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Saturday, May 03, 2008

J Street contre AIPAC

En 2004, Howard Dean était dans la course à la candidature du parti démocrate pour l’élection présidentielle américaine. Il n’a pas réussi à représenter son parti alors et il n’a pas présenté sa candidature cette année où Barack Obama et Hillary Clinton continuent de s’entredéchirer au grand bonheur du candidat républicain John McCain. Celui-ci, pour accroître ses chances, il a déjà commencé à prendre ses distances avec l’actuel président et son adjoint, largement impopulaires, en proférant contre eux des critiques bien tardives.
Howard Dean avait donc nourri des ambitions présidentielles en 2004 et son échec s’expliquait dans une large mesure par la campagne virulente déclenchée contre lui par le lobby israélien aux Etats-Unis, et en particulier par l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee). La raison de l’attaque ? Howard Dean avait osé demander que son pays adopte « une approche équilibrée » dans la gestion du conflit israélo-arabe. Du coup, le candidat à la candidature démocrate était devenu l’homme à abattre et traité de tous les superlatifs classiques : ennemi d’Israël, antisémite, ami des terroristes etc…
Cet épisode, bien que banal dans le monde politique américain, avait choqué à l’époque beaucoup d’Américains, dont des Juifs « libéraux », de plus en plus excédés par les prétentions des représentants de « la droite juive américaine » à parler au nom de tous les Juifs. C’est un fait que les chefs de l’AIPAC et de Ligue américaine contre la diffamation, dont le tout puissant Abraham Foxman, se sont autoproclamés porte-parole de toute la communauté juive des Etats-Unis.
De plus en plus d’Américains sont agacés par les excès du lobby et les langues ont commencé à se délier depuis que, en 2006, les deux universitaires, John Mearsheimer et Stephen Walt, ont décidé d’écorner le tabou en mettant à nu les pratiques dangereuses du lobby « tant pour les intérêts américains que pour Israël ».
En 2004, Jeremy Ben-Ami, un Juif américain était directeur de la campagne de Howard Dean. Il était d’autant plus choqué de la réaction violente du lobby contre son employeur que Howard Dean est « marié à une Juive et ses enfants sont élevés dans la foi juive ». C’est ce choc qui avait poussé Ben-Ami à penser à la création d’une structure qui contrecarrerait l’activité destructive de l’AIPAC et autre Ligue contre la diffamation.
Après quatre ans de gestation, le projet de Jeremy Ben-Ami voit enfin le jour et la structure s’appelle « J Street », J pour « Jew » (juif), ce que l’on peut traduire par « Rue Juive ». J Street a l’ambition de rivaliser avec l’AIPAC en lui contestant le droit qu’il s’est arrogé de parler au nom de tous les Juifs américains et en engageant le débat sur les vrais intérêts des Etats-Unis et d’Israël.
Gary Kamyia, auteur d’un article publié le 29 avril sur le site internet américain http://www.antiwar.com/, écrit : « Rien n’est plus urgent dans notre discours politique que d’éliminer le tabou qui nous empêche de parler franchement d’Israël. Celui-ci n’est pas le 51eme Etat, mais un pays étranger au milieu du Moyen-Orient, une région où notre intérêt national est considérable. Le silence forcé sur tout ce qui a trait à Israël nous a empêchés de penser clairement au problème du Moyen-Orient, a aidé au déclenchement de la guerre désastreuse que nous menons en Irak et aidera probablement au déclenchement d’une future guerre contre l’Iran ».
Le fondateur de J Street, Jeremy Ben-Ami, a confié à Gary Kamiya la raison qui les a poussés, lui et ses amis, à franchir le pas et à créer une structure qui serait l’anti-AIPAC si l’on peut dire. « Il n’est plus acceptable, dit-il que, chaque fois qu’il s’agit d’Israël, le débat soit détourné et monopolisé par l’extrême droite juive ». Le but de J Street sera donc d’agir auprès des politiciens américains et en particulier au Congrès, en utilisant les mêmes méthodes que l’AIPAC, mais en poursuivant des objectifs politiques entièrement différents. L’AIPAC menace-t-il de détruire la carrière d’un politicien américain qui ose dire la vérité sur ce qui se passe au Moyen-Orient ? J Street est désormais là pour s’y opposer en s’employant à semer les premiers grains de sable dans la machine de propagande bien huilée du lobby israélien. Comment ? En incitant les politiciens de Washington à « servir Israël autrement », et ce en disant simplement la vérité. Car, pour Ben-Ami et ses amis, ni Israël, ni les Etats-Unis ni la paix dans le monde ne sont servis par un soutien aveugle à la politique israélienne, comme continue de le faire obstinément l’AIPAC.
Contrairement à des organisations assez inhibées telles que « Israel Policy Forum », « Americans for Peace Now » ou encore « Brit Tzedek v’Shalom », J Street se propose d’être un « vrai acteur politique » qui accorde son soutien politique, mais aussi financier, à tout politicien qui se trouvera placé sur la liste noire de l’AIPAC pour s’être écarté des positions politiques fixées par le lobby israélien.
Evidemment, pour le moment J Street ne dispose pas des réserves financières de l’AIPAC. Mais ce nouveau lobby des « Juifs libéraux » américains est optimiste quant à ses capacités à collecter de l’argent à travers le réseau Internet en s’inspirant des méthodes victorieuses du mouvement américain anti-guerre, « MoveOn », ou encore des méthodes utilisées par Barack Obama pour collecter de l’argent pour sa campagne et qui se sont avérées extrêmement efficaces.
Un autre élément qui incite les fondateurs de J Street à l’optimisme : le cas Betty McCollum. Cette Américaine est la représentante de l’Etat du Minnesota au Congrès. Elle s’est opposée récemment bec et ongles à un projet de loi inspiré par l’AIPAC et qui vise à geler l’aide américaine aux Palestiniens. L’AIPAC, comme d’habitude, a aussitôt réagi en accusant Betty McCollum de « soutenir les terroristes ». Mais cette fois ça n’a pas marché pour l’AIPAC. La représentante du Minnesota a eu gain de cause. Elle poursuit honnêtement son travail au Congrès. Elle est le prototype de politiciens que l’AIPAC cherche à détruire et que J Street se prépare à soutenir politiquement et financièrement.

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