airelibre

Tuesday, December 30, 2008

L'alliance des contraires

On croyait que la violence terrifiante exercée par l’armée israélienne en avril 2002 contre la ville de Jénine et sa population ne serait pas surpassée parce que, croyions-nous, elle avait atteint des sommets dans la barbarie. Une armée équipée de bombardiers, d’hélicoptères de combat et de chars d’assaut s’était férocement déchaînée contre une population armée de fusils pour quelques uns et de pierres pour la plupart. Après avoir semé la mort et la destruction à Jénine, cette armée était rentrée chez elle, « fière » de sa réputation d’ « invincibilité ». Invincible, l’armée israélienne l’est forcément dans une guerre où les bombardiers F-16 et F-18 et les tanks Merkava n’ont pour adversaires que des civils armés de pierres ou, dans le meilleur des cas, de fusils archaïques.
Depuis samedi dernier, on assiste à un déchaînement de violence contre les Palestiniens de Gaza qui, selon tous les observateurs, est d’une intensité et d’une férocité sans précédent depuis la guerre de 1967. Pire, cette nième guerre israélienne contre les Palestiniens était précédée d’une véritable mise en scène destinée à anesthésier si l’on peut dire la méfiance du Hamas dans le but macabre de faire le maximum de victimes. En effet, Israël s’était livré à une véritable campagne de désinformation en affirmant publiquement que s’il y a une décision à prendre, elle ne le sera pas avant dimanche, jour habituel de réunion du conseil des ministres israélien.
Pourquoi cette désinformation alors que la guerre était déjà programmée pour samedi, jour de repos sacré des Juifs ? C’est simple, le tout était destiné à convaincre le Hamas que la guerre n’était pas imminente, et surtout pas le « shabbat », afin que les diverses administrations dirigées par le mouvement islamistes à Gaza ne soient pas vidées, par précaution, de leurs fonctionnaires, le but des stratèges israéliens étant d’ensevelir le maximum d’entre eux sous les décombres.
Toutes proportions gardées, l’assaut féroce lancé samedi sur Gaza s’inspirait clairement de la « Blitzkrieg » des Nazis. Comment peut-il en être autrement quand on sait que les 60 avions qui ont attaqué Gaza en même temps, ont détruit cinquante cibles en trois minutes et quarante secondes exactement ?
Lancer 60 avions en même temps sur un territoire de 300 km2 ne s’explique que par un instinct criminel de faire le maximum de victimes. Mais certains observateurs estiment aussi que cette « performance », consistant à détruire cinquante cibles en trois minutes et quarante secondes, vise à « rétablir le moral et la réputation » de l’armée israélienne gravement affectés dans la guerre contre le Liban de l’été 2006.
De quelle réputation l’armée israélienne peut-elle se targuer quand ses avions bombardent depuis des années les Palestiniens dans une sécurité absolue du fait de l’absence dans le ciel de Gaza et de Cisjordanie de tout chasseur-bombardier adverse et de toute défense anti-aérienne ? De quelle invincibilité et de quelle fierté cette armée parle-t-elle quand elle lance des tanks de 60 tonnes contre des adolescents lanceurs de pierres ? Le déséquilibre des forces en présence est tel que les roquettes palestiniennes ont fait 20 morts israéliens en huit ans et les missiles « Hellfire » lancés par les F-18 israéliens ont fait 200 morts palestiniens en huit heures, sans compter les destructions à grande échelle. A l’évidence, en Israël on continue à confondre les motifs de fierté et les motifs de honte.
Gaza a déjà été transformée en enfer par le blocus inhumain imposé à sa population. Depuis des mois, un million et demi de personnes vivent dans la misère, la faim et le froid, sans parler de l’absence d’électricité et d’eau courante. A cette situation catastrophique, Israël a choisi d’ajouter la guerre.
Le but officiel de cette guerre est de faire cesser le lancement de roquettes sur le territoire israélien. En fait, les roquettes Al Qassam sont plus un prétexte qu’un Casus belli. La plupart de ces roquettes ne font pas de mal à une mouche et certains tombent carrément sur la tête des Palestiniens. Israël aurait pu s’en accommoder donc du fait de leur inefficacité notoire. Certains évoquent des motivations électoralistes et la volonté des dirigeants actuels de barrer la route à Benyamin Netanyahu que les sondages donnent gagnant dans les prochaines élections du 10 février. Si cette considération n’est pas entièrement absente de l’esprit des deux Ehud (Olmert et Barak) et de Tzipi Livni, il est difficile de croire que, même s’ils ne se distinguent pas par une intelligence politique particulière, ces dirigeants puissent déclencher une guerre sur la base de simples sondages.
La vraie motivation de cette enième guerre israélienne se trouve ailleurs. Depuis la guerre de 1967 et l’occupation des territoires, Israël a toujours eu besoin de diaboliser un dirigeant ou un courant politique palestinien pour donner matière à sa campagne permanente de désinformation consistant à convaincre les grandes puissances en répétant jusqu’à la nausée la vieille chanson que tout le monde a déjà appris par cœur : les Palestiniens sont des terroristes qui veulent la mort de la fragile et gentille démocratie israélienne.
Yasser Arafat et l’OLP ont servi pendant des années de cibles parfaites pour la machine de propagande israélienne. Et le jour où ils ont accepté de négocier avec Israël, ils sont devenus inutiles pour les propagandistes israéliens, et même dangereux dans la mesure où les négociations mettent Israël en danger de paix.
Depuis les accords d’Oslo de 1993, l’intérêt d’Israël s’est porté sur le Hamas précisément parce que ce mouvement a refusé ces accords, refuse toujours de reconnaître Israël et ses démagogues continuent de claironner leur objectif de « libérer la Palestine de la rivière à la mer ». En ces temps de flexibilité arabe et palestinienne où se multiplient les initiatives de paix, le Hamas est l’oiseau rare que cherche Israël.
Le bras de fer sanglant entre Israël et le Hamas a toutes les caractéristiques d’une alliance involontaire des contraires qui oeuvrent chacun à sa manière de perpétuer un état de tension qui les arrange tous les deux. Car, il faut bien le dire, Israël et le Hamas ont le même intérêt à ce que les processus de paix n’aboutissent pas. L’un pour n’avoir jamais à affronter l’immense problème de décolonisation de la Cisjordanie, et l’autre pour attendre le miracle par lequel la Palestine sera libérée de la rivière à la mer.

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