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Tuesday, July 01, 2008

Le vrai danger nucléaire

L’administration de George Bush et le gouvernement israélien continuent de faire leur fixation sur le nucléaire iranien, en dépit du fait qu’aucune preuve tangible n’a été présentée pour démontrer la véracité des allégations isrélo-américaines concernant un supposé programme nucléaire militaire iranien. Nous avons plutôt les preuves du contraire, provenant des inspecteurs de l’AIEA qui n’ont, jusqu’à ce jour, décelé aucune trace de programme nucléaire militaire. Et surtout des 16 agences de renseignement américaines qui, dans un rapport commun ont certifié que l’Iran a arrêté son programme nucléaire depuis 2003.
Jusqu’à présent, les Israéliens n’ont pas digéré ce rapport qu’ils continuent de dénoncer comme nul et non avenu. Dans une récente interview au journal Le Monde, le ministre israélien de la défense, Ehud Barak, a affirmé : « Le rapport des renseignements américains sur le nucléaire iranien est faux, un point c’est tout » ! Barak est si aveuglé par son arrogance qu’il s’avère incapable de se poser la simple question de savoir pourquoi le monde devrait-il le croire lui plutôt que les agences de renseignement américaines ? Pourquoi le monde devrait-il croire Ehud Barak, un politicien au service d’une politique désastreuse que poursuit obstinément son pays depuis plus de quarante ans, plutôt que de croire Mohamed Elbaradei qui dirige une agence technique chargée de veiller à la non prolifération nucléaire et qui n’a absolument aucun intérêt ni à cacher ni à déformer des informations sur les programmes nucléaires des pays inspectés ?
Il y a quelque chose de tragi-comique dans cette fixation obsessionnelle sur le nucléaire iranien. La prolifération nucléaire est sans aucun doute l’un des plus graves dangers qui menace l’humanité et même la vie sur terre. Il se trouve que les plus grands proliférateurs nucléaires dans le monde sont en même temps les plus grands accusateurs de l’Iran dont le programme nucléaire, à supposer qu’il comporte un volet militaire, est une goutte dans un océan nucléaire dans lequel naviguent les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, Israël, l’Inde, le Pakistan et l’Afrique du sud.
En toute objectivité et en toute honnêteté, le vrai danger nucléaire existe du côté d’Israël et des Etats-Unis d’Amérique. Le premier possède dans ses entrepôts pas moins de 200 têtes nucléaires avec lesquels il est capable de détruire toute la région. L’argument selon lequel les armes nucléaires deviendront très dangereuses si elles se trouvent entre les mains des « mollahs fanatiques » d’Iran s’applique parfaitement à Israël. Car quoi de plus fanatique et de plus dangereux que de fonder la politique d’un pays, armé nucléairement jusqu’aux dents, sur les mythes de la « terre promise », du « peuple élu de Dieu » et autres sornettes d’un autre âge ? L’un des Premiers ministres d’Israël, Benyamin Netanyahu, a confié en substance à des journalistes américains : « Si Israël se trouve un jour en danger, nous lancerons nos armes nucléaires, ensuite on verra »…
Le second pays, c'est-à-dire les Etats-Unis, possède un arsenal de plusieurs milliers de têtes nucléaires héritées de temps de la menace soviétique et que maintenant les Américains eux-mêmes ne savent pas vers quelle direction les orienter ni vers quelle cible les pointer. En attendant de trouver un sens à leurs milliers d’armes nucléaires, les Américains sont en train de se mettre eux-mêmes, ainsi que leurs alliés européens, en danger.
Le 5 septembre 2007, un bombardier stratégique B52 a survolé pendant des heures le territoire américain avec, fixés sous ses ailes, des missiles Cruise armés de têtes nucléaires. Pendant des heures la sécurité de centaines de milliers d’Américains dépendait de l’arrivée à bon port du B52. Une petite panne technique en vol de ce vieux bombardier aurait suffi à déclencher l’apocalypse aux Etats-Unis. On comprend la consternation des Américains et le désarroi du Pentagone dont le chef, Robert Gates, n’avait d’autre choix que de limoger les officiers de l’US Air Force responsables de cette très grave erreur.
En Europe, ce sont de plus en plus de voix qui s’élèvent pour exiger le déménagement des armes nucléaires stockés dans les bases militaires américaines dans des conditions de sécurité qui ne répondent pas au minimum des critères fixés par le pentagone lui-même. Ces voix sont particulièrement fortes chez les sociaux-démocrates allemands, légitimement inquiets du danger croissant que constituent les armes nucléaires américaines pour leur pays. Cette inquiétude s’est étendue ailleurs en Europe.
Normalement, les bases américaines sur le continent européen où sont entreposées les armes nucléaires relèvent du secret militaire. Mais grâce aux révélations que le ministre belge de la défense, Pieter De Crem, a faites il y a quelques mois par inadvertance, on sait maintenant que ces armes apocalyptiques sont entreposées dans les bases américaines de Kleine Brogel en Belgique, de Büchel en Allemagne, de Volkel aux Pays Bas, d’Aviano et Ghedi Torre en Italie, d’Incirlik en Turquie et de Lakenheath en Grande Bretagne. Il est pour le moins surprenant que ce dernier pays, qui dispose de son propre arsenal nucléaire, ouvre son pays à des armes nucléaires étrangères.
Les classes politiques américaine et israélienne se trompent de sujet …d’inquiétude. Elles se trouvent dans la situation de celui qui habite dans une île entourée d’une mer houleuse et qui s’inquiète des inondations éventuelles que provoquerait un jour ou l’autre une petite rivière. Il est peut-être temps de s’occuper des vrais dangers. Car enfin qu’est ce qui menace le plus la sécurité des Américains, le programme nucléaire iranien ou le genre d’erreurs commis par l’US Air Force le 5 septembre 2007 ? Qu’est ce qui menace le plus la sécurité des Européens, le programme nucléaire iranien ou les centaines de têtes nucléaires entreposées dans des conditions inquiétantes en Allemagne, en Belgique, en Grande Bretagne, en Italie, aux Pays-Bas ou encore en Turquie ? Il faut peut-être une bonne dose de courage politique et d’honnêteté intellectuelle pour donner la bonne réponse.

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