désert et qu’il a du mal à cacher. Il revient avec les mêmes positions qu’avant (pas d’Etat palestinien et pas d’arrêt de la colonisation), et une nouvelle idée fixe : bombarder l’Iran. A ce niveau, Netanyahu a déjà envoyé son message aux Etats-Unis : «Si Obama ne compte pas s’attaquer à l’Iran, nous le ferons nous-mêmes ».
On a tort de prendre cette menace à la légère. Entouré de fascistes, représentés par Avigdor Liberman, d’ultra orthodoxes fanatiques, représentés par Eli Ychaï du parti Shass, et de va-t-en-guerre, représentés par le travailliste Ehud Barak, Benyamin Netanyahu n’a personne dans son cabinet pour le raisonner ou pour modérer ses ardeurs agressives. Ses propagandistes ont déjà mis au point un nouveau concept qu’ils essayent de populariser à travers la presse israélienne : « les génocidaires iraniens », entendez par là les dirigeants iraniens. Ils ne disent pas quel génocide ceux-ci ont commis, mais ils semblent opter pour l’adage classique : « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. »
A Washington et à Bruxelles, ils sont conscients des dangers que fait courir à la région et au monde cette nouvelle équipe de déchaînés israéliens, mais les réactions américaines et européennes, un peu trop timorées, tranchent avec la gravité du danger qui pointe à l’horizon moyen-oriental.

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