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Wednesday, December 10, 2008

Ultimes manipulations

Huit ans de présidence désastreuse de George W. Bush ne lui ont visiblement rien appris. Il a commencé sa présidence avec une série de déformations de la réalité et de manipulations pour servir ses objectifs inavoués, et il termine son double mandat en ayant recours aux mêmes procédés dans une vaine tentative de se laver de toute responsabilité des désastres que sa politique a fait subir au monde en général, et à son pays et à l’Irak en particulier.
Lundi 1er décembre, le bientôt-ex-président des Etats-Unis était interviewé sur la chaîne américaine ABC par le journaliste Charlie Gibson. Il était inévitable que certaines questions portassent sur la décision la plus dommageable de sa présidence : la guerre contre l’Irak. « J’aurais souhaité que les renseignements (relatifs aux armes de destruction massive irakiennes) fussent différents », a affirmé le président américain en prenant soin d’afficher l’air de celui qui fut victime d’une grande manipulation de la part des services de renseignement. Quelqu’un qui n’est au courant de rien aurait pu croire que ce président s’était trouvé dans une situation où il n’avait guère le choix que de prendre une décision qui n’était ni prévue ni désirable par la Maison blanche…
Le « souhait » exprimé par George W. Bush sur ABC comporte une double tentative de manipulation. Il a essayé de faire croire d’abord qu’il était un receveur passif de renseignements qui, en se révélant faux, l’ont induit en erreur et l’ont poussé à prendre une mauvaise décision en toute bonne foi. D’autre part, il a tenté de faire passer comme une évidence que les armes de destruction massive irakiennes étaient le casus belli qui avait ouvert la voie à l’invasion de l’Irak.
La problème pour le bientôt-ex-président américain est que tout le monde est au courant des détails et des circonstances dans lesquelles son administration a exploité les dramatiques attentats du 11 septembre pour déclencher la guerre contre l’Irak dont le projet, antérieur à ces attentats, était l’une des priorités stratégiques des néo-conservateurs.
Tout le monde sait que le président George W. Bush, le vice-président Dick Cheney et l’ancien secrétaire à la défense Donald Rumsfeld n’étaient pas des consommateurs passifs de renseignements en provenance de la CIA ou de la DIA, loin de là. Ils n’ont jamais caché aux responsables de la CIA le genre de renseignements qu’ils désiraient recevoir. Ils ne prenaient en compte aucune information qui doutait de la présence des armes de destruction massive en Irak, et faisaient grand cas des informations fantaisistes qui accablaient le régime de Saddam Hussein.
Tout le monde sait que la CIA était massivement présente en Irak parmi les milliers d’employés de l’ONU qui avaient sillonné le pays quotidiennement entre 1991 et 1998, et par conséquent, cette Agence savait parfaitement la quantité et la nature exactes des armements irakiens détruits par les inspecteurs de l’ONU. La CIA ne pouvait ignorer non plus que l’Irak de Saddam Hussein ne disposait au début du millénaire ni des moyens humains ni des moyens matériels pour refabriquer ce qui avait été détruit.
Pourtant, George Tenet, l’ancien patron de la CIA avait fourni en 2002 un rapport à l’exécutif américain contenant des renseignements effrayants, suggérant que Saddam Hussein était massivement armé et qu’il s’apprêtait à mettre le monde à feu et à sang. Ces informations n’étaient pas conformes à la réalité, comme on a pu en avoir amplement la preuve, mais conformes plutôt aux désirs de trio Bush-Cheney-Rumsfeld. Dans les mois précédant la guerre, Cheney avait fait pas moins de huit déplacements au siège de la CIA à Langley. Ce n’était sûrement pas pour le simple plaisir de siroter un café avec George Tenet.
Mais dans son ultime tentative de manipulation, George Bush a essayé de nous faire croire que le but de la guerre était les armes de destruction massive. Faux. Celles-ci n’étaient que le prétexte que la CIA était forcée de fournir. Le vrai objectif de la guerre était de créer une immense base militaro-pétrolière en Irak qui serait mise au service des intérêts économiques et stratégiques américains tels que se les représentaient les néo-conservateurs. George Tenet, celui-là même qui avait fourni le prétexte à George Bush, avait affirmé en avril dernier au journaliste Scott Pelley au cours de l’émission télévisée « 60 Minutes » qu’au lendemain des attaques du 11 septembre la Maison blanche avait commencé à utiliser la tragédie pour justifier ce qu’elle avait déjà planifié pour l’Irak. Tenet avait rapporté au cours de l’émission ce que lui avait dit Richard Perle, alors conseiller au Pentagone, le 12 septembre 2001 : « L’Irak doit payer le prix de ce qui est arrivé hier. Ils assument la responsabilité. » Sans parler de Rumsfeld qui, alors qu’une aile du Pentagone était encore en feu le 11 septembre, affirmait sans ambages qu’ « il n’y avait rien à bombarder en Afghanistan » et que les « vraies cibles » se trouvaient en Irak.
Deux ou trois jours après George Bush, Condoleezza Rice entra dans la danse en regrettant de son côté que les « renseignements sur l’Irak fussent faux ». Cette ultime tentative de manipulation par la secrétaire d’Etat fait surgir de mauvais souvenirs. Son regret actuel ne devrait pas être plus crédible que sa mise en garde lancée en 2002 quand elle avait affirmé que « la preuve des armes de destruction massive risque de prendre la forme d’un champignon », un clin d’œil manipulatoire à l’arme nucléaire destiné à affaiblir l’opposition universelle à la guerre.
Trois semaines avant leur départ, Bush et son équipe s’efforcent de convaincre les Américains qu’ils leur laissent un « meilleur Moyen-Orient » puisque « le dictateur Saddam était renversé » et que l’Irak est désormais « démocratique ». Nul ne nie que Saddam était un dictateur impitoyable, mais il faut une bonne dose de mauvaise foi pour pouvoir dire que le monde était devenu plus sûr après son renversement. La vérité est que le monde est devenu nettement plus dangereux depuis que George Bush a commencé, au lendemain des attentats du 11 septembre, à déstabiliser le système international en remplaçant le règne du droit par le règne de la force brutale.

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