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Saturday, February 21, 2009

L'inéluctable confrontation

Les relations israélo-américaines ont atteint leur âge d’or pendant les huit années de règne de George W. Bush qui n’avait pratiquement rien refusé à Israël et à son fidèle serviteur aux Etats-Unis, l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee). Il est de notoriété publique que ce célèbre lobby joue un rôle déterminant dans l’élaboration de la politique moyen-orientale de Washington.
Ces relations ont donc atteint leur apogée durant les huit dernières années, et il est peu probable qu’elles puissent continuer à jouir d’un tel niveau d’intimité et de complicité sous la nouvelle administration, américaine en dépit de la mobilisation à outrance des lobbies pro-israéliens à Washington dans l’espoir de pousser Obama à poursuivre la politique moyen-orientale de Bush.
Tous les signes annoncent que ces relations seront troublées par les divergences qui ne manqueront pas de surgir entre Tel-Aviv et Washington dans les mois à venir. Les résultats des élections israéliennes du 10 février dernier rendront la mission des lobbies israéliens aux Etats-Unis ardue dans la mesure où le gouvernement qui se mettra en place dans les semaines à venir sera l’otage des extrémistes du Likoud, d’Israël Beitenou et des formations religieuses qui n’aiment pas entendre parler de gel de la colonisation ou de paix avec les Arabes.
La politique que mettra en place l’extrémiste Benyamin Netanyahu entrera inéluctablement en confrontation avec la nouvelle orientation et les nouvelles priorités de l’administration Obama. Celle-ci n’a pas perdu de temps pour nommer un représentant au Proche-Orient en la personne de George Mitchell, et n’a pas caché son intention de redorer son blason fortement terni dans le monde arabo-musulman.
Netanyahu, qui a été chargé vendredi dernier par Shimon Peres de former le prochain gouvernement israélien, se trouvera dans peu de temps face à deux choix aussi difficile l’un que l’autre. S’il choisit de contenter Washington, il perdra le soutien de Lieberman et des religieux et son gouvernement s’effondrera, et s’il choisit de maintenir l’unité de son gouvernement en poursuivant la colonisation et en refusant toute espèce de négociations avec les Palestiniens, il s’aliènera la nouvelle administration américaine avec laquelle il entrera inéluctablement en confrontation.
Mais ce ne sont pas les seules difficultés qui pointent à l’horizon des relations israélo-américaines. La question iranienne risque de devenir une vraie pomme de discorde entre les Etats-Unis et Israël parce que là aussi les divergences d’intérêts entre Washington et Tel-Aviv sont devenues flagrantes.
Avant le départ de George Bush, Israël et l’AIPAC avaient désespérément tenté de le convaincre de faire le travail à leur place en ordonnant à l’armée américaine de bombarder les installations nucléaires iraniennes. Essuyant un refus, Israël avait alors demandé des « buster-bombs » (bombes anti-béton), un avion ravitailleur et une autorisation de survoler l’espace irakien. Cette fois, c’est Robert Gates, le chef du Pentagone qui s’est opposé avec virulence à ces demandes, selon le dernier livre du journaliste du New York Times, David Sanger, intitulé « Inheritance » (Héritage). Le refus de Robert Gates s’expliquait bien sûr par la peur de voir les bombardements israéliens en Iran transformer à nouveau l’Irak en enfer pour les troupes américaines.
Dès sa prise de fonction, Obama a insisté sur sa disposition à négocier avec l’Iran en vue de normaliser les relations entre les deux pays fortement dégradées par trente ans de tension continue. Ce nouveau langage américain ne plaît pas à Israël, cela va de soi, et met sans doute mal à l’aise Benyamin Netanyahu pour qui l’Iran est « une menace existentielle pour Israël » et « le principal défi pour les dirigeants du XXIe siècle ». Dans une allocution prononcée vendredi devant le président israélien Peres après avoir été formellement chargé de former un gouvernement, Netanyahu a affirmé que l’Iran sera « à la tête des priorités » de son gouvernement. Inquiétant et significatif à la fois, Netanyahu n’a pas prononcé le mot « palestinien » et n’a pas fait la moindre allusion au conflit israélo-arabe, tellement il était obsédé par « le danger iranien ».
Le problème pour le prochain gouvernement israélien est que Washington semble prendre conscience de jour en jour de la nécessité de normaliser ses relations avec Téhéran. Avant, le principal souci américain était la stabilisation de l’Irak Maintenant le principal souci de Washington s’est déplacé un peu plus à l’est et concerne désormais l’Afghanistan et le Pakistan, deux problèmes si étroitement entremêlés que l’administration Obama a unifiés sous le vocable « AfPak ».
Pour stabiliser l’« AfPak », la coopération de l’Iran, pays frontalier de l’Afghanistan et du Pakistan, est indispensable. La nouvelle équipe au gouvernement à Washington est de plus en plus convaincue de cette réalité que l’administration Bush avait si imprudemment ignorée pendant huit ans. Au cours de sa visite la semaine dernière à Kaboul, l’émissaire américain Richard Holbrooke a affirmé qu’ « il est absolument clair que l’Iran joue un rôle important en Afghanistan ». Il est allé jusqu’à qualifier ce rôle de « légitime ».
Avant lui, John Brennan, le conseiller d’Obama pour la lutte anti-terroriste, a défendu l’idée que « la coopération de l’Iran rendrait l’effort américain de stabiliser la région et de défaire Al Qaida nettement plus facile. »
Il est clair que l’administration Obama et le gouvernement ultra que Netanyahu s’apprête à mettre en place ne seront pas sur la même longueur d’onde et ne parleront pas le même langage ni en ce qui concerne la question palestinienne, ni en ce qui concerne la question iranienne. Sauf miracle, leur confrontation est donc inéluctable.

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Bonjour,
Lecteur régulier de vos papiers sur "La Presse", je les trouve trés pertinents, bien documentés et argumentés. J'ai remarqué cependant, que souvent, vous omettez dans vos analyses d'inclure un volet trés important: la responsabilité et l'incapacité des dirigeants arabes.Est ce un choix de votre part ou c'est la politique du journal?
En vous lisant, on a l'impression que la solution des problèmes que vous évoquez réside dans la volonté politiques des dirigeants américains,israéliens ou autres. Ce qui serait naïf. Ces dirigeants défendent l'interêt de leurs pays de leurs peuples. C'est aux dirigeants arabes de défendre les leurs.Force est de constater que ces derniers, ils le font trés mal.
J'espère vous voir, dans la mesure du possible, inclure cette dimension dans vos prochains articles.

10:18 AM  

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