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Thursday, May 22, 2008

Paix au Liban

Dans un précédent article sur la situation au Liban, nous avons écrit ceci : « Il est à peine nécessaire de souligner qu’aucun intérêt, aussi puissant soit-il, de l’un ou l’autre des groupes qui se déchirent ne peut légitimement rivaliser avec l’intérêt fondamental du Liban qui est la préservation de la paix civile. Cette donnée de base devra impérativement être intériorisée par la coalition du 14 mars et l’opposition qui gravite autour du Hezbollah si elles veulent arriver à un accord. »
Visiblement cet intérêt supérieur du Liban a été intériorisé et les frères ennemis libanais, conscients du danger pour leur pays en cas d’échec, ont mis chacun un peu d’eau dans son vin et n’ont quitté le Qatar qu’après avoir signé un accord qui a été salué avec une grande joie de la part des Libanais, toutes tendances et confessions confondues, ainsi que par la bourse de Beyrouth qui a atteint des records dès l’ouverture, jeudi matin.
L’accord qui porte sur des questions aussi délicates que l’élection d’un nouveau président (bloquée depuis novembre 2007), le partage des portefeuilles gouvernementaux et la loi électorale en prévision des élections législatives de l’année prochaine, a été rédigé de manière si talentueuse et si intelligente qu’il ne pouvait être refusé par les acteurs de la crise libanaise. Les concepteurs de l’accord étaient conscients que la clé du succès du processus de paix interlibanais du Qatar résidait dans l’équation de « ni vainqueur ni vaincu » qui devait absolument être reflétée non seulement par la forme et le contenu des négociations, mais aussi par les résultats concrets de ces négociations.
A ce niveau, il est juste de rendre hommage au grand talent diplomatique du petit Etat du Qatar dont l’émir et le ministre des affaires étrangères, en tant qu’intermédiaires, sont arrivés à convaincre les adversaires libanais que s’ils tenaient absolument à finir leurs négociations avec des gagnants d’un côté et des perdants de l’autre, la seconde partie de ces négociations se déroulerait sur le terrain dans les rues des villes libanaises et le sang coulerait à flot.
La guerre civile a donc été évitée et c’est le Liban tout entier qui sort gagnant de l’accord de Doha. Il est raisonnable de dire que les Libanais vivront en paix dans le moyen terme, c'est-à-dire dans les années et non les mois à venir. Cette prévision ne relève pas de la spéculation, mais de l’expérience historique du Liban durant les cinquante dernières années.
En effet, en 1958, il y a cinquante ans exactement, le Liban avait sombré dans une guerre civile qui s’était terminée par un accord, amenant le président Fouad Chehab au pouvoir et ouvrant la voie à 17 ans de paix et de prospérité. En 1975, une seconde guerre civile éclata et ne se termina qu’avec la conclusion des accords de Taief en 1989, ouvrant la voie à 17 ans encore de paix et de stabilité relatives (Israël et le Hezbollah devaient continuer leur guerre d’usure dans le sud-Liban jusqu’en mai 2000). Enfin, en 2006, après l’agression israélienne de l’été, le Liban sombra dans une crise politique majeure qui dura dix huit mois. Cette crise a connu son apogée le 7 mai dernier quand une véritable guerre éclata entre les milices du Hezbollah et celles de la coalition du 14 mars. L’accord de Doha de mardi dernier a éloigné le spectre de la guerre civile et a fait renaître de nouveau l’espoir dans l’horizon libanais assombri pendant 18 mois par la paralysie politique du pays.
Cet espoir est d’autant plus fondé que l’accord interlibanais est intervenu dans un environnement régional qui semble s’orienter vers l’apaisement après des années de tension extrême, nourries dans une large mesure par la diplomatie de la canonnière déterrée par le président américain George Bush. Ces derniers jours, nous avons eu droit à une série d’événements qui vont tous dans le sens de l’apaisement régional. En Irak, l’armée irakienne a pris le contrôle de Sadr City, un immense bidonville de plus de 2 millions d’habitants, évinçant les puissantes milices de Moqtada Sadr, chose inconcevable sans le feu vert de l’Iran. La diplomatie égyptienne s’active toujours à arracher un accord sur une trêve entre le Hamas et Israël. Et, last but not least, Syriens et Israéliens se livrent depuis quelques jours à Istanbul à des négociations, indirectes certes, mais qui sont menées à travers un intermédiaire qui non seulement entretient de bonnes relations avec les deux parties, mais nourrit des ambitions diplomatiques légitimes de grande puissance régionale. Il y a lieu de croire que la réussite diplomatique du Qatar dans le dossier libanais est de nature à inciter la diplomatie turque à redoubler d’ardeur dans son rôle d’intermédiaire consistant à résoudre le contentieux épineux qui oppose la Syrie à Israël.
Est-ce à dire que les grandes manœuvres régionales en prévision du prochain départ de l’actuel président américain ont commencé ? Tout porte à le croire.

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