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Wednesday, April 30, 2008

Dynamisme diplomatique turc

Depuis longtemps, la Turquie a toujours été le pays le mieux placé pour jouer les intermédiaires dans les crises qui secouent la région, et en particulier la crise inextricable qui oppose Arabes et Israéliens. Bien qu'elle soit elle-même pleinement impliquée dans la crise engendrée par la non résolution de la question kurde, et bien que ses rapports avec les Kurdes irakiens soient très tendus, la Turquie s'est montrée ces derniers temps particulièrement active sur le plan diplomatique en intensifiant ses contacts entre les ennemis de la région pour les convaincre de s'asseoir à la même table et discuter de leurs problèmes.
Au cours de sa récente visite à Damas, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a affirmé que les efforts que déploie la Turquie dans sa médiation entre la Syrie et Israel font partie d'un effort global déployé par Ankara pour jouer le rôle de faiseur de paix régional:«Je crois que notre diplomatie de paix fera, si Dieu le veut, des contributions positives (à la paix) en Irak, entre la Syrie et Israe et entre les Palestiniens et Israel», a-t-il affirmé à la presse avant de quitter Damas.
La Turquie peut-elle jouer le rôle de «faiseur de paix» en Irak ? Sa réputation parmi les Kurdes irakiens n'est pas particulièrement brillante. Récemment, lors de l'offensive d'Ankara contre les rebelles du PKK au nord de l'Irak, elle s'est détériorée si gravement que responsables turcs et kurdes irakiens en étaient venus à proférer menaces et contre-menaces avant que la tension ne retombe après que Massoud Barzani s'est résolu à faire profil bas face à une puissance régionale contre laquelle il ne peut grand- chose.
La réputation de la Turquie est tout autre parmi les Arabes irakiens, surtout les sunnites, qui regardent leur grand voisin du nord plutôt avec sympathie. Les rancoeurs engendrées par les vicissitudes de l'Histoire semblent dissipées avec le temps, et les Arabes irakiens gardent en mémoire la position honorable d'Ankara qui avait refusé net en mars 2003 de permettre à l'armée américaine d'utiliser son territoire, ce qui avait frustré énormément l'armée américaine obligée alors de changer à la dernière minute son plan d'attaque qui consistait à prendre en tenailles les forces armées irakiennes dans le cadre d'une invasion simultanée par le Nord (Turquie) et par le Sud (Koweït).
L'influence de la Turquie en Irak, comparée à celle de l'Iran, est minime, compte tenu de la taille minuscule de la communauté turkmène par rapport à la majorité chiite. Cela dit, le fait qu'Ankara entretienne de bonnes relations avec tous les acteurs majeurs de la crise irakienne lui permet effectivement de jouer un rôle apaisant en Irak et contribuer à la stabilité dès l'épuisement des forces qui alimentent la violence.
En attendant de jouer un rôle en Irak, la diplomatie turque s'efforce de régler l'une des crises majeures de la région: la tension permanente entre Israël et la Syrie. Il est vrai que les deux pays ne se sont pas affrontés directement depuis 1973, mais ils étaient à plusieurs reprises au bord de la guerre, la dernière fois étant lors du bombardement par Israel d'un site indéterminé en Syrie en septembre dernier.
Depuis l'occupation du Golan en 1967, la Syrie n'a jamais eu pour politique de récupérer son territoire par la force. Plusieurs tentatives diplomatiques de récupérer le Golan par la négociation n'ont pas abouti. La plus sérieuse étant celle menée en 1995, quelques mois avant l'assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, mais elle fut enterrée avec lui.
Une autre tentative eut lieu quand Benyamin Netanyahu, alors Premier ministre, envoya un émissaire (un homme d'affaires américain) chez l'ancien Président Hafez Al Assad pour négocier un éventuel accord de paix en échange du Golan. Pour des raisons de politique politicienne, le même Netanyahu, chef du Likud, s'en prend aujourd'hui avec virulence à la médiation turque, jurant qu'il n'y aura pas de retrait du Golan car, soutient-il le plus sérieusement du monde, «si nous quittons les hauteurs du Golan, c'est l'Iran qui nous remplacera»
Cette trouvaille de l'«épouvantailiranien» n'est pas le produit du génie de Netanyahu, mais c'est le cheval de bataille des colons juifs du Golan qui l'utilisent, chaque fois qu'il est question de négociation, pour effaroucher l'opinion publique israélienne et l'amener à les soutenir dans leur refus de quitter le plateau syrien. Et il semble que ça marche puisque d'après des sondages menés en Israel, «la majorité des Israéliens refusent le retrait du Golan par peur que l'Iran n'y installe ses forces».
Un autre obstacle se dresse sur le chemin de la médiation turque: la faiblesse politique du Premier ministre israélien, Ehud Olmert. Celui-ci, outre son absence totale de charisme, traîne une réputation d'incompétence suite à sa décision désastreuse d'entrer en guerre contre le Liban en 2006. La plupart des observateurs estiment qu'il n'a pas les moyens d'imposer un accord de retrait du Golan syrien, ce qui réduit les chances d'aboutissement de la médiation turque.
Mais ces difficultés n'ont pas l'air de décourager le dynamisme diplomatique dont fait preuve Ankara. Il est légitime qu'un pays de l'importance de la Turquie dans la région veuille traduire ses progrès économiques et politiques remarquables en influence diplomatique.
En proposant sa médiation, la Turquie est sans doute consciente des rancoeurs et des méfiances qui continuent d'alimenter la tension et de faire planer le spectre de la guerre. Elle sait également que le retrait israélien du Golan est un processus ardu et qui nécessite beaucoup d'efforts. Le but immédiat de la diplomatie turque est de faire asseoir à la même table Israéliens et Syriens. S'ils y arrivent, ce sera déjà un bon succès.

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