airelibre

Wednesday, February 11, 2009

Tourner en rond pour ne pas avancer

Encore une fois, nous avons assisté au carnaval des élections israéliennes qui, comme les précédentes, vont aboutir à la constitution d’un gouvernement forcément instable qui chutera sans doute avant terme, compte tenu du fractionnement politique extrême de la société israélienne. Les électeurs israéliens seront alors invités dans quelques temps à de nouvelles élections anticipées et le monde invité à assister à un nouveau carnaval. On ne sait pas si les Israéliens le font exprès, mais, en revanche, tout le monde sait avec certitude que le moyen le plus sûr de ne pas avancer d’un iota, c’est de tourner en rond.
Le fractionnement de la société israélienne et l’instabilité gouvernementale endémique qui la caractérise ne déplaisent pas forcément à une classe politique tétanisée par la peur de la paix et incapable de produire un seul dirigeant charismatique et courageux qui sortirait le pays de l’impasse dans laquelle il ne cesse de s’enfoncer depuis sa création en 1948. A ce niveau, un gouvernement instable est un atout inespéré pour des politiciens qui ne veulent ou ne peuvent prendre aucune décision stratégique dans l’intérêt de leur pays et dont la compétition rituelle dans les carnavals électoraux ne vise en dernière analyse que la gestion des affaires courantes, l’extension des colonies étant devenue, cela va sans dire, une composante principale de ces affaires courantes et routinières.
Cette fois-ci, les électeurs israéliens n’ont pas changé de comportement dans le fond, mais ont compliqué un peu plus les choses en virant un peu plus à droite. Ils se sont assurés un gouvernement qui, tout en tournant en rond, tentera de dresser encore plus d’obstacles sur le chemin de la paix et de couper le peu d’herbe qui reste sous les pieds des partisans de la paix en Israël et dans le monde arabe.
En donnant au Likoud de Benyamin Netanyahu presque autant de sièges qu’à Kadima de Tzipi Livni, les électeurs israéliens ont permis à celui-là d’être en mesure de former un gouvernement avec l’aide des partis d’extrême droite. En tirant le parti raciste ‘Yisrael Beitenou’ de sa position marginale à celle de troisième parti du pays, les électeurs israéliens ont permis à son dirigeant Avigdor Lieberman, disciple du rabbin fasciste Meir Kahane, d’occuper la position de « faiseur de rois », c'est-à-dire de celui qui décide réellement qui sera Premier ministre.
La loi israélienne prévoit que le président d’Israël, Shimon Peres, désigne un Premier ministre et le charge de former un gouvernement. Etant donné que ni Netanyahu ni Livni n’ont une majorité indiscutable, Peres est obligé de sonder tous les membres élus du Knesset pour savoir qui ils préfèrent, et il nommera celui ou celle qui a la préférence de la majorité des députés. C’est ici qu’intervient Avigdor Lieberman dans le rôle de « faiseur de rois ». En tant que chef du troisième parti du pays, c’est lui et lui seul qui décidera avec qui il s’alliera pour former un gouvernement. Et dans son discours post électoral, il n’a pas caché sa préférence. « Notre cœur penche à droite » a-t-il dit à ses partisans, ce qui veut dire que Netanyahu sera le prochain Premier ministre.
Il n’est pas nouveau pour le poste évidemment. Il l’a occupé entre 1996 et 1999 à un moment où son sort ne dépendait pas d’un parti plus à droite que le sien. Aujourd’hui, quand il négociera la distribution des portefeuilles ministériels avec Lieberman, Netanyahu a une marge de manœuvre limitée par le fait même qu’il doit son poste à cet émigré moldave qui, jusqu’à l’âge de 20 ans, ne connaissait pas Israël et ne parlait pas un mot d’hébreu…
Mais Netanyahu a-t-il besoin de plus extrémiste que lui pour le pousser à plus d’intransigeance ? Son comportement de politicien irresponsable à la tête du gouvernement israélien à la fin des années 1990, a laissé des souvenirs amers chez tous ceux qui ont eu à négocier avec lui, les Palestiniens bien sûr, mais aussi les Américains. Bill Clinton, qui en sait quelque chose, ne manquerait sûrement pas de briefer sa femme sur le personnage et l’avertir qu’elle aura, en tant que secrétaire d’Etat, des moments difficiles à passer au contact de ce personnage buté qui « se prenait pour une super-puissance », selon les termes de Bill Clinton lui-même.
Le plus grand perdant de ces élections est incontestablement Ehud Barak, chef du parti travailliste et ministre de la défense. Avant le déclenchement des atrocités contre Gaza le 27 décembre dernier, Barak savait pertinemment que la position de sa formation politique en tant que troisième parti du pays était fortement menacée par le développement de parti extrémiste d’Avigdor Lieberman, ‘Yisrael Beitenou’.
Beaucoup de commentateurs israéliens et internationaux ont attribué la violence excessive de l’armée israélienne contre les civils palestiniens, entre autres, au désir du ministre de la défense, Ehud Barak, de séduire les électeurs israéliens afin qu’ils ne fassent pas subir une humiliation au parti travailliste qu’il dirige en le reléguant derrière un vulgaire parti russe. Il avait même tenté le tout pour le tout en se déchaînant contre Liberman qu’il a qualifié de « faux dur » et d’ « agneau avec des plumes de faucon ». Pire encore, il a poussé l’indécence jusqu’à poser cette question rapportée par le journal ‘Haaretz’ : « Lieberman a-t-il jamais tiré sur quelqu’un ? »
Comment comprendre cette question autrement que comme un clin d’œil de Barak aux électeurs israéliens signifiant que Lieberman n’a jamais tué un seul Arabe et que lui Barak en a tué des milliers ? Et pas plus tard que le mois dernier, il s’était déchaîné contre les civils désarmés à coups de missiles tirés par les F-16 et d’obus tirés par les tanks Merkava. Il a fait couler le sang de centaines d’enfants palestiniens dans l’espoir de voir son parti garder sa troisième place. Pour paraphraser Churchill, Ehud Barak a cherché la victoire et la gloire, il a eu la défaite et la honte.

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