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Tuesday, April 15, 2008

Le Tibet, la Palestine et les JO de Pékin

Les médias américains en particulier et occidentaux en général nous ont habitués à leur extraordinaire capacité à se saisir d'une question, à en faire un problème d'envergure internationale, jetant en pâture le régime ou le pays visé à l'opinion publique internationale. La vérité, la morale ou la loi internationale ne sont pas les premiers soucis de cette presse prompte à se déchaîner sur quiconque, homme politique, régime ou pays qu'elle considère "anti-occidentaux" ou "menaces pour l'Occident".
Les conséquences pourraient être désastreuses non seulement pour le pays visé mais aussi pour le pays que la presse occidentale entend servir. Le cas le plus significatif est l'Irak. Le régime de Saddam a fait l'objet en 2002-2003 d'une campagne basée sur une série de mensonges que la presse occidentale présentait comme autant de vérités irréfutables dans le but de justifier une agression contre un pays souverain, membre de la famille internationale. Même si, à l'instar du New York Times et du Washington Post, plusieurs médias occidentaux ont fait leur mea culpa pour le rôle qu'ils ont joué dans la manipulation à dessein de la vérité, ils n'en assument pas moins une responsabilité dans la destruction de l'Irak. Il faut noter ici que certains parmi ces médias continuent à tordre le cou à la réalité en présentant l'agression de l'armée américaine comme une action héroïque ayant "libéré" le peuple irakien de la dictature…
Le fait qu'aujourd'hui la guerre d'agression contre l'Irak soit considérée par tous comme une erreur mortelle non seulement pour le pays agressé mais aussi pour le pays agresseur, n'a pas incité la presse occidentale à tirer les leçons de ses erreurs passées et à changer de comportement en collant à la vérité et en respectant les principes de base de la morale consistant à appeler un chat un chat, c'est-à-dire à pointer le doigt vers l'injustice indépendamment de la nature du pays qui la commet et à défendre les droits des victimes indépendamment de leurs origines ethniques ou culturelles.
Le tohu-bohu déclenché depuis quelques semaines autour de la question du Tibet aurait sans doute quelque crédibilité si les médias occidentaux avaient eu la même réaction vis-à-vis de la question palestinienne par exemple. Il y a quelque chose d'indécent dans l'exploitation d'un grand événement sportif pour soulever à ce moment précis un problème qui, s'il est bien réel, n'a, en revanche, ni l'importance, ni l'urgence, ni l'intensité d'autres problèmes que ces médias ignorent superbement.
Les appels au boycottage des jeux olympiques de cet été en Chine ne sont pas une nouveauté. Chaque fois qu'un pays que ces médias n'aiment pas s'emploie à organiser des jeux, c'est le même cinéma qui est servi à l'opinion mondiale. Rappelons-nous les derniers jeux olympiques organisés par l'Union Soviétique, une décennie avant son effondrement. Nous avions eu droit à un tapage international extraordinaire mené tambour battant par les médias de l’Amérique de Jimmy Carter et relayé par les médias européens pour convaincre les pays participant aux jeux de Moscou de contraindre leurs athlètes à s’inscrire aux abonnés absents.
La question qui se pose aujourd’hui en toute objectivité et en toute honnêteté est la suivante : si les médias internationaux veulent réellement jouer le rôle et assumer la responsabilité qu’imposent la déontologie et les principes élémentaires de la morale, devraient-ils en ce moment précis faire campagne en faveur des Tibétains ou des Palestiniens ? Ceux-là vivent depuis de longues décennies en paix et n’ont pratiquement jamais fait la « Une » de l’actualité. Ceux-ci vivent depuis plus de quarante ans sous occupation, subissent quotidiennement les pires exactions et sont soumis à un blocus étouffant de la part de la puissance occupante.
Est-il plus urgent d’exiger le desserrement de l’étau qui enserre Gaza ou d’exiger la liberté pour les Tibétains ? Les Palestiniens de Gaza se meurent et appellent tous les jours au secours, mais l’on n’a jamais entendu le moindre appel de détresse en provenance du Tibet. Même le Dalai Lama, en exil en Inde, n’a jamais dit que son peuple est en danger ni demandé une telle mobilisation médiatique qui a mis subitement la province chinoise sous les feux de la rampe sans raison. Ou plutôt si, il y a une raison : perturber l’organisation des jeux olympiques de Pékin cet été, comme l’avaient été les jeux de Moscou de l’été 1980.
Mais s’il y’avait une raison de perturber les jeux de Moscou (l’URSS avait envahi l’Afghanistan en décembre 1979), si personne n’avait trouvé à redire qu’une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis, boycottassent alors ces jeux, aucune raison sérieuse ne peut être avancée aujourd’hui pour justifier cette campagne douteuse contre les jeux de Pékin.
Il aurait été plus judicieux, plus moral et plus bénéfique pour la paix du monde que les médias occidentaux se mobilisent pour faire cesser le calvaire des Palestiniens plutôt que de faire flèche de tout bois en vue de créer un problème au Tibet et sortir les Tibétains de la discrétion tranquille qui caractérise leur vie depuis des décennies.
La plaie qui mine la sécurité du monde n’est pas au Tibet mais en Palestine, et la puissance qui devra être mise à l’index n’est pas la Chine mais Israël. Celui-ci passe son temps à guerroyer pour garder des territoires qu’il occupe par la force depuis quarante ans au mépris de la loi internationale. Celle-là passe son temps à travailler dur chez elle et à aider des dizaines de millions d’Africains et d’Asiatiques à mieux vivre en investissant des milliards de dollars dans la construction de chemins de fer, de routes, d’hôpitaux etc…
Juste un mot sur le Tibet. La Chine n’étouffe pas ce territoire et ne lui a jamais imposé de blocus. Bien au contraire, il y a un an ou deux, elle a désenclavé cette province perchée là haut sur les plateaux himalayens en la rattachant aux autres provinces chinoises par un millier de kilomètres de voix ferrées dont certains tronçons atteignent 5000 mètres d’altitude. Un véritable exploit technique qui, à l’époque, n’avait pas pris plus de place qu’un simple fait divers dans les médias occidentaux…


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