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Friday, October 24, 2008

Taj Mahal ou le "tribut à la grâce de la féminité indienne"

Seulement 230 kilomètres séparent New Delhi d’Agra, mais il faut au moins cinq heures pour y arriver, tant le trafic routier est intense et les villes et villages à traverser sont nombreux. Même quand on se lève tôt, on n’échappera pas à la circulation. Les routes de New Delhi sont prises d’assaut de très bonne heure par un nombre incalculable de bus, camions, voitures individuelles, rikshaws (taxis-tricycles), cycles et motocycles, bicyclettes-calices, bicyclettes-charrettes, sans oublier bien sûr les piétons.
Quand on quitte finalement l’Etat de New Delhi et l’on pénètre dans l’Etat de l’Haryana, on n’est pas tiré d’affaire. Pas plus d’ailleurs que quand on quitte celui-ci et l’on entre dans l’Etat de l’Uttar Pradesh où se trouve la ville d’Agra. Inutile de pester contre le chauffeur. Le plus expérimenté des chauffeurs de bus indiens ne pourra pas faire plus de 50 à 60 kilomètres /heure en moyenne sur cet axe routier très fréquenté.
Agra est une ville à majorité musulmane et Taj Mahal se trouve à une dizaine de kilomètres du centre-ville. Les attentats terroristes qui ont endeuillé l’Inde ces derniers temps ont amené les autorités fédérales et régionales à prendre de strictes mesures de sécurité là où il y a une concentration de foules. Dans les marchés, les temples et les sites touristiques, barrages de police et portiques de sécurité sont de rigueur. Taj Mahal, que l’on peut traduire par « Couronne du Palais » a une grande valeur historique et symbolique en Inde. De plus, il a été choisi en 2007 comme l’une des sept merveilles du monde et est inscrit depuis 1983 par l’UNESCO dans la liste du patrimoine commun de l’humanité. Par conséquent il pourrait être une cible pour les terroristes, d’où le surprotection dont bénéficie l’endroit.
Le drame qui devait être à l’origine du merveilleux édifice remonte au 17 juillet 1631, le jour où Arjumand Banu Begam, épouse de l’empereur moghol Shah Jahan, mourut alors qu’elle donnait naissance à son quatorzième enfant. L’amour que portait l’empereur à sa femme, connue aussi sous le nom de Mumtaz Mahal « Lumière du Palais », était paraît-il immense et la légende prétend que l’empereur a vu ses cheveux blanchir en une nuit.. Il décida de construire à son honneur un mausolée de marbre blanc et de reproduire tout autour ce qu’il croyait ou ce qu’il imaginait être les jardins du paradis.
Surplombant la rivière Yamuna, la deuxième en importance en Inde, Taj Mahal se dresse avec majesté, scintillant tous les jours sous le soleil et une fois par mois la nuit quand son dôme de marbre blanc est éclairé par la pleine lune.
Le marbre blanc est partout à Taj Mahal. Il enveloppe les murs, les parterres, le dôme et les quatre minarets qui l’entourent et bien sûr les deux cénotaphes de l’impératrice Mumtaz Mahal et de l’empereur Shah Jahan qui, mort 35 ans après son épouse, fut enterré à ses côtés sous le dôme de Taj Mahal.
Les guides touristiques, comme partout, ont tendance à mettre l’accent sur des chiffres, souvent invérifiables, et de reproduire des histoires d’où il est impossible de démêler les parts respectives de la légende et de la réalité, le but étant de frapper l’imagination du visiteur et d’envelopper d’une aura mystérieuse l’endroit visité.
Taj Mahal n’échappe pas à la règle puisque, d’après notre guide, 1000 éléphants étaient mobilisés pour transporter le marbre et les centaines d’autres produits nécessaires à la construction d’endroits aussi loin d’Agra que le Tibet, le Sri Lanka, l’Himalaya, la Perse, le Yémen et même la mer rouge. 20.000 personnes étaient mobilisées pour l’ouvrage que l’empereur Shah Jahan avait fait venir d’Asie centrale et d’Europe, et tout ce beau monde travaillait sous les ordres de l’architecte principal de Taj Mahal, Usad Ahmad, originaire de l’actuelle ville de Lahore, au Pakistan.
Pour accéder aux jardins, il faut passer par un immense portail fait de pierre rouge. Au sommet de ce portail imposant, sont alignés en double rangée 22 mini dômes, onze de chaque côté. D’après notre guide, cela représente le nombre d’années qu’avait prises l’ouvrage pour être achevé.
Le clou de l’histoire est qu’une fois l’ouvrage achevé, et émerveillé par la beauté du chef-d’œuvre architectural, l’empereur s’est empressé de couper quelques doigts et quelques bras des artisans les plus talentueux afin qu’ils ne vendent pas leur talents ailleurs. Cela ne sonne pas très original. Cette histoire horrifiante est peut-être inspirée de la fameuse légende devenue proverbiale dans la culture arabe, celle qui parle de « la récompense de Sinemmar », du nom de l’architecte qui, ayant construit un palais fabuleux à son roi, celui-ci n’a rien trouvé de mieux pour le récompenser que de l’assassiner afin qu’il n’exerce pas ses talents architecturaux chez des rois rivaux.
Mais au-delà des légendes et des histoires merveilleuses ou horribles, Taj Mahal demeure un joyau de l’architecture musulmane en terre hindoue. Beaucoup de littérature a été écrite sur l’ouvrage qualifié de « temple de l’amour », « tribut à la grâce de la féminité indienne » ou encore « larme sur la joue du temps ». Une larme qui symbolise la tristesse éternelle d’un empereur après la disparition de sa bien-aimée. Preuve s’il en est que les empereurs peuvent ne pas aimer seulement le pouvoir.
Miracle architecturel du 17eme siècle, Taj Mahal a miraculeusement survécu pendant tous ces siècles aux invasions successives et aux tempêtes politiques dévastatrices qui ont balayé la région. L’explication la plus convaincante fournie par les uns et les autres est que Taj Mahal, n’étant ni un symbole politique ni un symbole religieux, porte en lui sa propre protection. Cette protection, il la puise dans la symbolique de l’amour pour l’exaltation duquel Taj Mahal se dresse majestueusement.
Explication convaincante, mais qui ne convainc pas tout le monde aujourd’hui malheureusement. Allez parler aux terroristes nihilistes et autres porteurs de ceintures d’explosifs des valeurs universelles de l’amour et des vertus de la tolérance. C’est pourquoi aujourd’hui Taj Mahal est plus protégé par les portiques de sécurité et les fouilles corporelles que par la symbolique qu’il représente.

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