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Monday, May 12, 2008

Mieux vaut le statu quo qu'une guerre civile

Après cinq jours de combat qui ont fait craindre le pire, les factions ennemies au Liban ont fait marche arrière et accepté le déploiement de l’armée libanaise dans les zones où les milices de Hezbollah et les forces loyales à la coalition gouvernementale se sont affrontées à l’arme lourde. En cinq jours, du 7 au 11 mai, on a dénombré 81 morts et près de 205 blessés. Le spectre de la guerre civile qui a duré de 1975 à1990 a plané pendant ces cinq jours sur le Liban meurtri et, à un certain moment, on a cru avec angoisse que les démons de la guerre civile s’étaient totalement réveillés et que les Libanais allaient, encore une fois, entamer une nième descente aux enfers.
En fait, cet affrontement n’a étonné personne. Depuis la fin de la guerre entre Israël et le Hezbollah de l’été 2006, la crise couvait entre le gouvernement Siniora et l’opposition dirigée par le parti de Hassan Nasrallah, avec l’appui de parti chiite Amal et le Courant patriotique de Michel Aoun. Cette crise s’est exacerbée avec le vide politique laissé à la présidence de la République après qu’Emile Lahoud a quitté le palais Baabda à l’expiration de son mandat en novembre dernier.
Le Liban ressemble à ce corps qui connaît trop de crises se santé et qui résiste tout en se donnant les moyens de vivre normalement. Pendant les 15 ans de guerre civile, il n’a connu ni crises humanitaires graves, ni disette ni famine. Tout se passait comme s’il y avait un accord tacite entre le monde politique et le monde économique aux termes duquel celui-là gère ses crises à sa manière et celui-ci assure la subsistance aux Libanais, mais si cette subsistance est souvent troublée par les nuisances politiques.
Cette règle spécifique au Liban s’est vérifiée encore une fois ces dix huit derniers mois au cours desquelles le statu quo observé entre les frères ennemis de la coalition et de l’opposition, engendrant une paralysie politique totale, n’a pas empêché les Libanais de se rendre à leur travail et d’assurer les conditions minimales d’une vie économique et sociale digne.
Comment s’explique cette différence entre un monde politique souvent paralysé et un monde économique dynamique ? Le monde économique est entre les mains des Libanais. C’est eux qui décident, et donc ça marche. En revanche, le monde politique est ligoté par les interférences étrangères qui ont fait du Liban un terrain d’affrontements pour des raisons et des intérêts qui dépassent les Libanais.
Ce n’est un secret pour personne que les deux camps en guerre au Liban, sont soutenus par des forces étrangères. Le gouvernement de Fouad Siniora est soutenu par les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et l’Egypte, et le Hezbollah et ses alliés sont soutenus par l’Iran et la Syrie. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la tension qui monte entre Washington et Téhéran ait des réverbérations au Liban.
S’ils étaient livrés à eux-mêmes, les Libanais trouveraient pacifiquement sans aucun doute les solutions adéquates à leurs problèmes. Mais les interférences étrangères ont fait que les problèmes du Liban soient fortement intégrés aux problèmes régionaux et leur solution dépende fortement d’une solution globale au niveau régional, voire international. En d’autres termes, il est difficile de concevoir une solution politique définitive au Liban sans une solution des contentieux américano-iranien, syro-israélien et isrélo-palestinien. Le Liban, de par sa position géographique, et de par la force politique et militaire que constitue le Hezbollah sur la scène libanaise voit son sort fortement lié à l’évolution des autres contentieux qui opposent Washington à Téhéran, la Syrie à Israël et celui-ci aux Palestiniens.
C’est dans ce contexte politique « misérable », comme l’a qualifié l’intellectuel américain, Jon Alterman, que le président américain s’apprête à entamer cette semaine une nouvelle visite dans la région. Pendant les sept premières années de sa présidence, George Bush n’a pas mis les pieds dans cette région. Pendant cette longue durée, non seulement il s’était détourné des problèmes brûlants opposant les Israéliens aux Palestiniens aux Syriens et aux Libanais, mais il en a créé d’autres, bien plus graves, en Irak.
Maintenant, et alors qu’il compte ses derniers jours à la Maison blanche, George Bush se permet de faire deux fois le voyage dans la région en quatre mois. Il sera en Israël où il participera à la fête du 60eme anniversaire de son « indépendance ». Il prononcera un discours à la Knesset et répètera la litanie du soutien « indéfectible » des Etats-Unis à ce pays. Il sera reçu ensuite au Caire et à Ryadh.
Une chose est sûre, le voyage de George Bush dans la région n’aura sans doute aucun effet positif sur les crises qui secouent les régions. Bien au contraire, la tension risque encore de monter d’un cran, si l’on en juge par la décision qui a précédé l’arrivée du président américain dans la région et consistant à donner l’ordre au désormais célèbre contre-torpilleur, USS Cole, de traverser le canal de Suez et de patrouiller en Méditerranée.
Demain mercredi, une délégation de la Ligue arabe est attendue au Liban pour une mission de bons offices. Très peu d’optimisme est suscité par cette démarche, surtout que la Ligue arabe elle-même est fortement divisée sur la question libanaise, comme l’a montré le vote de la résolution lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères.
Du moment qu’une solution définitive est encore lointaine, du moment qu’aucun signe d’une volonté de compromis des frères ennemis n’émerge, les Libanais n’ont d’autre choix que de bien gérer le court terme. En effet la seule assurance de sécurité pour eux maintenant est le statu quo. Puisque l’économie n’est pas gravement affectée par la paralysie politique, mieux vaut en effet un statu quo qu’une guerre civile qui ravagerait encore une fois le pays.

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