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Friday, May 30, 2008

L'obsession du chèque à sept chiffres

Vous vous rappelez de lui sans aucun doute. C’est ce type joufflu qui ment comme il respire. Il a défendu George Bush bec et ongles pendant quatre ans. Scott McClellan, l’attaché de presse de la Maison blanche de 2003 à 2007, faisait quasi quotidiennement face à la presse pour défendre la politique de son patron. Il a défendu le choix indéfendable de la guerre d’Irak. Il a défendu les erreurs désastreuses de l’administration qui se succédaient à un rythme infernal en Irak et qui ont fini par détruire ce pays et à condamner son peuple au désespoir. Il a défendu aussi la réaction molle de l’administration fédérale face à la catastrophe de l’ouragan Katrina qui a fait des ravages à grande échelle à la Nouvelle Orléans et d’autres villes du sud des Etats-Unis.
Scott McClellan connaissait déjà George Bush depuis les années 1990. Texan comme lui, il l’a aidé dans ses campagnes électorales pour devenir gouverneur du Texas d’abord et président des Etats-Unis ensuite. Pour le remercier, Bush l’a nommé comme son attaché de presse et son homme de confiance. Durant quatre ans, McClellan était d’une fidélité exemplaire à son patron n’hésitant pas à tordre le cou à la vérité et à la réalité pour présenter le président américain comme un homme animé des meilleures intentions, ne prenant jamais de mauvaises décisions, et mettant en œuvre des politiques sages et avisées pour le bien de l’Amérique d’abord et du monde ensuite.
Et puis tout d’un coup, McClellan disparaît pendant un certain temps pour réapparaître en tant qu’auteur d’un livre au vitriol contre Bush qu’il a servi et défendu pendant quatre ans. Le livre qui sera mis en vente la semaine prochaine s’intitule « What happened : Inside the White House and Washington’s culture of deception », ce que l’on peut traduire à peu près comme ceci « Que s’est-il passé : A l’intérieur de la Maison blanche et de la culture de la tromperie à Washington ».
Dans ce livre, McClellan brûle son ancienne idole dont la politique irakienne est devenue subitement mauvaise et malavisée, la guerre d’Irak non nécessaire, la réaction à l’ouragan Katrina caractérisée par l’incompétence, bref, McClellan disait dans son livre l’exact contraire de ce qu’il répétait obstinément quatre ans durant dans ses points de presse quotidiens.
En 2004, un ancien conseiller à la Maison blanche en matière de lutte anti-terroriste, Richard Clarke, avait écrit un livre très critique sur l’invasion de l’Irak et sur le détournement par Bush du potentiel de lutte anti-terroriste en Afghanistan vers une guerre insensée et absurde contre le régime de Saddam Hussein. McClellan convoqua aussitôt la presse pour s’en prendre avec virulence à Richard Clarke : « S’il ressentait toutes ces graves inquiétudes, pourquoi n’en avait-il pas parlé plus tôt alors ? Pourquoi a-t-il choisi ce moment précis (la campagne présidentielle de 2004) pour publier ce livre. Sans doute pour pouvoir en faire la promotion. » Le Washington Post a opportunément rappelé dans son édition du 29 mai cette réaction de McClellan contre le livre de Clarke pour montrer l’ampleur de l’hypocrisie et de l’ingratitude dont peut être capable cet ancien chouchou de Bush qui, n’ayant même pas la reconnaissance du ventre, a subitement tourné la veste (la presse américaine le qualifie désormais de turncoat)
En effet ce qu’avait dit McClellan en 2004 à propos du livre de Clarke s’applique parfaitement aujourd’hui à son livre à lui. S’il avait toutes ces critiques en tête et tous ces reproches sur le cœur, pourquoi avoir attendu si longtemps pour les faire ? N’aurait-il pas été nettement crédible et amplement honnête s’il avait claqué la porte plus tôt en rendant publiques ses critiques acerbes sur la guerre d’Irak et la gestion de la catastrophe provoquée par Katrina ?
Le plus extraordinaire est que le McClellan, interrogé sur les motifs qui l’ont amené à brûler ses idoles en écrivant un tel livre, il a répondu sans rire « par loyauté à la vérité et aux valeurs sur lesquelles j’étais élevé »… Inutile de dire que personne ne croit à de telles sornettes et tout le monde sait que le seul et unique motif qui animait McClellan est l’obsession de se voir remettre un chèque à sept chiffres de la part d’un généreux éditeur. Trent Duffy, l’adjoint de McClellan à la Maison blanche pendant deux ans a eu cette réaction : « Il est en train de danser sur sa tombe politique pour de l’argent ».
D’après les extraits du livre publiés par Politico.com, pratiquement tout ce que dit McClellan est vrai. La culture machiavélique de la tromperie et de la tricherie qui sévit dans les cercles politiques washingtoniens et que dénonce l’ancien attaché de presse de Bush est bien réelle. Sauf que McClellan a oublié un petit détail : il est lui-même partie intégrante de cette culture malsaine qui ravage la capitale américaine. Plus encore, il est l’un des éléments les plus dangereux et les plus malhonnêtes de cette culture. Après s’y être vautré pendant quatre ans et contribué à sa progression, il l’utilise maintenant pour s’enrichir.
Ecrire un best seller est devenu une obsession pour les politiciens américains. Pas seulement ceux de premier ordre, mais aussi pour ceux de deuxième et de troisième catégorie. Une obsession parce que c’est le plus sûr moyen de devenir millionnaire en dollars. McClellan n’est ni le premier ni le dernier. Pas plus tard que le mois dernier, un certain Ricardo Sanchez a publié lui aussi un livre où il dénonce « l’incompétence brute » et « la négligence » dont s’est rendu coupable George Bush en décidant d’aller envahir l’Irak. Le lieutenant général Ricardo Sanchez est de la même espèce que Scott McClellan. Après avoir supervisé sur le terrain, en tant que commandant des forces américaines, la destruction systématique des institutions de l’Irak, et après avoir couvert de véritables crimes de guerre , dont ceux d’Abu Ghraib, voici le lieutenant général Ricardo Sanchez qui se fait écrivaillon pour dénoncer la politique qu’il a servie avec un zèle et une loyauté exemplaire. Décidément, l’obsession du chèque à sept chiffres devient une véritable tare aux Etats-Unis.

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