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Tuesday, February 10, 2009

De père en fils

Quelques jours avant la guerre destructrice lancée contre Gaza, le patron du Shin Beth (sécurité intérieure israélienne), Yuval Diskin, informait le gouvernement israélien que «le Hamas serait prêt à reconduire la trêve si Israël levait le blocus de Gaza et déclarait un cessez-le-feu en Cisjordanie».
De son côté, l’ancien chef du Mossad, Ephraim Halevy, expliquait au même gouvernement que «le Hamas suivrait un chemin qui l’éloignerait de ses objectifs initiaux, si seulement Israël s’engageait dans la voie du compromis. Cela affaiblirait les extrémistes comme Ben Laden et Ahmadinejad et faciliterait la constitution d’alliances internationales».
Le 27 décembre dernier, le gouvernement israélien s’était assis sur les avis du Shin Beth et du Mossad et avait choisi d’engager la guerre la plus destructrice et la plus violente depuis 1967. Et ce gouvernement qui n’a pas hésité à massacrer des centaines d’enfants, de femmes et de vieillards et à faire des dizaines de milliers de sans-abri en plein hiver, va probablement être remercié aujourd’hui par les électeurs israéliens qui, dans leur majorité, estiment que ce qui a été fait à Gaza «n’est pas assez».
Le citoyen israélien ordinaire n’a ni les données ni la capacité d’analyse nécessaires pour pouvoir dire si c’est assez ou pas. Ce sont les politiciens extrémistes, genre Benyamin Netanyahu, qui, à coups de discours démagogiques, enflamment les électeurs et les poussent à répéter des absurdités du genre, ce qu’a subi Gaza pendant trois semaines de bombardements intensifs «n’est pas assez». Précisément, cette idée a été suggérée aux électeurs par Benyamin Netanyahu qui n’a pas cessé de crier sur les toits que «le problème avec la guerre de Gaza est que l’armée n’a pas été jusqu’au bout».
Le problème avec Netanyahu est qu’il risque de devenir, ou plutôt redevenir, dès ce soir Premier ministre d’Israël avec toutes les conséquences catastrophiques qu’engendrerait sa politique vis-à-vis des Palestiniens en particulier et des Arabes en général. Il s’était fait élire en 1996 (avec l’aide des attentats-suicide perpétrés par le Hamas), et avait parfaitement réussi à étouffer tous les espoirs qu’avait fait naître la signature des accords d’Oslo par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin le 13 septembre 1993.
Netanyahu n’a pas découvert l’extrémisme le jour où il a mis les pieds dans l’arène politique israélienne, mais il lui a été instillé dès son jeune âge par son père, Benzion Netanyahu. Benzion Netanyahu était l’un de ces illuminés juifs qui, dès son débarquement en Palestine, alors sous mandat britannique, s’en était pris à «la naïveté» et à «l’idéalisme» de ses coreligionnaires qui s’apprêtaient à partager «la terre biblique d’Israël» avec les Arabes. Pour le père Netanyahu, les Juifs ne devraient pas seulement se contenter de l’espace situé entre la Méditerranée et le Jourdain. Ils devraient aussi y inclure l’actuel territoire jordanien…
Spécialiste de l’histoire du Moyen-Age et collaborateur de Vladimir Jabotinsky, le théoricien le plus extrémiste du sionisme, Benzion Netanyahu résumait l’histoire de l’humanité en une «série de génocides antisémites». Pour lui, quiconque s’oppose au projet sioniste tel que conçu par son patron Jabotinsky, est un antisémite et un génocidaire en puissance.
Voici donc le genre de soupe intellectuelle qui a été servie à Benyamin Netanyahu pendant son enfance et qui a continué à le nourrir pendant l’adolescence et à lui servir de référence dans les combats politiques qu’il menait depuis le début des années 1980, quand il a fait son entrée pour la première fois à la Knesset.
Dès lors, il n’est guère étonnant d’entendre Benyamin Netanyahu comparer les compromis avec les Palestiniens à «des compromis avec les Nazis»; de l’entendre refuser aux Palestiniens tout droit de partager la terre qu’«ils ont volée en 636» (date de la conquête de Jérusalem par les Arabes); de l’entendre traiter de «traître» Yitzhak Rabin parce qu’il a signé les accords d’Oslo, ce qui a amené la foule fanatisée qui l’écoutait à demander la tête de Rabin et la veuve de celui-ci d’accuser Netanyahu de l’assassinat de son mari.
Voici donc le genre de personnages que les Israéliens pourraient avoir la stupidité d’élire comme leur Premier ministre. S’ils le faisaient, cela veut dire qu’ils acceptent son programme politique qui se résume à une série de «non». Non au dialogue avec les Palestiniens, non au dialogue avec les Syriens, non à l’arrêt de la colonisation de la Cisjordanie, non au partage de Jérusalem, en un mot, non à un quelconque compromis avec les Arabes.
Netanyahu a été déjà élu en 1996. Il a été si inflexible, si rigide et si arrogant que même les Américains, pourtant si complaisants envers les dirigeants israéliens, ne voulaient plus avoir affaire à lui. Bill Clinton, alors locataire de la Maison-Blanche, parlait de lui en ces termes : «Netanyahu pensait être la superpuissance et nous étions là pour accomplir ce qu’il exigeait de nous».
S’il est élu encore une fois aujourd’hui, on peut prédire, sans risque d’erreur, que Barack Obama et son émissaire dans la région, George Mitchell, ne mettront pas longtemps pour s’apercevoir qu’ils sont face à un fanatique intraitable et qu’ils commenceront très tôt à scruter l’horizon israélien pour voir si de nouvelles élections anticipées se profilent déjà.

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