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Sunday, February 08, 2009

Le Moldave déchaîné

On est pratiquement sûr maintenant que les élections de mardi prochain, 10 février, en Israël aboutiront à la constitution d’un gouvernement beaucoup plus à droite que celui d’Olmert ou même de Sharon avant lui. Tous les sondages donnent Benyamin Netanyahu et Avigdor Lieberman, deux politiciens parmi les plus extrémistes d’Israël, comme les principaux gagnants. Celui-là a même promis de donner, en cas de victoire, à celui-ci « un important ministère ».
Avigdor Lieberman ne se contentera sûrement pas de la promesse de Netanyahu si, comme le prévoient les sondages, il caracolera à la tête du ce qui serait le « troisième parti » du pays, « Yisrael Beitenu » (Israël notre maison). Il semble que ce parti extrémiste, qui était marginal pendant des années, gagnerait au cours des prochaines élections 18 sièges dépassant le parti travailliste. Qui aurait cru un jour que ce grand parti israélien serait dépassé un jour par un parti extrémiste créé par un ancien videur de boite de nuit qui, jusqu’à l’âge de vingt ans, ne connaissait Israël que sur la mappemonde.
De tels développements, s’ils se produisaient, ne seraient nullement étonnants, compte tenu de l’état d’âme de la population israélienne. Celle-ci, plus à droite et plus intransigeante que jamais, est en train de mettre toute la pression sur les politiciens israéliens, ce qui les amène à entrer dans le jeu de la surenchère et à rivaliser de menaces plus terrifiantes les unes que les autres contre les Palestiniens et contre « quiconque s’attaque à la sécurité d’Israël ».
La population israélienne est saisie d’une frénésie guerrière telle, qu’elle semble préférer, et de loin, les politiciens qui font l’apologie de la guerre et de la violence et se détourner de ceux qui osent encore parler de négociations et de compromis avec les Arabes. Le phénomène prend des proportions si hallucinantes que, d’après certains reportages de presse, des juifs séfarades d’origine nord-africaine s’apprêtent à voter pour le « facho » Liberman.
L’histoire de cet homme est étonnante. Âgé aujourd’hui de 51 ans, il a émigré en Israël en 1978 venant d’une obscure « Région autonome soviétique moldave » que l’Armée rouge avait confisquée en 1924 à la Roumanie et rattachée à la République soviétique d’Ukraine. Il a fait alors comme beaucoup d’Européens de l’Est avant lui et après lui et qui, profitant de leur statut de juif ou ayant tout simplement acheté un certificat de judaïté à un rabbin corrompu, ont fui l’ancienne URSS à la recherche de meilleures conditions de vie.
Avigdor Lieberman symbolise à lui tout seul l’Etat d’Israël. Il concentre en lui toute l’injustice, l’arrogance et l’absurdité qui constituent les trois piliers sur lesquels s’est érigé Israël et qui continuent, jusqu’à ce jour de lui servir de base fondamentale dans ses relations avec ses voisins palestiniens et arabes. Toutefois, si Israël s’est accommodé tant bien que mal pendant soixante ans des Arabes qu’il n’avait pu expulser en 1948 et qui vivent toujours là où eux et leurs ancêtres étaient nés, le Moldave Avigdor Lieberman ne l’entend pas de cette oreille. A un certain moment, il a fait de l’expulsion des Arabes israéliens son principal cheval de bataille. Il faut dire qu’il y a là un peu de déformation professionnelle si l’on peut dire, puisque ce Lieberman a commencé sa vie active en tant que videur de boite de nuit.
Mais, se rendant compte qu’Israël n’est pas une boite de nuit et les Arabes israéliens ne sont pas des danseurs indésirables, le Moldave a changé de stratégie dans l’espoir de les voir, à force de harcèlements, quitter d’eux-mêmes le pays. Il a d’abord tenté de jeter la suspicion sur eux en les traitant de « cinquième colonne » avant d’enchaîner les exigences qu’il ne manquera sans doute pas à mettre en œuvre, si les électeurs israéliens lui assurent mardi prochain suffisamment de députés et font de son parti une force incontournable de la coalition gouvernementale.
Il y a trois ans, ce Moldave, pris sans doute d’un accès de folie, a réclamé tout simplement la peine capitale pour les députés arabes qui soutiennent le Hamas et qui célèbrent la « Nakba » au lieu de l’ « indépendance d’Israël ». Mais ce n’est pas tout. Elargissant sa stratégie de harcèlement à l’ensemble des Arabes israéliens, il s’est adressé à eux en ces termes : « Lorsque vous demandez votre carte d’identité, vous devez signer une déclaration de loyauté à l’Etat d’Israël, à son drapeau, à son hymne national, à sa déclaration d’indépendance et reconnaître qu’Israël est un Etat juif et sioniste. » (1)
Ces gesticulations ridicules de cet ancien videur de boite de nuit font de lui un clown qui aurait fait rire de bon cœur les Palestiniens si la situation n’était pas dramatique. En effet, les Palestiniens n’ont pas le cœur à rire et on les comprend. Comment retenir sa colère quand un étranger que vous ne savez même pas d’où il vient vous impose une série de règles plus absurdes les unes que les autres et vous force à les observer durant votre vie sur la terre de vos ancêtres ?
Les prisons israéliennes regorgent d’émigrants russes qui, ayant falsifié des certificats de judaïté, s’étaient révélés être des bandits de grand chemin mettant en danger la paix civile en Israël. Mais en aucun cas ils ne peuvent être plus dangereux que le premier d’entre eux, Avigdor Lieberman. Ce moldave déchaîné, en poussant Israël à adopter des politiques que beaucoup d’Israéliens qualifient de fascistes, met en danger non pas la paix civile, mais l’existence même d’Israël. En publiant il y a deux ou trois ans un rapport dans lequel elle doutait de l’idée qu’Israël puisse fêter son centième anniversaire, la CIA avait probablement en tête, entre autres, le comportement irresponsable des politiciens extrémistes israéliens genre Lieberman qui, dans leur stupidité sans bornes, continuent inlassablement à scier la branche sur laquelle ils sont assis.

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(1) Le Monde du 4 février 2009

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