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Monday, May 19, 2008

Les questions que le Liban doit se poser

Finalement les adversaires libanais se sont assis à la même table et ont commencé à négocier une solution à leurs problèmes qui éviterait au pays les affres de la guerre civile. Peu importe que cette initiative soit venue de l’extérieur (Ligue arabe et Qatar) et non des Libanais eux-mêmes. L’essentiel est que le dégel a eu lieu et que les frères ennemis ont pris conscience que le statu quo ne peut durer indéfiniment et les deux termes de l’alternative sont désormais soit un accord, soit la guerre des rues et le réveil des démons confessionnels qui, pendant quinze ans (1975-1990), avaient mis le Liban à feu et à sang.
Il est à peine nécessaire de souligner qu’aucun intérêt, aussi puissant soit-il, de l’un ou l’autre des groupes qui se déchirent ne peut légitimement rivaliser avec l’intérêt fondamental du Liban qui est la préservation de la paix civile. Cette donnée de base devra impérativement être intériorisée par la coalition du 14 mars et l’opposition qui gravite autour du Hezbollah si elles veulent arriver à un accord.
Les enjeux sont importants et les divergences profondes. Dimanche dernier, l’émir du Qatar, où se déroulent les pourparlers, a dû intervenir en personne pour éviter une rupture des négociations. On croyait que la question de l’armement du Hezbollah était le problème le plus délicat qui oppose l’opposition et la coalition gouvernementale. Une autre divergence a surgi, délicate elle aussi quoique plus facile à résoudre : la loi électorale, et en particulier le découpage des circonscriptions de Beyrouth, en prévision des élections législatives de 2009. Il est normal qu’une telle divergence surgisse à ce moment précis quand on sait que la nature du découpage des circonscriptions électorales détermine dans une large mesure les résultats des élections.
Des propositions relatives à la loi électorale et au partage du pouvoir au sein du gouvernement ont été soumises hier par les hôtes qataris aux acteurs de la crise libanaise et, aux dernières informations, les uns et les autres se penchent toujours sur ces propositions. Il y a de fortes chances que les questions de la loi électorale et du partage des portefeuilles gouvernementaux soient réglées dans le cadre d’un compromis pour l’émergence duquel l’émir du Qatar et la Ligue arabe sont en train de peser de tout leur poids.
Reste le problème le plus épineux, celui de l’armement du Hezbollah. Celui-ci continue de soutenir que la question de l’armement ne fait pas partie des sujets à négocier et la coalition gouvernementale espère toujours l’imposer comme le principal sujet de négociation.
Cette question de l’armement du Hezbollah a toutes les caractéristiques de ces problèmes quasi-insolubles qui opposent des adversaires dont les arguments sont aussi pertinents d’un côté comme de l’autre et qu’on ne peut s’empêcher de donner raison à l’un et à l’autre camp. La coalition du 14 mars, qui a la majorité des votes des Libanais, n’a pas pu établir un Etat fonctionnel en mesure de s’acquitter de ses responsabilités envers les citoyens en termes de services publics en général et de sécurité en particulier. Le principal obstacle étant l’attitude du Hezbollah qui, grâce à ses milices bien entraînées et puissamment armées, s’est imposé comme un véritable Etat dans l’Etat. Non seulement il partage le monopole de la violence avec l’Etat libanais, mais, comme les récents événements du début du mois l’ont amplement démontré, il est capable de dominer par la force des armes tous ses adversaires politiques.
L’argument soutenu par Hezbollah pour refuser tout désarmement est que cet armement est nécessaire pour défendre le Liban contre les agressions israéliennes. Cet argument n’est pas dénué de fondement quand on se rappelle la guerre de l’été 2006 ayant opposé Israël et le Hezbollah et de laquelle celui-ci était sorti la tête haute pour avoir résisté à la machine de guerre israélienne qui se proposait de le détruire. Cet argument n’est pas non plus dénué de tout fondement quand on sait que, après dix huit ans d’occupation du sud-Liban, Israël fut expulsé en mai 2000 grâce à l’armement du Hezbollah. Toutefois, ce même argument perd un peu de sa pertinence quand on sait que le Hezbollah n’a pas hésité le 7 mai dernier et les jours suivants à utiliser son armement contre ses adversaires politiques libanais. En d’autres termes, si cet armement a tué des Israéliens pendant la guerre de libération du sud-Liban et en 2006, il a tué aussi des Libanais au début de ce mois. Le bilan de 81 morts et 250 blessés, surtout parmi les adversaires du Hezbollah n’est pas une mince affaire.
S’il est légitime pour le Hezbollah de voir traduire sa force et son influence en responsabilités gouvernementales, il est tout aussi légitime pour le gouvernement en place de chercher à s’acquitter de ses responsabilités vis-à-vis des citoyens libanais sans qu’aucune force interne, a fortiori militaire, lui mette les bâtons dans les roues. La résolution de cette rivalité paralysante dans le paysage politique libanais ne pourra réussir que par une reconfiguration du partage traditionnel du pouvoir qui prendrait en compte les nouvelles réalités.
Cela dit, les problèmes de division politique et confessionnelle entre Libanais ne datent pas d’hier. Déjà 1958, la première guerre inter-libanaise avait engendré des interventions étrangères, y compris américaines, et les forces politiques du Liban indépendant ont toujours eu des allégeances étrangères. Il y a même eu une tentative avortée de Bachir Gemayel de créer une structure étatique libanaise alliée à Israël. Cette tendance n’est pas une fatalité et les politiciens libanais, tous courants confondus, gagneraient à se poser les questions suivantes : Pourquoi la classe politique libanaise, à l’instar de n’importe quelle autre classe politique dans n’importe quel pays du monde, n’arrive toujours pas à mettre les intérêts du Liban au dessus de tous les autres intérêts, qu’ils soient régionaux et internationaux ? Pourquoi le Liban n’arrive-t-il pas à tisser des relations politiques, diplomatiques et économiques normales aussi bien avec Téhéran qu’avec Washington par exemple ? Des dizaines de pays dans tous les continents n’entretiennent-ils pas de bonnes relations à la fois avec l’Iran et les Etats-Unis ? Pourquoi pas le Liban ? L’avenir paisible ou non du Liban dépend dans une large mesure des réponses données à ces questions. En d’autres termes, cet avenir dépend de la capacité des différents courants politiques au Liban à se libérer des pesantes allégeances à des forces étrangères.

1 Comments:

Blogger david santos said...

Hello, Hmida!
Great post. I loved this post and this blog.
Have a nice week

5:22 PM  

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