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Saturday, September 13, 2008

Frustration en Israël, défaite pour le lobby

Dans un article publié dans cet espace le 19 juillet 2008, nous avions pris le risque d’affirmer que « la guerre d’Iran n’aura pas lieu ». Ce n’était pas une intuition, mais une conviction basée sur l’analyse de la situation difficile dans laquelle se trouvent les Etats-Unis et des informations dont nous disposions alors.
Depuis, il y a eu de nouveaux développements et de nouvelles informations qui renforcent cette conviction qu’il n’y aura pas de guerre contre l’Iran, et sûrement pas avant le départ de George Bush et d’Ehud Olmert, deux canards boiteux sans crédibilité ni pouvoir effectif de prendre de graves décisions et qui se contentent actuellement de gérer les affaires courantes de leurs pays en attendant la retraite au Texas pour l’un et peut-être la prison pour l’autre pour corruption et trafic d’influence.
Un développement spectaculaire a eu lieu entre le 7 et le 15 août dernier en Géorgie. Les troupes russes qui avaient réagi à l’incompréhensible provocation du président géorgien, Mikheil Saakashvili, n’ont pas seulement détruit les capacités militaires géorgiennes, au développement desquelles Washington et Tel Aviv ont massivement contribué, mais aussi, selon des informations concordantes, des bases militaires israéliennes à partir desquelles Israël s’apprêterait à mener son attaque contre les installations nucléaires iraniennes. Et si Israël ne l’avait pas fait avant la destruction de ses bases en Géorgie, c’est parce qu’il n’avait reçu ni les fameuses bombes anti-bunker (bunker-buster bombs) qu’il réclamait avec insistance des Etats-Unis, ni le feu vert que Washington refuse jusqu’à maintenant de donner.
On imagine l’immense frustration des Israéliens à la suite de l’intervention des troupes russes en Géorgie qui ont non seulement détruit des années d’efforts des conseillers et des entraîneurs militaires israéliens, mais aussi la quantité énorme d’armements fournis à Saakashvili par les Etats-Unis et Israël et les bases militaires d’une haute importance stratégique que ce dernier a construites à un jet de pierre de l’Iran. En effet, il n’y a qu’à voir la carte pour se rendre compte qu’avec ses bases en Géorgie, Israël n’était plus qu’à quelques centaines de kilomètres de l’Iran et que, pour y aller, ses bombardiers n’avaient plus besoin de ravitaillement en vol et n’avaient plus qu’à survoler soit l’Arménie soit l’Azerbaïdjan pour se retrouver aussitôt dans l’espace aérien iranien.
Mais ce n’est pas la seule mauvaise nouvelle pour Israël. Dans son édition électronique du 11 septembre 2008, le quotidien israélien « Haaretz » a fait état de l’un des rares et peut-être même l’unique refus de l’administration Bush aux demandes israéliennes. D’après ce journal, Israël a fait à l’administration Bush trois principales demandes : 1- « Un grand nombre » de bombes anti-bunker , dont le nom technique est « Bunker-Buster GBU-28 », pesant 2,2 tonnes l’unité et pouvant percer une épaisseur de six mètres de ciment armé ; 2- « Un corridor aérien au dessus de l’Irak » que les bombardiers israéliens pourraient emprunter sur leur chemin pour l’Iran ; 3- « Des avions ravitailleurs Boeing 767 dernier cri », permettant à Israël de ravitailler en vol ses bombardiers sur le chemin du retour.
D’après le « Haaretz », aucune de ces demandes n’a été acceptée par l’administration Bush. Concernant la demande de corridor aérien sur l’Irak, les responsables américains se sont même permis un peu d’humour, sans doute involontaire, en proposant aux Israéliens de « coordonner cette demande avec le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki…
Ces trois demandes israéliennes, qui prouvent clairement la détermination d’Israël à prendre tous les risques pour aller agresser l’Iran chez lui, ont été formulées lors de la visite de Bush en mai dernier en Israël et reformulées lors de la visite du ministre israélien de la défense, Ehud Barak, en juillet à Washington. Il semble que pendant toutes les réunions américano- israéliennes « de très haut niveau » pour discuter de ces trois demandes, les Américains avaient signifié clairement que, sur la question du nucléaire iranien, ils continuent à opter pour une solution diplomatique du problème, et, par conséquent, il n’y aura ni matériel militaire offensif ni feu vert en provenance des Etats-Unis.
Pour réduire l’intensité de la frustration israélienne, les Etats-Unis ont tout de même accepté de « renforcer la sécurité » d’Israël. Pendant la visite d’Ehud Barak à Washington en juillet dernier, l’administration Bush a décidé de livrer à Israël « le système radar américain le plus évolué ». Ce système, qui sera installé bientôt dans le désert du Néguev, « doublera à 2000 kilomètres la portée d’indentification des missiles lancés en direction d’Israël ».
Mince consolation pour Israël qui sait pertinemment que ce radar peut ne pas servir à grand-chose car, et Israël le sait tout aussi pertinemment, l’Iran ne lancera jamais de missiles en direction de ce pays tant que les Israéliens le laissent tranquille.
Frustration en Israël, défaite pour l’AIPAC. Ce lobby qui a toujours mis les intérêts d’Israël au dessus de tout, y compris au dessus des intérêts américains, a tout fait pour que ce pays reçoive les bombes anti-bunker, les avions ravitailleurs, le couloir aérien et le feu vert de Washington, a apparemment échoué cette fois à avoir gain de cause et d’imposer ses vues aux décideurs américains. Difficile à dire si c’est un incident dans le parcours dangereusement victorieux de l’AIPAC aux Etats-Unis ou une défaite annonciatrice d’un déclin de l’influence de ce lobby sur la politique étrangère américaine.

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