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Wednesday, October 22, 2008

Inde: les artisans à la conquête du monde

Il y a un boom économique en Inde visible à l’œil nue. Il suffit de se promener à New Delhi ou à Noida, une nouvelle ville ultramoderne, pour se rendre compte à la fois du nombre et de l’énormité des chantiers en cours de construction ou en cours de mutation. L’un de ces chantiers en mutation si l’on peut dire est celui de l’artisanat indien qui semble déterminé à conquérir le monde. L’expansion de ce secteur qui compte 6 millions d’artisans, la qualité et la diversité de ses produits sont tels qu’il n’est plus possible, selon les dirigeants de l’Office de promotion de l’artisanat indien (EPCH –Export Promotion Council for Handicrafts) de « se contenter des marchés traditionnels ».
Ils sont dynamiques les dirigeants de cet Office et agissent « agressivement », comme ils le disent eux-mêmes, pour « élargir aux quatre coins du monde » la pénétration des produits de l’artisanat indien. Le directeur exécutif de l’EPCH, M. Rakesh Kumar, n’hésite même pas à désigner nommément le pays que l’Inde compte concurrencer dans ce domaine : la Chine.
Concurrencer un géant comme la Chine n’est pas une tâche facile, mais l’EPCH, avec ses 7000 membres qui travaillent exclusivement pour l’exportation, les six millions d’artisans que compte l’Inde et le soutien du gouvernement indien ne semble pas intimidé par l’énormité de la tâche. Comment l’institution que dirige M. Rakesh Kumar aide-t-elle ses membres en particulier et l’artisanat indien en général à conquérir de nouveaux marchés ? M. Rakesh Kumar explique la stratégie de l’EPCH en quelques points :
- Fournir l’information commercialement utile à ses membres ;
- Offrir conseils et services aux artisans dans les domaines de la mise à niveau technologique, de l’amélioration de la qualité et de la conception des produits, de l’innovation etc. ;
- Organiser des visites de délégations de ses membres pour explorer les opportunités à l’étranger ;
- Participer aux foires internationales de l’artisanat ;
- Organiser la foire de l’artisanat de New Delhi.
M. Rakesh Kumar insiste sur l’importance de ce dernier point dans la promotion des exportations indiennes. Cette foire a commencé au début des années 1990 avec un rythme annuel. Son succès l’a transformée assez vite en manifestation bi-annuelle : l’une au printemps, l’autre en automne.
C’est à Noida, à une trentaine de kilomètres de Delhi, que s’est tenu dans le Palais des Expositions, du 15 au 18 octobre dernier, la 26eme édition de la Foire de l’artisanat indien à laquelle l’EPCH a invité une vingtaine de journalistes de divers pays, dont la Tunisie.
Le visiteur est d’abord frappé par l’immensité et la modernité du Palais des Expositions de Noida qui met pas moins de 97000 mètres carrés à la disposition des exposants indiens. Ceux-ci, au nombre de 1800, étaient massivement présents, exposant une variété impressionnante de produits de l’artisanat indien qui comprend des articles ménagers et de décoration, le textile et l’ameublement, le revêtement de sol et des milliers d’articles (utiles ou de décoration) pour la fabrication desquelles les artisans ont utilisé le cuir, le bois, le verre, le rotin, le fer, le cuivre, le zinc, l’aluminium et plusieurs autres métaux.
En se promenant au milieu des milliers de produits artisanaux exposés par les 1800 participants à la foire, l’on ne peut s’empêcher d’être émerveillé par le talent artistique, la dextérité et l’inventivité de l’artisan indien. La beauté des produits proposés interpelle le visiteur, l’attire, et des fois le cloue sur place pendant de longues minutes. La grande quantité de produits reflète la culture, la spiritualité, les talents et même les couleurs de l’Inde. Des fois, on devine le produit avant de le voir. On le devine de loin à travers l’odeur qu’il dégage. C’est le cas quand on s’approche du secteur de la foire réservé aux artisans de l’encens ou encore de ceux qui utilisent le fameux bois « Santal » qui dégage une odeur particulière et qui, comme l’encens, est l’une des principales odeurs de l’Inde.
Avant l’ouverture de la foire, l’EPCH et les exposants escomptaient 6000 visiteurs étrangers. Il y a eu beaucoup moins du fait de la crise qui frappe la planète. « Nous faisons partie du monde, et ce qui affecte le monde nous affecte aussi », explique avec fatalité Avnish Kachhawaha, artisan de Jodhpur, propriétaire de l’entreprise artisanale « Life like Art », spécialisée dans la fabrication de fournitures en bois. « Au cours de la foire du printemps dernier, explique-t-il, nous avons eu beaucoup plus de visiteurs et nous avons fait de meilleures affaires. Maintenant, la crise financière a retenu beaucoup d’acheteurs potentiels chez eux. Il y a certes des acheteurs américains, japonais, britanniques, taiwanais, coréens et européens qui sont là, et non seulement ils sont moins nombreux qu’avant, mais ils se contentent souvent de promesses d’achat au lieu des commandes fermes que nous escomptions. »
Les artisans indiens veulent avoir leur place au soleil dans le commerce mondial. Ils veulent disputer la conquête du monde aux artisans chinois, mais la crise actuelle, aussi dure qu’inattendue a entravé leur élan en les privant de plusieurs acheteurs potentiels. Aucun des exposants avec qui nous avons parlé n’a reçu la visite d’un seul grand distributeur. Ils ont nourri de grands espoirs avant la crise et beaucoup rêvaient de recevoir la visite des grands groupes de la distribution mondiale comme Wal Mart ou Carrefour. Mais la crise en a décidé autrement. Une crise que tous les exposants espèrent passagère, et leurs regards sont tournés déjà vers la prochaine foire, celle du printemps que l’ECPH a programmée pour fin février 2009.

1 Comments:

Blogger MAD DJERBA said...

Ce serait bien si le Maghreb s'unissait ainsi et se fixait de tels objectifs mettant en avant la richesse artisanale et favorisant la création, l'emploi et la recherche de la qualité. un jour peut-être...

11:08 PM  

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