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Friday, May 16, 2008

Passion pro-israélienne

Rarement la passion, la religion et la politique n’ont été aussi intimement liées qu’elles l’ont été jeudi dernier dans le discours du président américain George Bush devant le Knesset israélien. On savait d’avance que Bush allait réaffirmer solidement le soutien américain à Israël, mais on était loin d’imaginer qu’il allait mettre autant de passion. On était loin d’imaginer qu’il allait puiser dans ses profondes convictions religieuses pour caresser et recaresser Israël dans le sens du poil.
Bush était en Israël pour célébrer avec les Israéliens le 60eme anniversaire de la création de cet Etat. Mais une fois devant le Knesset, il n’avait plus en tête les résolutions de l’ONU. Il avait perdu de vue que le territoire administré par la puissance britannique et qui s’appelait Palestine avait fait l’objet d’une résolution de partage, la 181 de 1947, octroyant deux parts à peu près égales aux Israéliens et aux Palestiniens. Il avait ignoré totalement le nettoyage ethnique pratiqué en 1947 et en 1948 par les groupes terroristes juifs (Irgoun, Stern et autres) contre les civils palestiniens, décrits dans toute son horreur par le l’historien israélien Ilan Pappé dans son livre « La guerre de 1948 en Palestine ». Il parlait aux parlementaires israéliens comme si leur pays était aussi pacifique que la Suisse. Comme s’il n’avait jamais occupé aucun de ses voisins. Comme s’il n’avait pas construit de véritables villes-colonies (Maali Adumin, Ariel, Gush Etzion et des douzaines d’autres) sur des terres confisquées par la force.
Tournant le dos à cette réalité tragique, Bush n’avait pas hésité à aller puiser dans les mythes auxquels sont hystériquement attachés les Israéliens les plus extrémistes. Depuis la création d’Israël, jamais homme politique, américain ou autre, n’avait qualifié la création d’Israël de « rédemption d’une ancienne promesse donnée à Abraham, Moïse et David, une patrie pour le peuple élu à Eretz Israël ». Depuis la création de ce pays, jamais un homme politique n’a été aussi loin dans la confusion des mythes anciens avec la politique du XXIeme siècle que George Bush quand il affirme devant les parlementaires israéliens : « Vous avez construit une démocratie moderne sur la Terre Promise, une lumière parmi les nations qui préserve l’héritage d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Vous avez construit une démocratie puissante qui durera éternellement et qui peut toujours compter sur l’Amérique de se tenir à ses côtés ».
Le soutien américain à Israël a franchi cette fois une nouvelle étape dans l’exactitude. Une exactitude arithmétique qui ne souffre aucun doute : « La population d’Israël est juste un peu plus de 7 millions. Mais quand vous confrontez la terreur et le mal, vous avez la force de 307 millions de personnes, parce que l’Amérique est avec vous ». Beaucoup d’Américains sont sûrement furieux par une telle opération d’addition faite par un président dont le taux de popularité aux Etats-Unis ne dépasse guère les quelque 20% d’opinions favorables et qui parle au nom de 300 millions d’Américains.
Dans sa passion pro-israélienne, le président américain s’était projeté 60 ans dans le temps et s’était imaginé en train de célébrer… le 120eme anniversaire d’Israël : « Israël célèbrera son 120eme anniversaire comme l’une des plus grandes démocraties du monde. Une patrie sûre et prospère pour le peuple juif. » Cette vision rose de l’avenir d’Israël n’est pas partagée par la CIA qui, dans l’un de ses récents rapports doutait de la possibilité pour Israël de fêter son « centième anniversaire ». Elle n’est même pas partagée par les Israéliens dont beaucoup doutent de la possibilité pour leur pays de durer dans le temps, compte tenu de son incapacité à s’intégrer dans son environnement géographique et de son obstination à résoudre ses problèmes avec ses voisins à coups de bombes et de missiles.
Le danger mortel qui menace Israël ne provient pas de l’étranger. Il ne provient ni des pays arabes, ni de l’Iran ni d’aucun autre pays étranger. Ce danger vient de la classe politique israélienne elle-même et de tous ceux qui, aux Etats-Unis et ailleurs, croient défendre les intérêts de ce pays en l’encourageant, ouvertement ou implicitement, à persévérer dans sa politique d’occupation, de répression et de massacre de civils.
Le danger du feu nucléaire dont on fait un si grand bruit depuis des mois ne provient ni de Téhéran, ni de Damas ni du Caire, mais d’Israël même où des centaines de têtes nucléaires sont pointés dans toutes les directions. Mais évidemment, tous ceux qui sont capables de faire prévaloir les mythes sur les impératifs de paix du XXIeme siècle, sont, a fortiori, capables de déformer des réalités simples en tournant le dos aux centaines de missiles nucléaires entreposés en Israël et de pointer des doigts accusateurs vers d’autres directions.
Le plus extraordinaire est que le discours de Bush devant le Knesset a affaibli encore la position du Premier ministre, Ehud Olmert, aux yeux de ses opposants israéliens. C’est ainsi que le parlementaire israélien Zvi Hendel, représentant d’un parti extrémiste, a invité Olmert à « apprendre du président des Etats-Unis ce que c’est que le sionisme ». De son côté, l’ancien président du Knesset, Reuven Rivlin a affirmé : « Je souhaite que nos dirigeants feraient des discours avec la même vision sioniste que celle manifestée par le président Bush »…
On ne sait trop si, en qualifiant Bush de « meilleur sioniste » que le Premier ministre d’Israël, ces membres de la Knesset le servent ou le desservent. Une chose est sûre, de tels « éloges » et le recours par Bush aux mythes relatifs à la « Terre Promise » ne font sûrement pas de lui le meilleur intermédiaire entre Israéliens et Palestiniens et ne rendent pas ses discours relatifs à « l’Etat palestinien » plus crédibles qu’ils ne le sont déjà.

1 Comments:

Blogger Unknown said...

Le discours de Mr Bush était en fait plus déstiné au lobby juif américain plus qu'a l'opinion israelienne.
De toute évidence quand le président parle d'un état israelien éternel on sait qu'il n'a jamais entendu parler d'Ibn Khaldoun;de plus cela me rappelle un discours d'Hitler qui croyait établir un "Reich millenaire"

2:54 PM  

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