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Saturday, May 24, 2008

Quand on est dans un trou, il faut arrêter de creuser

L’ancien secrétaire au trésor américain, Alan Greenspan, a fini par le reconnaître il y a seulement deux ou trois mois. « Oui, la guerre d’Irak était pour le pétrole », avait-il affirmé à la presse américaine, confirmant ce que tout le monde savait et enfonçant ainsi une porte ouverte.
Quand il avait su que l’Amérique était déterminée à détruire son régime, et sachant mieux que quiconque que ce qui l’intéressait en premier lieu, c’était le pétrole, Saddam Hussein, dans une tentative désespérée de sauver sa peau, contacta les Américains à travers un homme d’affaires libanais pour leur proposer de venir négocier. Quand on sait l’ampleur de la menace mortelle qui pesait sur lui et sur son régime, il y a tout lieu de croire qu’il était prêt à étancher leur soif de pétrole à un prix d’amis.
Richard Perle, connu sous le titre peu flatteur de Prince des ténèbres, était alors, avec son ami Paul Wolfowitz, le fer de lance de la campagne anti-irakienne. Il fit répondre à Saddam par l’intermédiaire de l’homme d’affaires libanais : « Nous nous rencontrerons bientôt à Bagdad ». La réponse sarcastique du Prince des ténèbres, deux ou trois mois avant la guerre, a très probablement convaincu l’ancien président irakien que les dés étaient déjà jetés et que le sort de son régime était définitivement scellé.
A l’époque, le baril de pétrole était à 25 dollars et les importations américaines annuelles de brut ne dépassaient guère le montant que devraient payer les Etats-Unis par la suite juste pour quelques mois de guerre en Irak. Aujourd’hui, parce qu’ils ont refusé l’offre de négociation de Saddam Hussein, les Etats-Unis payent entre huit et dix milliards de dollars par mois pour la guerre d’Irak et, avec la flambée du prix du baril, leurs importations de brut sont passées de 106 milliards de dollars en 2006 à 500 milliards de dollars dix huit mois plus tard.
Les caisses de l’Etat fédéral américain, même alimentées par l’économie la plus puissante du monde, ne pouvaient supporter des guerres de plus en plus coûteuses et un baril qui avance à pas déterminés vers les 150 dollars. D’ailleurs, depuis leur début, les guerres d’Afghanistan et d’Irak sont financés à coup de bons de trésors vendus aux Chinois, aux Japonais, aux Saoudiens et d’autres encore qui ont des matelas de liquidités bien garnies. Le contribuable américain mettra sans doute des décennies à rembourser les dettes immenses engendrées par les politiques malavisées de George Bush.
Le bon sens veut que quand on se trouve dans un trou, on arrête de creuser. Il semble que le président américain a choisi de creuser jusqu’à la fin de son mandat, le 20 janvier prochain. Il y a quelques jours, le sénat a approuvé 165 milliards de dollars pour les guerres de Bush. Celui-ci, faut-il le rappeler, a pesé de tout son poids pour rogner sur les programmes sociaux et éducatifs des Américains les plus démunis, tout en préservant les avantages fiscaux des plus riches.
Au lieu de tenter de sortir des impasses irakienne et afghane, il préfère demander toujours plus de crédits pour financer ses guerres dont ni lui ni ses collaborateurs ne voient l’issue, et dont les coûts, d’après les calculs du prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, dépasseraient les 3 trillions, c'est-à-dire 3000 milliards de dollars. Dans la même logique, au lieu de convaincre ses concitoyens de consommer moins d’essence, ou d’imposer par les mécanismes de la loi ou de la fiscalité une réduction de cette consommation, il a préféré aller quémander auprès du roi Abdallah d’Arabie Saoudite une augmentation de la production pétrolière afin que les prix baissent et que le vacancier américain puisse économiser quelques dollars sur le plein de sa grosse cylindrée.
Quand on se retrouve dans un trou, il faut arrêter de creuser. Tous les désastres causés à l’Amérique et au monde durant les huit dernières années ont pour cause principale le refus de l’administration néoconservatrice américaine de négocier avec ses ennemis. Et on revient ici à la charge : si Bush avait accepté l’offre de négociation de Saddam Hussein, l’Amérique, l’Irak, le golfe, le Moyen-Orient et le monde entier seraient dans de bien meilleures conditions. La diplomatie n’a pas été inventée par l’homme pour s’asseoir et bavarder avec ses amis et ses alliés, mais avec ses ennemis. Son invention représente une étape décisive dans l’évolution de l’humanité et une victoire importante sur l’agressivité et la barbarie inhérentes à la nature humaine.
Au cours des huit dernières années, le pays le plus puissant et le plus influent du monde a obstinément poussé vers une régression qui a mis le monde entier en péril, en enterrant la belle invention de la diplomatie et en réhabilitant la violence en tant qu’unique moyen de résoudre les différends entre ennemis.
On avait cru naïvement que le président américain tirerait les leçons des graves erreurs commises au cours de ses deux mandats et qu’il tenterait à la fin de son règne, ne serait-ce que symboliquement, de prendre quelques sages décisions qui trancheraient avec toutes celles qui avaient engendré des pertes humaines et des destructions matérielles à grande échelle. Or, il continue de s’en prendre avec virulence à tout responsable américain qui ose évoquer la possibilité de s’asseoir à la même table que les ennemis de l’Amérique pour négocier avec eux.
Dans son discours du 15 mai dernier devant le Knesset israélien, il a attaqué violemment les promoteurs de « la politique d’apaisement », en référence à la proposition du candidat Barack Obama d’ouvrir des négociations avec l’Iran s’il est élu, et en référence aux concessions faites par les puissances européennes en 1938 à Adolf Hitler. Non Barack Obama n’est pas Daladier et Ahmadinejad n’est pas Hitler. Quand on est dans un trou, il faut cesser de creuser.

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