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Thursday, September 18, 2008

Du cynisme en politique

Le cynisme a toujours fait partie de la politique internationale. On est habitué à voir ce trait de caractère à la moralité douteuse surgir assez souvent dans les négociations, les déclarations ou les commentaires ayant trait aux événements et crises qui marquent continuellement les relations internationales.
Le cynisme politique trouve son terrain fertile quand il y a contentieux entre deux Etats ou deux groupes régionaux de puissance inégale en termes économiques et militaires. Il y a cynisme quand, dans une négociation pour sortir d’une crise par exemple, le droit international est du côté du faible, mais que le fort ignore ce droit ou le transfigure ou le vide de sa substance de manière àle rendre lettre morte et donc d’aucun secours pour le faible.
Il y a cynisme quand la «règle» des deux poids et deux mesures remplace la règle de l’universalité du droit. En d’autres termes, le droit s’applique dans un cas seulement: quand il n’est pas en opposition avec les intérêts de la partie la plus forte.
Il y a cynisme quand une puissance commet impunément tous les forfaits possibles et imaginables sur la scène internationale, mais s’offusque du moindre écart commis par d’autres pays, se lamente sur le droit et la morale bafoués et alerte à cor et à cri l’opinion internationale sur les dangers que court la paix mondiale…
La crise géorgienne a été l’occasion de voir fleurir des cas de cynisme exceptionnel devant lesquels on reste dans l’indécision la plus totale, ne sachant trop s’il faut en rire ou en pleurer.
Commençons d’abord par cette déclaration:«Ce qui s’est passé en Géorgie, suite à l’invasion militaire russe, est contraire à quelques uns de nos principes les plus solides. Les forces russes ont traversé une frontière internationalement reconnue et ont envahi un pays souverain. Elles ont provoqué un conflit interne et conduit des actes de guerre au mépris de la vie des innocents, tuant des civils et déplaçant des dizaines de milliers de personnes.»
C’est en Italie, au cours de sa récente tournée à l’étranger, que le vice-Président américain, Dick Cheney, a fait cette déclaration tonitruante. Normalement, une personne comme lui, qui traîne derrière elle la lourde responsabilité du plus grand drame et de la plus grande injustice du XXIe siècle, devrait éviter de telles déclarations et ne rien dire qui puisse pousser les gens à faire le parallèle avec le drame de l’Irak.
En Géorgie, la Russie a réagi à une attaque meurtrière, contre ses soldats et les citoyens en Ossétie du Sud, menée par les troupes du Président géorgien Mikheil Saakashvili. En Irak, les Etats-Unis, pour utiliser les mêmes termes que Dick Cheney, ont traversé une frontière internationalement reconnue (loin de chez eux de 10.000 kilomètres), envahi un pays souverain, provoqué un conflit interne, conduit des actes de guerre au mépris de la vie des innocents, tuant un nombre incalculable de civils et provoquant le déplacement de millions d’autres. Et tout cela non pas en réponse à une attaque irakienne, mais sur la base d’un mensonge à l’invention duquel Dick Cheney a eu le rôle central…
L’autre cas de cynisme non moins époustouflant et révélé par la crise géorgienne met en scène Israël dans sa relation triangulaire avec la Russie et la Géorgie. On est habitué depuis plus de 60 ans au cynisme israélien avec le peuple palestinien. Mais, et c’est pour le moins étonnant, alors qu’il s’est engagé très loin dans une relation douteuse avec la Géorgie, Israël n’ait pas choisi de faire profil bas et d’attendre que l’orage passe au lieu de se distinguer, par des déclarations inappropriées, par un cynisme que la Russie n’acceptera sûrement pas passivement.
En effet, c’est un secret de polichinelle qu’Israël coopère étroitement sur le plan militaire depuis des années avec la Géorgie. Elle aide ce pays généreusement en termes de fourniture d’armements et d’entraînement de l’armée géorgienne. Dans une interview donnée à la radio de l’armée israélienne, le ministre géorgien de la Réintégration, Temur Yakobashvili, a fait l’apologie en hébreu de l’armée d’Israël en ces termes :«Israël devrait être fier de son armée qui a entraîné les soldats géorgiens. Cet entraînement a donné à la Géorgie le savoir-faire nécessaire pour qu’elle se défende contre les forces russes dans les affrontements qui se sont déclenchés en Ossétie du Sud.» Une confirmation gouvernementale géorgienne de ce que tout le monde sait déjà. Et pendant toutes ces années d’intense coopération israélo-géorgienne qui a vu même la construction de bases militaires israéliennes dans le Caucase, la Russie n’a pas mené la moindre campagne contre Israël ni ne l’a critiqué publiquement.
En dépit de cela, et en pleine crise géorgienne, Israël n’a pu se retenir de demander à la Russie d’arrêter ses «livraisons d’armes à la Syrie et à l’Iran». Dans une interview au Washington Times publiée il y a quelques jours, l’ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Sallai Meridor, a «averti la Russie que la vente d’armements à la Syrie et à l’Iran est déstabilisant et dangereux pour Israël et pour la paix dans la région.»
Pourquoi Israël s’est-il exprimé à travers son ambassadeur à Washington? Sans doute parce que les deux Ehud, Olmert et Barak, ont jugé qu’il serait trop grotesque que l’un ou l’autre, avec les casseroles bruyantes qu’ils traînent derrière eux, donne publiquement des leçons ou lance des avertissements à la Russie. Mais dans le même temps, ils ont des démangeaisons et ne peuvent pas se taire sur le réchauffement des relations russo-syriennes ou la perspective de vente de matériel anti-aérien russe sophistiqué à l’Iran. Mais cela ne change rien au cynisme israélien. L’ambassadeur s’est exprimé non pas en son propre nom, mais au nom du gouvernement qu’il représente aux Etats-Unis.
A en juger par les réactions de la presse américaine et israélienne, le cynisme de Cheney et d’Israël n’a pas choqué seulement en Russie ou dans le monde arabe, mais aux Etats-Unis même et en Israël ou plusieurs voix se sont exprimées pour dénoncer «l’arrogance, la suffisance et la stupidité» qui nourrissent tant de cynisme.

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