airelibre

Saturday, April 19, 2008

Crise alimentaire mondiale

Il y a juste quelques mois, on pensait que les plus grands dangers qui menacent la planète étaient le terrorisme et les politiques malavisées qui, tout en prétendant le combattre, le nourrissaient. Mais tout d’un coup, ces dangers ont commencé à faire pâle figure face au spectre de la famine à grande échelle que la flambée des prix des denrées alimentaires dans le monde rendent chaque jour un peu plus probable.
Des centaines de millions de personnes en Afrique, en Asie et en Amérique Latine qui, jusqu’à une date très récente, survivaient tant bien que mal, sont en train de basculer de l’autre côté de la barrière et risquent fort de devenir une charge pour les organisations humanitaires et les agences spécialisées de l’ONU qui sont déjà débordées et ne savent plus trop que faire.
Ce qu’on appelle désormais « les émeutes de la faim », remplissent déjà les écrans de télévision et l’ONU recense quelque 35 pays menacés de déchirement pour cause de hausse brutale des produits alimentaires de base. Si rien n’est fait pour renverser la tendance, ce ne sont pas seulement les pays pauvres qui seront déstabilisés, mais la planète entière. L’ancien président français Jacques Chirac a bien raison de mettre en garde dans une récente tribune publiée par le journal Le Monde que « sans mesures d’urgence et de fond, nous assisterons à des émeutes de plus en plus violentes, à des mouvements migratoires de plus en plus incontrôlables, à des conflits de plus en plus meurtriers, à une instabilité politique croissante ».
Pour prendre la mesure du problème qui prend des proportions de fléau, il suffit de suivre l’évolution, en termes de prix, de l’un des aliments de base les plus importants dans le monde : le riz. Des centaines de millions de personnes, notamment en Asie, tirent jusqu’à 70% de leurs calories quotidiennes de cet aliment. Or, rien que pendant les six dernières semaines (début mars à mi-avril), le prix du riz est passé de 460 dollars à 780 dollars la tonne. Les autres céréales suivent évidemment provoquant une hausse en cascade des prix de la farine, de la semoule, du pain, des pâtes, de l’huile végétale etc.
Les raisons de cette flambée des prix sont diverses et complexes. Le changement climatique souvent invoqué est une raison encore controversée, mais la fréquence des excès de sècheresse et d’inondations que l’on ne connaissait pas avant a sans aucun doute un effet négatif sur la production agricole mondiale. L’Australie, par exemple, l’un des réservoirs de riz dans le monde souffre d’une sècheresse dévastatrice depuis six ans consécutifs. Résultats : baisse de 98% de la production de riz et transformation des pâturages en terres brûlées et poussiéreuses au grand malheur des éleveurs de moutons et de bétail.
Une autre raison invoquée est l’amélioration substantielle du niveau de vie de centaines de millions de Chinois et d’Indiens, ce qui a engendré une forte augmentation de la consommation de la viande au niveau mondial. Or, pour produire 100 calories de viande, il faut 700 calories d’origine végétale, c’est dire la pression sur la production des céréales auxquels recourent les éleveurs pour engraisser les bovins, les ovins et les volailles pour faire face à la forte montée de la demande. Cette raison n’est pas en soi négative, car l’on ne peut que se réjouir de l’élévation du niveau de vie de centaines de millions d’Asiatiques du fait des performances stupéfiantes des économies chinoise et indienne.
En revanche, la raison liée à la forte augmentation des superficies réservées à la culture des biocarburants est, elle, tout à fait négative, désastreuse même. L’intellectuel suisse Jean Ziegler n’a pas hésité à la qualifier carrément de « crime contre l’humanité ». S’il est légitime que l’on cherche à s’affranchir de la dépendance d’un pétrole dont le prix est de plus en plus inabordable, s’il est souhaitable que l’on découvre des sources d’énergie renouvelable, cela ne devrait pas se faire aux dépens de la nourriture des plus pauvres. La place naturelle du maïs et des autres céréales est dans les ventres des êtres vivants et non dans les réservoirs des voitures et des avions.
En ces temps difficiles, la tentation du chacun pour soi est très forte. Chaque pays, et c’est légitime, tente de préserver ses réserves de riz et de blé pour se donner les moyens d’agir sur les prix. Cette tendance, en réduisant l’offre sur le marché mondial des céréales, nourrit si l’on peut dire la flambée des prix.
Que faire face à cette crise que tout le monde s’accorde à qualifier de « structurelle » ? Jusqu’à présent, les mesures prises par les grandes puissances et les organisations internationales sont celles que l’on prendrait face à une crise conjoncturelle qui disparaîtrait dès que la conjoncture change. En effet, face à l’ampleur de la crise alimentaire qui se dessine, augmenter de quelques centaines de millions de dollars l’aide aux affamés d’Afrique et d’Asie, reviendrait à vouloir soigner le cancer avec l’aspirine. Ce qu’il faudrait, c’est une révolution agricole dans les campagnes africaines là où le problème se pose avec ue grande intensité. Mettre fin aux cultures exportatrices, telle que le coton, imposées par le FMI et la Banque mondiale qui, soit dit en passant, se mordent maintenant les doigts d’avoir donné de si mauvais conseils, et commencer aussitôt à mettre tout en œuvre pour investir massivement dans les cultures vivrières. C’est dans ce sens que l’on pourrait transformer la hausse des prix des produits alimentaires en « une chance pour l’Afrique », comme l’a suggéré jacques Diouf, le directeur général de la FAO.
Les solutions existent et la terre peut nourrir ses habitants si l’on fait preuve de bonne volonté et si les politiques appropriées sont mises en œuvre. Une idée à méditer : dans le monde arabe, des milliards de dollars s’accumulent dans les caisses des pays pétroliers du fait de l’augmentation extraordinaire du prix du baril. Dans le même temps, des centaines de millions d’hectares de terres fertiles sont inexploités au Soudan. Une infime partie de l’argent du pétrole suffirait à verdir le Soudan dont les terres sont capables de nourrir tout le monde arabe et une partie de l’Afrique. En attendant, le Soudan, du fait des guerres incessantes et de l’absence d’investissements n’arrive même pas à nourrir sa propre population. Il continue à importer une bonne partie de sa nourriture et, en confortant la demande, contribue à la flambée des prix.

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Hello. This post is likeable, and your blog is very interesting, congratulations :-). I will add in my blogroll =). If possible gives a last there on my blog, it is about the OLED, I hope you enjoy. The address is http://oled-brasil.blogspot.com. A hug.

11:53 AM  

Post a Comment

<< Home