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Saturday, April 18, 2009

L'histoire du pêcheur devenu pirate

En toute franchise, il est difficile d’envier le président Barack Obama ou de désirer être à sa place. L’homme s’est retrouvé avec un héritage terrifiant légué par son prédécesseur George Bush que l’histoire retiendra, sans aucun doute, comme le président le plus incompétent et le plus dangereux pour son pays et le monde que les Etats-Unis aient jamais eu.
En plus de la tâche titanesque consistant à réparer les erreurs de l’administration précédente, le président Obama est confronté à la crise économique que les Etats-Unis et le monde n’ont pas connue depuis 80 ans ; il a les dossiers russe et chinois à traiter ; son armée est embourbée dans deux guerres à dix mille kilomètres de chez elle ; plusieurs milliers de soldats attendent d’être rapatriés d’Irak et quelques milliers d’être envoyés en renfort en Afghanistan ; il a le problème inextricable du Pakistan qui ressemble, selon un commentateur américain à « un baril de poudre attendant l’allumette » ; en tant que président du pays le plus pollueur du monde, il a le changement climatique à se pencher dessus ; enfin, il s’est engagé à préparer aux générations futures un monde dénucléarisé.
Mais, comme si tout cela n’est pas assez, le président Obama s’intéresse aussi aux problèmes de moindre importance qu’il veut aussi régler. L’un d’entre eux est le problème posé au transport maritime dans l’océan indien et le golfe d’Aden par les pirates somaliens. « Avec nos alliés », a dit le président américain, « nous oeuvrerons à prévenir de nouvelles attaques, nous nous préparerons à les confronter et nous ferons en sorte que tous ceux qui commettent des actes de piraterie soient tenus pour responsables de leurs crimes. »
Cet engagement d’Obama à s’occuper également des problèmes mineurs n’est pas du goût de tout le monde. Par exemple, le commentateur américain, William Pfaff, est sorti de ses gonds en écoutant son président proférer des menaces contre les pirates. Il s’est demandé pourquoi les Etats-Unis ne laissent-ils pas à la Grande Bretagne et à l’Italie, « en tant qu’anciennes puissances coloniales », la responsabilité de pourchasser les pirates somaliens ?
En fait, le problème n’est pas tant de savoir qui pourchasse les pirates que de comprendre pourquoi le phénomène de la piraterie prend précisément maintenant une ampleur qu’il n’a jamais eue auparavant. La piraterie est aussi vieille que la navigation maritime, mais jamais le nombre de bateaux détournés et celui des marins pris en otages n’ont été aussi élevés qu’en 2008-2009.
La piraterie, comme le terrorisme, ne peut être éradiquée sans traiter les causes qui l’ont engendrée et sans aller aux sources qui l’alimentent. Les pêcheurs somaliens ne se sont pas réveillés un beau jour en se disant : « y’en a marre de pêcher, allons pirater plutôt, ça rapporte plus », comme le laissent entendre certains médias occidentaux. Depuis vingt ans, les choses évoluent d’une manière telle que ce qui se passe aujourd’hui à l’océan indien et dans le golfe d’Aden semble un résultat logique et inévitable.
Tout a commencé donc au début des années 90 du siècle dernier quand le président Mohammed Siad Barré fut renversé. L’incapacité de la société somalienne de se doter d’un régime politique de nature à tenir le pays après l’effondrement de celui de Barré, a fait de la Somalie le pays africain le plus anarchique et le moins sécurisé du continent. Il est terrifiant de constater qu’aujourd’hui, toute une génération en Somalie n’a aucune notion de ce que peut être la stabilité politique, ce qu’est un Etat et que veut dire le mot citoyenneté.
Celui qui a 20 ans aujourd’hui en Somalie n’a aucune idée de ce qu’est la loi, sinon celle du plus fort, la loi de celui qui a le plus de miliciens et le meilleur armement. Celui qui a 20 ans aujourd’hui en Somalie ne sait pas que pour vivre, il faut travailler et payer un impôt sur ses revenus à l’Etat. D’ailleurs, aujourd’hui, pour la jeune génération somalienne, il ne s’agit pas de vivre, mais de survivre. Et pour survivre, il n’y a rien d’autre à faire que de piller, s’adonner à toutes sortes de trafics illicites, et même tuer son semblable pour un plat de lentilles.
L’absence d’Etat en Somalie, capable de protéger ses côtes, a engendré, en plus de l’anarchie terrestre, une anarchie maritime. Les flottilles de pêche de plusieurs pays européens et asiatiques, profitant de l’absence de gardes-côtes somaliens et d’Etat capable d’alerter l’ONU ou l’opinion internationale, ont envahi les eaux territoriales somaliennes, pêchant industriellement toutes sortes de poissons, en particulier le thon qui était jadis le produit phare des exportations somaliennes.
Des années de pêche industrielle avec des flottilles suréquipées et utilisant des filets longs de plusieurs kilomètres, ont pratiquement vidé les eaux territoriales somaliennes de sa richesse. La rareté du poisson a rendu le métier de pêcheur en somalie très peu rentable, d’où la reconversion des pêcheurs en pirates. Par conséquent, ce qui se passe aujourd’hui dans l’océan indien et au Golfe d’Aden est certes le résultat de l’anarchie sévissant en Somalie, mais aussi de la rapacité des flottes de pêche européennes et asiatiques qui ont vidé de son poisson des eaux qui ne leur appartiennent pas.
La victoire sur le terrorisme ne sera jamais assurée à coups de missiles envoyés indistinctement sur la tête des terroristes et des populations qui les accueillent malgré elles. Elle sera assurée uniquement par la réduction des injustices et la profonde réforme des « medersa » qui, au Pakistan, en Afghanistan et ailleurs, excluent de leurs programmes toute allusion à la culture de la vie et façonnent les enfants dans le moule terrifiant de la culture de la mort, du sacrifice et des vierges qui attendent avec impatience les auteurs d’attentats suicide.
Il en est de même pour la victoire sur la piraterie. Elle ne sera jamais assurée par la chasse aux pirates uniquement. Car, quand un pirate tombe, il y’en a dix qui attendent pour prendre sa place. Ce phénomène ne sera éradiqué qu’en aidant la Somalie à se doter d’un régime politique capable de mettre fin à l’anarchie, ceci d’une part. D’autre part, en interdisant aux flottilles de pêche industrielle de s’approcher des eaux territoriales somaliennes. Car, enfin, comment les pirates somaliens redeviennent-ils pêcheurs sans la reconstitution de leurs richesses poissonnières et sans un Etat pour mettre de l'ordre sur terre et sur mer?

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