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Wednesday, September 10, 2008

Il était une fois le 11 septembre

Sept ans déjà. Sept ans de guerre, de destruction, de destabilisation d’une partie de la planète. Il faut dire que les attaques du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles de New York et le Pentagone dans la banlieue de Washington n’étaient pas une mince affaire. C’était un acte terroriste tout simplement gigantesque à la mesure du gigantisme américain.
La lente victoire remportée par l’Amérique sur ce qui était convenu d’appeler le bloc socialiste, consacrée par l’effondrement de l’Union soviétique, avait considérablement accru le double sentiment de supériorité et d’invulnérabilité chez les Américains.
La plus grande attaque terroriste de l’histoire était intervenue alors que l’Amérique se délectait encore de sa victoire sur la super-puissance soviétique sans avoir tiré une cartouche. L’Amérique était en ce début d’automne 2001 fort bien installée dans le bien-être que procure le confort psychologique et matériel et le sentiment de sécurité quasi-absolue engendrée par la double chance d’être surprotégé par les deux immenses « barrières liquides » (Le Pacifique et l’Atlantique) d’une part, et par l’armée la plus puissante du monde d’autre part.
Le réveil du mardi 11 septembre 2001 était donc d’une extrême brutalité et ce qui s’était passé ce jour là dépassait de très loin les appréhensions des responsables de sécurité les plus pessimistes et les souhaits des terroristes les plus fous.
Dans « La Presse » du samedi 15 septembre 2001 nous avions écrit ceci : « Si la piste de Ben Laden se confirme, comme semble le suggérer les enquêteurs, il est plus que probable que les Etats-Unis réagiront avec plus de fermeté que d’habitude, compte tenu du nombre dramatiquement élevé des victimes encore sous les décombres des deux tours jumelles du World Trade Center et du Pentagone. Ils iront jusqu’au bout du monde pour venger leurs morts. Ils ont les moyens logistiques et militaires pour cela. La machine militaire se mettra sûrement en branle avec probablement la participation de l’Otan. »
La suite des événements a démontré que les Etats-Unis de 2001 étaient moins intéressés par la vengeance de leurs morts que par la réalisation du rêve fou de quelques écervelés qui, considérant les attaques comme une divine surprise, ont commencé à mettre au point leur plan désastreux contre l’Irak alors que la poussière et la fumée enveloppaient encore les décombres du World Trade Center.
Certes, la machine militaire américaine s’était mise en branle trois semaines après les attaques. Certes, le régime moyen-âgeux des talibans pakistanais avait été détruit et les terroristes d’Al Qaida mis en déroute par les tapis de bombes déversées par les B-52 sur les montagnes de Tora Bora. Mais ce n’était qu’une déroute provisoire. La pression mortelle qui s’était exercée pendant quelques semaines sur les responsables des attentats du 11 septembre allait vite de desserrer. Les talibans et Al Qaida allaient respirer et reprendre leurs forces grâce au groupe des néoconservateurs (Paul Wolfowitz, Richard Perle, Elliot Abrams etc.) qui ont trouvé chez le président Bush, le vice président Cheney et le secrétaire à la défense Rumsfeld, une prédisposition à mettre les immenses moyens militaires et financiers de l’Amérique au service d’une lubie, appelée « le nouveau siècle américain ».
Selon cette fantaisie extravagante, l’Amérique étant l’unique super-puissance et son action dans le monde étant « bienfaitrice », celui-ci devrait donc se plier à la volonté américaine, au besoin par la force. Aussitôt le concept politico-religieux d’ « axe du mal » fut mis en place et la machine de propagande tendant à diaboliser l’Irak fut mise en marche.
Inutile de revenir ici sur le grand mensonge des armes de destruction massive irakiennes, ni sur les tragédies bibliques endurées par les 25 millions d’Irakiens. Inutile de s’étendre sur les conséquences désastreuses en termes de pertes humaines et matérielles faramineuses pour l’Irak et les Etats-Unis. Notons simplement l’extraordinaire ironie de l’histoire : à quelques mois de son départ de la Maison blanche, et plus de cinq ans après avoir déplacé ses troupes d’Afghanistan vers l’Irak, George Bush est en train de faire le chemin inverse maintenant : déplacer ses troupes d’Irak vers l’Afghanistan pour tenter de vaincre les talibans et Al Qaida auxquels il avait tourné le dos pour aller s’engluer dans les sables mouvants mésopotamiens.
Sept ans après la catastrophe du 11 septembre 2001, il n’est pas inutile de poser encore une fois la question fondamentale : qu’aurait dû faire l’Amérique après les attentats ? Personne n’avait trouvé à redire et les Etats-Unis bénéficiaient alors de la sympathie et du soutien d’une bonne partie du monde quand, le 7 octobre 2001, le président américain avait envoyé ses troupes détruire les régime des talibans qui avaient non seulement hébergé les terroristes d’Al Qaida, mais refusé aussi de les livrer à Washington comme l’exigeaient les autorités américaines. Le monde entier aurait applaudi et Bush serait entré dans l’histoire s’il avait pris le temps de déraciner l’arbre terroriste avant qu’il ne recommence à fleurir des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise. Comment ? Dans l’article publié dans « La Presse » du 15 septembre 2001, nous avions fait la réponse suivante : « La solution, la vraie, ne consiste pas seulement à traquer les terroristes et leurs commanditaires, mais à assécher les sources qui les alimentent, les entretiennent et les légitiment même aux yeux des victimes impuissantes. Les deux sources principales qui alimentent le terrorisme sont incontestablement la misère et l’injustice. Ce sont les deux mamelles qui allaitent le phénomène terroriste ».
Malheureusement, par sa décision désastreuse d’envahir l’Irak, le président Bush a alimenté le terrorisme au lieu d’assécher ses sources. Il a fourni eau et fertilisant à l’arbre maléfique, et ce n’est pas seulement l’Amérique qui est en train de payer le prix.

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