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Tuesday, December 02, 2008

Inde-Pakistan: l'intérêt des extrémistes et celui des Etats

Les « fuites » parvenues à la presse concernant l’interrogatoire de Azam Amir Qasab, seul terroriste capturé vivant, vous font dresser les cheveux sur la tête. D’après ces révélations, les terroristes et ceux qui les ont entraînés et envoyés à Mumbai (l’ancienne Bombay) avaient espéré « tuer jusqu’à 5000 personnes »…2000 de plus que les attentas du 11 septembre 2001.
C’est à croire qu’il y a une sorte de compétition macabre entre les différents groupes terroristes à qui tue le plus d’innocents. Une preuve irréfutable de cette course terrifiante au massacre d’innocents est le choix de la gare de Mumbai comme première cible. Les terroristes savaient qu’au moment de leur attaque, des milliers de voyageurs devaient être massées sur les quais et attendaient les trains de banlieues et des grandes lignes. En ouvrant le feu à l’arme automatique sur des milliers de personnes massées sur des endroits aussi étroits que les quais d’une gare, donne une grande crédibilité à l’information arrachée à Azam Amir Qasam que lui et ses amis étaient venus à Mumbai pour « tuer jusqu’à 5000 personnes ».
Toujours d’après des sources indiennes, le terroriste survivant interrogé par les enquêteurs hindous a affirmé que lui et ses amis, tous pakistanais, faisaient partie de l’organisation terroriste « Lashkar-e-taiba » (l’armée des pieux), et étaient entraînés dans ses camps au Cachemire. Cette organisation était créée en 1981 par Hafiz Mohammad Saeed dans la province du Kunar en Afghanistan pour lutter contre le régime communiste qui régnait alors à Kabul. Au fil des ans, elle a développé des liens très étroits avec Al Qaida et les talibans. Quand « Lashkar-e-taiba » a déménagé au Cachemire pour s’engager dans « la guerre de libération » de la province que se disputent l’Inde et le Pakistan, elle a bénéficié de l’aide d’Al Qaida et des talibans pour « services rendus » en Afghanistan.
La guerre de libération a ses règles et son éthique. Quand celles-ci sont respectées, les guérilleros ou l’armée de libération bénéficient souvent du respect et de l’aide de l’opinion internationale. Il se trouve que, par fanatisme idéologique ou par inadéquation entre l’objectif tracé et les moyens mis en œuvre pour le réaliser, « Lashkar-e-taiba » a déraillé pour sombrer dans le terrorisme aveugle et contre productif. On voit mal en quoi les innombrables opérations terroristes menées par cette organisation en Inde pourraient aider à « la libération » du Cachemire. L’organisation est devenue dangereuse pour le Pakistan, et même pour le monde, puisqu’elle a failli déclencher une guerre entre deux pays détenteurs de l’arme nucléaire après l’attaque perpétrée contre le parlement indien à New Delhi en 2001.
Il est hautement improbable que l’un ou l’autre des dix terroristes envoyés à Mumbai pour y semer la mort et le destruction aient la moindre idée ou puissent donner la moindre justification rationnelle de leur action insensée. Leur jeune âge (le terroriste capturé a 21 ans) prouve amplement que, comme les jeunes suicidaires en Irak et en Afghanistan, les terroristes de Mumbai ont subi un lavage de cerveau destiné à les fanatiser, les débarrasser de toute lucidité et de tout esprit critique et de les transformer en monstres avant de les envoyer perpétrer leur effroyable crime.
Mais ce n’est pas le cas des chefs de « Lashkar-e-taiba » qui, eux, devraient avoir une idée derrière la tête. Il est difficile de croire que Maulana Abdelwahid kashmiri, le commandant militaire de l’organisation terroriste, ou son chef spirituel, Hafiz Mohammad Saeed, aient envoyé les dix jeunes terroristes à Mumbai pour le simple plaisir pervers de voir le sang d’innocents couler à flot.
Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, les Etats-Unis n’ont pas arrêté d’exercer de fortes pressions sur les gouvernements pakistanais successifs pour qu’ils jugulent le terrorisme dans leur pays avec ses trois principales composantes : la variante pakistanaise des talibans au Waziristan, « Lashkar-e-taiba » et « Jaish Mohammad » au Cachemire. Les pressions américaines que le gouvernement pakistanais ne pouvait ignorer sont un élément déterminant dans la dégradation des rapports entre l’Etat et les groupes terroristes pakistanais. Cette dégradation a atteint son apogée en septembre dernier avec l’attaque dévastatrice de l’hôtel « Marriot » à Islamabad, un établissement de luxe où se relaxaient les riches étrangers et l’élite pakistanaise. L’attaque qui porte la marque de « Lashkar-e-taiba » indique que rien ne va plus entre l’organisation terroriste et l’Etat pakistanais qui l’a soutenue pendant de longues années.
Celle-la reproche à celui-ci à la fois sa soumission aux pressions américaines et son ouverture vers l’Inde avec qui un processus de paix était déjà engagé. Le second grief surtout est intolérable pour une organisation comme « Lashkar-e-taiba » qui ne conçoit son existence que par opposition à l’Inde. De là à penser que ses chefs ont préparé le « coup » de Mumbai pour mettre fin à cette ouverture, il n’y a qu’un pas que beaucoup de commentateurs ont franchi.
Cette hypothèse est loin d’être absurde. Le groupe terroriste basé au Cachemire a une idéologie basée sur une « inimitié éternelle » avec l’Inde. Par conséquent, il a dû voir forcément d’un très mauvais œil les récentes déclarations du président pakistanais Asif Ali Zardari relatives à l’Inde qualifiée d’ « amie qui n’a jamais menacé le Pakistan », traitant au passage « Lashkar-e-taiba » d’ « organisation terroriste ».
Perpétrées par la même organisation terroriste, l’attentat contre le « Mariott » et les attaques contre Mumbai font partie d’un projet global consistant à semer le chaos au Pakistan et en Inde et maintenir ces deux pays dans un état de suspicion et de méfiance permanentes. Le drame est que, après avoir réussi ses attentats à Islamabad et à Mumbai, « Lashkar-e-taiba » est en train d’engranger les bénéfices politiques au fur et à mesure que la tension croît entre l’Inde et le Pakistan.
Comme tous les extrêmes se rejoignent, les attentats de Mumbai sont un pain béni pour les organisations terroristes hindoues, telle « Abinav Bharat », responsables d’attaques mortelles contre les musulmans et les chrétiens, puisqu’elles aussi ne conçoivent leur existence que par opposition au Pakistan, et donc voient d’un très mauvais œil l’amélioration des relations indo-pakistanaises. Par conséquent, les organisations extrémistes des deux côtés de la frontière qui se vouent une haine implacable ont un intérêt commun à ce que les rapports indo-pakistanais soient imprégnés par une tension permanente.
Les pouvoirs en place à New Delhi et à Islamabad ont aussi un intérêt commun qui consiste à éloigner le spectre de la guerre et à promouvoir une coopération mutuellement bénéfique. Et un tel intérêt ne peut se réaliser tant que les extrémistes des deux côtés ont pignon sur rue et disposent de l’armement et des moyens logistiques par lesquels ils continuent de dérailler toute tentative de normalisation indo-pakistanaise.

2 Comments:

Blogger khayati said...

Bon papier. Merci H'mida

8:00 PM  
Blogger Unknown said...

comme vous le dites dans beaucoup de vos articles,le terrorisme est le rejeton naturel de la trop grande inégalité entre deux mondes que tout sépare.Nous le vivons de plus en plus et il est temps que le monde d'en haut en prenne conscience.

11:15 AM  

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