airelibre

Wednesday, February 04, 2009

Le géant docile et le nain arrogant

Quelques semaines avant le vote de la résolution 181 des Nations-Unies le 29 novembre 1947, le département d’Etat et le Pentagone avaient tout fait pour convaincre le président Harry Truman de voter contre la création de l’Etat d’Israël. Il leur avait répondu : « Je suis désolé Messieurs, j’ai des comptes à rendre aux centaines de milliers de personnes impatientes de voir la victoire du sionisme. Je n’ai pas des centaines de milliers d’électeurs arabes dans mes circonscriptions. »
On ne sait pas si cette opposition des experts du département d’Etat et du Pentagone à la création d’un Etat sioniste au Moyen-Orient était due à un pressentiment superstitieux ou à une analyse lucide sur les dangers que courraient les intérêts américains et la région du Moyen Orient à la suite d’un bouleversement gigantesque qu’engendrerait la confiscation du territoire d’un peuple et son attribution arbitraire à un autre.
Quelles que fussent leurs motivations, ces experts avaient parfaitement raison de s’opposer à la création de l’Etat d’Israël qui, pendant soixante ans d’existence, s’est révélé être un désastre politique et humanitaire pour le monde arabe, et pour les Palestiniens en particulier, et une catastrophe financière et politique pour les Etats-Unis d’Amérique.
De 1948 à 2009, le monde arabe a subi une série de guerres d’agression menées par Israël dont la nature sioniste du régime ne pouvait se satisfaire des 52% de la Palestine historique. Aujourd’hui, et contre la volonté du monde entier, ce pays refuse toujours la création d’un Etat palestinien sur 22% de la Palestine représentés par la Cisjordanie, Jérusalem-est et Gaza. Les Palestiniens et les Libanais, qui ont le malheur d’être les voisins immédiats de cet Etat agressif, continuent de payer le prix fort en vies humaines, en infrastructures et en habitations pour la destruction desquelles Israël n’a jamais rendu aucun compte et n’a jamais été tenu pour responsable par une quelconque institution judiciaire internationale.
Depuis pratiquement la création d’Israël, les Etats-Unis se trouvent dans une situation kafkaïenne. Voici une super puissance qui se laisse tenir en laisse par un pays qui a la taille de l’Etat du New jersey et qui lui impose de payer, de se taire quand l’armée israélienne massacre les civils palestiniens et libanais et détruit leurs maisons et leurs infrastructures à coups de missiles tirés par des F-16, et de condamner quand les victimes ripostent avec des moyens, souvent rudimentaires.
Payer ? Oui, depuis des décennies, le contribuable américain verse chaque jour que Dieu fait à l’Etat israélien plus de 8 millions de dollars. Cet argent a toujours été utilisé pour financer la guerre, l’agression et la construction de colonies sur des terres confisquées par la force militaire. Peu de citoyens américains savent réellement à quoi servent les trois milliards de dollars versés chaque année à l’Etat d’Israël. Auraient-ils accepté de les verser, s’ils savaient que leur argent n’a fait durant de longues décennies que contribuer à perpétuer la guerre, l’agression et le calvaire de millions de Palestiniens et de Libanais ? Pas si sûr.
Les Israéliens rétorqueront que les Arabes reçoivent eux aussi de l’argent américain. Sans doute. Mais, per capita, les Egyptiens et les Jordaniens reçoivent le 1/20eme de ce que reçoivent les Israéliens, et les Palestiniens pas plus que le 1/23eme. Et encore, l’argent qu’ils reçoivent n’a jamais servi à autre chose qu’à réparer ce qu’Israël détruit ou à secourir les sinistrés des désastres humanitaires que laisse invariablement l’armée israélienne derrière elle chaque fois qu’elle déclenche sa machine de guerre meurtrière contre les civils.
Se taire ? Oui, ça a toujours été l’attitude de la diplomatie américaine chaque fois qu’Israël se déchaîne contre les civils. L’armée israélienne peut tuer les Palestiniens et les Libanais par milliers, elle peut détruire autant de maisons, de routes, de ponts et autres infrastructures qu’elle veut, pas une seule condamnation n’a jamais été prononcée à Washington. Mieux encore, ou pire, chaque fois que l’ONU, excédée par tant d’arrogance, se réunit pour crier son indignation et condamner, le veto américain est là pour faire foirer les réunions. Et quand le silence américain est rompu, et il l’est souvent en fait, c’est pour condamner les victimes, les lanceurs de pierres et les lanceurs de fusées artisanales et inoffensives.
Les Etats-Unis se sont mis dans une situation qui ressemble à celle d’un géant ligoté par un nain et à qui il ne peut rien refuser. Ce qui est étonnant, c’est que cette situation absurde soit acceptée comme un état normal par les différentes administrations. Plus étonnant encore, certaines, comme celle de George W. Bush, ont tout fait pour que le géant soit plus ligoté encore, encourageant ainsi le nain à être plus exigeant et plus arrogant. Ehud Olmert n’a-t-il pas exigé que l’ex-président interrompe son discours pour venir lui parler au téléphone, ce que Bush, quittant son audience, s’est empressé de faire ? Et son prédécesseur Sharon n’a-t-il pas fixé avec insistance les yeux de Bush jusqu’à ce que celui-ci « baisse la tête ». Peut-être Sharon voulait-il vérifier que le géant est toujours docile face au nain.
Beaucoup à travers le monde ont nourri l’espoir que l’élection de Barack Obama va enfin aider le géant à se débarrasser de ses entraves et se révolter contre les innombrables crimes commis par le nain. Cette élection a coïncidé avec l’un des plus grands crimes commis par Israël : une campagne destructrice que Gaza n’a jamais connue dans son histoire, pas même pendant la guerre de 1967. C’était une belle occasion pour la nouvelle administration de changer enfin la nature de sa relation avec Israël et de redonner à l’Amérique sa liberté d’action diplomatique et politique dans la région du Moyen-Orient. Occasion ratée. Visiblement, l’argument opposé par Harry Truman en 1948 aux gens du département d’Etat et du Pentagone, (« Je n’ai pas des centaines de milliers d’électeurs arabes dans mes circonscriptions »), tient toujours.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home