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Thursday, May 08, 2008

Israël, soixante ans après

Israël était créé le vendredi 14 mai 1948. S’il était un homme, il prendrait sa retraite dans cinq jours et on n’en parlera plus. Mais il n’y a pas d’âge pour la retraite des Etats et on parlera encore longtemps d’Israël. La création de ce pays était une catastrophe pour les Arabes en général, et en particulier pour les Palestiniens pour qui le 14 mai est la journée de la Nakba qu’ils célèbrent dans la douleur depuis 60 ans. Quant aux Israéliens, ils ont commencé hier la célébration en grande pompe du 60eme anniversaire de la création de leur Etat avec un immense défilé militaire de l’aviation, celle la même qui n’arrête pas depuis des décennies de semer la mort et la désolation dans la région.
En soixante ans d’existence, Israël a mené sept grandes guerres contre les Arabes, avec un acharnement particulier contre les Palestiniens et les Libanais. 1948, 1956 (agression tripartite israélo-franco-britannique contre l’Egypte), 1967, 1973, 1978, 1982, 2006, sans compter le nombre incalculable de « petites guerres » menées contre un peuple désarmé sur une base quasi-quotidienne, avec une intensité particulière durant les deux intifadas, celle de décembre 1987 qui a duré six ans, et celle de septembre 2000 qui n’a pas cessé encore.
En 1906, Theodor Herzl termina son œuvre en langue allemande « Der Judenstaat » (l’Etat juif) qui donna naissance au mouvement sioniste. Dans ce livre, il y a une phrase célèbre souvent citée par les historiens et les auteurs d’œuvres politiques : « Pour l’Europe, disait Herzl, nous constituerons là-bas [en Palestine] un secteur du mur contre l’Asie. Nous serons l’avant-garde de la culture contre la barbarie. »
Un siècle après, le mur est là effectivement. Mais ce n’est pas le « mur contre la barbarie » dont parlait Herzl, c’est plutôt le mur de la barbarie israélienne qui, depuis des décennies, martyrise les Palestiniens, en occupant leurs terres, en massacrant leurs enfants, en détruisant leurs maisons, en déracinant leurs arbres et, pour finir, en les emprisonnant derrière un mur en béton de huit mètres de haut et 700 kilomètres de long qui a charcuté impitoyablement la Cisjordanie et rendu la vie des Palestiniens plus infernale encore.
Soixante ans après sa création, Israël ne semble pas fatigué de la guerre. Pratiquement toutes les guerres que ce pays a menées sont des guerres d’agression. C’est parce qu’il est attaché maladivement à des mythes et qu’il a une armée puissante et le soutien des grandes puissances que ce pays refuse toujours tout compromis et toute proposition de paix. L’objectif est clair : guerroyer jusqu’à ce que les Palestiniens s’épuisent, se mettent à genoux et acceptent la paix aux conditions israéliennes, c'est-à-dire des bantoustans en guise d’Etat, de manière à ce que le contrôle effectif de toute la Palestine reste entre les mains d’Israël.
Cet objectif n’est pas mis au point par la classe au pouvoir maintenant à Tel Aviv ni par celle qui l’a précédée. C’est un objectif inscrit est inscrit dans le projet sioniste, conçu près d’un demi siècle avant le massacre à grande échelle des Juifs par l’Allemagne nazie. Herzl était même entré en contact avec le sultan ottoman pour lui suggérer l’idée qui était à la base de son projet de « Judenstaat » : déporter les Palestiniens hors de Palestine pour préparer le terrain à la colonisation juive. De son côté, l’autre théoricien du sionisme, Zeev Jabotinsky, traçait en 1923 déjà la ligne de conduite du futur Etat israélien : « refuser tout accord de paix avant d’avoir colonisé la Palestine à l’abri d’un mur de fer ».
L’agressivité de l’Etat israélien est inscrite noir sur blanc dans le journal intime du fondateur de cet Etat, David Ben Gourion, qui écrivait le 24 mai 1948, c'est-à-dire dix jours seulement après la création d’Israël : « Nous établirons un Etat chrétien au Liban (…). Nous briserons la Transjordanie, bombarderons sa capitale, détruirons son armée (…). Nous mettrons la Syrie à genoux (…). Notre aviation attaquera Port Saïd, Alexandrie, le Caire, et ceci pour venger nos ancêtres opprimés par les Egyptiens et les Assyriens à l’époque biblique… » (1).
On reste pantois face à la futilité de cet homme, vénéré en Israël comme un quasi-Dieu, et qui, quelques semaines après le massacre et le nettoyage ethnique infligés à des centaines de milliers de Palestiniens, sombre dans la folie des grandeurs et va jusqu’à concevoir des plans de vengeance se référant à es événements plus proches du mythe que de la réalité.
Soixante ans après sa création, Israël n’arrive toujours pas à se normaliser et à s’intégrer dans son environnement géographique parce que sa classe dirigeante et une bonne partie de sa population demeurent intoxiquées par les mythes de la terre promise et de la reconstitution sur des bases modernes du « royaume d’Israël » prétendument créé par les anciens Hébreux.
Ce mythe est déconstruit par de nombreux archéologues et historiens israéliens dont Shlomo Sand, professeur à l’université de Tel Aviv, dans son ouvrage récent intitulé : « Comment le peuple juif fut inventé. De la bible au sionisme ». Ce livre vient troubler les fêtes du 60eme anniversaire de la création d’Israël parce qu’il remet en cause l’idée que ceux qui peuplent aujourd’hui ce pays sont les descendants des anciens Hébreux. Les Juifs d’aujourd’hui, soutient l’auteur, sont plutôt « d’anciens païens –berbères d’Afrique du nord, Arabes du sud de l’Arabie, Turcs de l’empire des Khazars- reconvertis au judaïsme entre IV et le VIIIeme siècle de notre ère ». Les descendants des anciens Hébreux ? Ce sont probablement les Palestiniens reconvertis à l’islam, soutient Shlomo Sand.
On est habitué aux farces, le plus souvent tragiques, que se permet de temps en temps l’histoire aux dépens des hommes, prompts à s’entretuer pour un oui ou pour un non. Mais si la thèse défendue par Shlomo Sand s’avérait vraie, la plaisanterie que l’histoire s’est permise aux dépens des Palestiniens et qui dure depuis 60 ans est un peu trop grotesque. Trop tragique. Mieux vaut en… pleurer


HBR

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(1) Cité par Eric Rouleau dans son article : « Israël face à son histoire », Le Monde diplomatique, Mai, 2008.

1 Comments:

Blogger Unknown said...

Israel,l'enfant gaté du monde(presque)entier,au quotidien ,bombarde,cible des militants,détruit les maisons,les terres et les récoltes,tue des femmes et des enfants dans un silence(silence on tue) total de la communauté internationale si prompt à reagir à propos des élections au Zimbabewe.
Le lobby juif n'explique pas tout et les Arabes ont leur part dans cette tragedie.Le jour ou nous aurons le courage d'admettre nos erreurs passées et dysfonctionnements actuels,on aura fait un grand pas.

5:56 PM  

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