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Saturday, December 13, 2008

Mme Livni et le grand paradoxe

Tzipi Livni, une ancienne du Mossad, a fait irruption sur la scène politique israélienne avec l’idée d’occuper la seconde place que l’histoire d’Israël réserve aux femmes, la première étant occupée par Golda Meir. Cette dernière, rappelons-le, était Premier ministre pendant la guerre israélo-arabe de 1967 et, jusqu’à sa mort, elle avait obstinément nié l’existence même du peuple palestinien. Elle désignait les Palestiniens comme « des gens qui occupent Judée et Samarie (Cisjordanie) et dont le pays se trouve de l’autre côté du Jourdain. »
Ayant Golda Meir pour idéal, Tzipi Livni est en train de mener un combat politique dans l’espoir de lui succéder au poste de Premier ministre et de devenir ainsi la seconde femme à occuper ce poste en Israël. Après la mort clinique d’Ariel Sharon et la démission d’Ehud Olmert du poste de chef du parti Kadima, la voie était ouverte à Mme Livni pour jouer les premiers rôles sur la scène politique israélienne. Sa courte victoire pendant l’élection du chef du parti Kadima a fait d’elle une prétendante sérieuse au poste de Premier ministre, et elle le serait sans doute si elle gagnait les élections législatives anticipées du 10 février prochain.
Ayant en tête l’idée de devenir la seconde femme à occuper le poste de Premier ministre, Mme Livni est en train de faire flèche de tout bois pour arriver à ses fins. Elle a deux sérieux rivaux, Benyamin Netanyahu et Ehud Barack. Pour vaincre ces deux poids lourds de la politique israélienne, elle ne recule devant rien et n’éprouve visiblement aucune gêne à inclure dans sa stratégie électorale les idées les plus saugrenues.
La scène se passait jeudi dernier dans un lycée de Tel Aviv. Au cours de son face-à-face avec les lycéens, Mme Livni a affirmé : « Une fois un Etat palestinien établi, je peux aller vers les citoyens palestiniens, que nous appelons les Arabes d’Israël, et leur dire ‘vous êtes des citoyens avec des droits égaux, mais la solution nationale pour vous se trouve ailleurs’ ». Cette fois, l’idée est exprimée avec plus de clarté que le mois dernier quand Mme Livni a provoqué un tollé parmi les députés arabes israéliens après avoir affirmé que « les choses doivent être claires pour tout le monde : l’Etat d’Israël est le foyer national du peuple juif. »
Selon Mme Livni, ne peuvent vivre dans l’Etat d’Israël que les quatre cinquièmes de la population actuelle. Les Arabes israéliens qui constituent le un cinquième de la population, et bien que, toujours selon Tzipi Livni, ils jouissent de l’ « égalité des droits », ils doivent penser dès maintenant à préparer leur exode et suivre les traces des 700.000 Palestiniens qui, plus de 60 ans auparavant, avaient fui les attaques meurtrières des organisations terroristes juives, Irgoun et Stern notamment, et dont l’un des chefs était justement le propre père de Mme Livni…
Tout d’abord, et contrairement à ce que prétend Tzipi Livni, les Arabes israéliens ne jouissent d’aucune égalité des droits. Ils souffrent d’une discrimination qui les frappe pratiquement sur tous les plans : le travail, le logement, l’éducation, les salaires, la sécurité sociale etc. Les postes que cette dame a occupés au Mossad et dans les structures étatiques israéliennes lui permettaient sans aucun doute de connaître dans les moindres détails la honteuse discrimination dont sont victimes les Arabes israéliens. Par conséquent, quand elle leur dit « vous êtes des citoyens avec des droits égaux », elle se livre à un exercice de pure démagogie électoraliste.
Mais le plus grave est ailleurs. Il est dans cette invitation lancée à un million et demi de personnes à se préparer à quitter leur terre sur laquelle ils vivaient de génération en génération depuis des siècles. Si l’on suit la logique de Mme Livni, les juifs éthiopiens, américains, argentins, et même les Russes avec de faux certificats de judaïté émigrés en Israël ou établis dans les colonies de Cisjordanie depuis quelques années ont tous les droits sur la terre palestinienne. En revanche, ceux dont les ancêtres y vivaient depuis des siècles, doivent se préparer à aller grossir les rangs des réfugiés de 1948 et de 1967 qui, depuis 60 ans pour les uns et 40 ans pour les autres, croupissent dans des camps de réfugiés dépourvus des éléments essentiels nécessaires à la vie et la dignité humaines.
On ne sait pas si c’est un calcul cynique ou si c’est un pur hasard, mais Mme Livni a annoncé son projet pour ses concitoyens arabes à un moment où le monde fête le 60eme anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et les Palestiniens commémorent le 60eme anniversaire de la Nakba qui a vu la transformation de centaines de milliers d’entre eux en réfugiés.
Le grand paradoxe de notre temps est que la Déclaration universelle des droits de l’homme et le statut de réfugiés d’une grande partie du peuple palestinien sont nés la même année et ont coexisté pendant 60 ans, la première s’étant révélée entièrement impuissante à secourir ces réfugiés du piège infernal qui s’est refermé sur eux. Se confiant récemment au quotidien libanais « The Daily Star », Karen Abuzayd, commissaire général de l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees) a tout dit en une phrase : « Des 28 droits humains fondamentaux contenus dans la Déclaration universelle, pas un seul n’est appliqué dans les territoires palestiniens occupés, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. »
On souhaitait un De Gaulle à la tête du gouvernement israélien, on risque fort de se trouver avec une ancienne espionne qui, loin de chercher à appliquer un ou deux articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme, compte apporter sa propre solution au grand paradoxe en multipliant par deux le nombre des réfugiés et par dix le nombre des obstacles à la paix israélo-arabe.

1 Comments:

Blogger Ecrits-anonymes said...

Franchement comment peut-on reprocher à la classe politique israélienne de défendre ses intérêts nationaux et vitaux !!!
Le roi de Jordanie ne s’est pas gêné dans les années soixante-dix pour liquider les camps et la résistance palestinienne et que je sache ce roi était arabe et musulman (pour couronner le tout, il paraît même qu’il est un descendant du prophète)

Au lieu de critiquer vainement les israéliens, il aurait mieux valu s’atteler à régler les problèmes qui gangrènent le monde arabe et qui l’empêche de tenir la dragée haute à l’état sioniste.

Du temps de Haroun Al Rachid on ne se lamentait pas sur notre sort telles des vierges effarouchées on se contentait d’agir et d’envoyer des missives qui commençaient par « A Nakfour, chien des Roums, … ». Mais cela est une autre histoire.

5:50 PM  

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