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Friday, December 19, 2008

La réalité et le fantasme

Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, a fait au début de cette semaine un voyage, préparé secrètement bien sûr, en Irak où il a discuté avec les autorités irakiennes à Bagdad et rencontré les troupes britanniques à Basra. A cette occasion, il a annoncé une série de décisions : la mission britannique en Irak se terminera le 31 mai 2009 ; le dernier soldat britannique quittera l’Irak le 31 juillet de la même année ; 200 à 300 instructeurs militaires resteront « pour aider le gouvernement irakien ». M. Brown a rendu hommage aux 178 soldats britanniques qui ont perdu leur vie en Irak, oubliant que la guerre au déclenchement de laquelle il n’était pas totalement innocent en tant que bras droit de Tony Blair, a fait des centaines de milliers de morts irakiens, un million même selon certaines estimations.
Il est extrêmement étonnant que dans une grande démocratie comme la Grande Bretagne, la décision désastreuse de Tony Blair d’enter en guerre contre l’Irak sur la base de mensonges, de tromperie et de manipulation de l’opinion publique ne soit soumise à aucune enquête sérieuse pour déterminer les responsabilités et traîner en justice les coupables.
Admettons que pour cause de suffisance de grande puissance et d’indifférence de l’opinion publique, le malheur des Irakiens ne soit pas une raison suffisante pour traîner les responsables de la guerre en justice. Et les dommages subis par la Grande Bretagne ?
Le dommage moral tout d’abord est considérable. Un pays qui décide d’entrer en guerre sans raison contre un autre, le détruit et transforme la vie de ses habitants en enfer ne peut plus prétendre au respect de l’opinion publique internationale et traînera l’opprobre derrière lui pour longtemps.
Les pertes humaines sont bien sûr irréparables. Et il n’y a pas que les 178 morts auxquels M. Brown a rendu hommage. Il y a aussi les milliers de blessés qui traîneront leur handicap jusqu’à la fin de leurs jours et qui, ne pouvant plus se prendre en charge eux-mêmes, vivront aux frais du contribuable.
Les dommages matériels subis par la Grande Bretagne, même s’ils sont nettement moins importants que ceux subis par les Etats-Unis, pèsent tout de même sur les finances, particulièrement en ces temps de vaches maigres. Le coût total de l’intervention britannique est officiellement évalué à 7, 837 milliards de livres sterling (près de 20 milliards de dinars), c'est-à-dire 3,7 millions de livres par jour (chiffres contestés par l’opposition qui estime les pertes beaucoup plus élevés). Selon les critiques britanniques, cet argent aurait suffi à payer 25 200 enseignants pendant 10 ans ou à construire 107 hôpitaux, ce qui aurait remis sur pied le secteur de santé publique gravement malmené par les ravages de la politique de Margaret Thatcher.
N’y a-t-il pas là suffisamment de raisons pour déclencher une enquête sérieuse contre les responsables de ce désastre et convoquer le premier d’entre eux, Tony Blair ? Celui-ci, dont la conscience ne semble souffrir d’aucun remords, continue à sillonner joyeusement le monde pour accroître sa fortune. Il prétend même pouvoir assumer des responsabilités internationales en tant que médiateur pour la …paix entre Israéliens et Palestiniens.
M. Brown a affirmé devant ses troupes qu’elles quitteront l’Irak en le laissant mieux qu’elles ne l’avaient trouvé. On constate que la manipulation et la tromperie dans cette guerre ne s’étaient pas limitées à l’engagement des troupes, mais elles continuent de plus belle pendant leur désengagement. Prétendre que l’Irak d’aujourd’hui est mieux qu’il ne l’était du temps de Saddam est une tromperie et une manipulation de l’opinion. Tout comme George Bush, Gordon Brown s’accroche de toutes ses forces à l’idée fantaisiste que la guerre a amélioré la situation de l’Irak et le sort des Irakiens. On est en présence d’un cas classique bien connu des psychiatres et dont le développement est proportionnel à l’approfondissement du décalage entre le désir et la réalité.
Un rapport fédéral américain publié il y a quelques jours constate que 100 milliards de dollars consacrés à la reconstruction de l’Irak s’étaient évaporés Dieu sait comment, et que des années d’efforts de reconstruction n’avaient même pas pu réparer ce que la guerre avait détruit. En effet, qu’il s’agisse de l’électricité, de l’eau potable, des réseaux d’évacuation des eaux usées, des secteurs de santé et de l’éducation, sans parler bien sûr de la sécurité et de la paix civile, tous ces domaines vitaux à la vie sociale marchaient tant bien que mal du temps de Saddam et sont actuellement dans un état de délabrement avancé.
Il est vrai que quiconque organise ses visites en Irak à la sauvette et dans le secret le plus absolu, se déplaçant en hélicoptère entre l’aéroport et le « Zone verte », ne peut pas voir l’état de délabrement avancé du pays. Mais les troupes britanniques et américaines savent, elles, parfaitement l’état réel de l’Irak pour avoir contribué largement à la destruction de ses infrastructures, à la mort du vingtième de la population et au déracinement du cinquième. Elles savent, elles, que quand elles quitteront l’Irak les unes après les autres, elles laisseront derrière elles un pays ruiné. Contrairement à ce que disent Bush et Brown.

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